Survivre à une tentative d'assassinat pour briguer la présidence en Tanzanie
Afrique

BBC Afrique, 27 octobre 2020

Le parcours de l’opposant Tundu Lissu pour briguer la présidence en Tanzanie

 Pour ses partisans, Tundu Lissu est courageux et sans peur. Le fait qu'il est candidat à la présidentielle de la Tanzanie trois ans après avoir survécu à une tentative d'assassinat témoigne de sa détermination.
[Photo : L'opposant tanzanien Tundu Lissu]

Il a été l'objet de plusieurs tirs venant d'hommes armés non identifiés près de son domicile dans la capitale, Dodoma, et a subi plus de 20 opérations au Kenya et en Belgique afin de se rétablir.

De retour dans le pays en juillet, après avoir été soigné à l'étranger, il a été accueilli à l'aéroport par ses partisans comme un héros de retour.

À une époque où certains en Tanzanie ont le sentiment que leur liberté d'expression est réduite, le style franc de M. Lissu est très attrayant et, en août, il a confortablement battu deux adversaires pour obtenir l'investiture présidentielle pour le parti d'opposition Chadema.

L'avocat de 52 ans est devenu député de Chadema pour la première fois en 2010 dans une circonscription proche de son lieu de naissance à Singida, à 320 km au nord-ouest de Dodoma.

Il s'est rapidement imposé comme un porte-parole et un critique farouche du gouvernement, puis du président John Magufuli, après son élection en 2015.

Arrêté pour sédition

En mars 2017, il a été arrêté pour "propos séditieux et haine religieuse".

Puis, en juillet de la même année, il a été arrêté pour sédition après avoir affirmé qu'un avion appartenant au gouvernement avait été saisi au Canada pour une dette impayée de 38 millions de dollars.

Son audace lui a valu l'affection des personnes jugées neutres ainsi que des partisans de certains autres partis d'opposition.

Mais il devra également restaurer autour de lui un climat de confiance au sein de son propre parti. Après la défaite de Chadema en 2015, nombre de ses députés et dirigeants, dont le candidat à la présidence Edward Lowassa, ont rejoint le parti Chama Cha Mapinduzi (CCM) au pouvoir.

M. Lissu doit convaincre les membres de Chadema qu'il est un autre type d'homme politique et qu'il n'utilisera pas cette élection comme monnaie d'échange avec la direction du CCM.

Pendant la campagne, il a été fidèle à sa réputation de franc-parler. Cependant, l'une des principales critiques formulées à l'encontre de tous les hommes politiques de l'opposition est qu'ils s'évertuent à attaquer de M. Magufuli et de son gouvernement plutôt que sur leur propre projet de société.

Fin septembre, M. Lissu a été convoqué au comité d'éthique de la commission électorale après avoir déclaré que le président Magufuli était de connivence avec les fonctionnaires électoraux pour truquer le scrutin. Le candidat de l'opposition a été accusé de préparer une déstabilisation du pays.

Une semaine plus tard, sa campagne a été suspendue pendant sept jours par la commission électorale pour propos séditieux lors d'un meeting.

Chadema a également déclaré que les bureaux de son parti dans le nord du pays avaient été attaqués.

"Le régime prend peur et c'est pourquoi il met tout en œuvre, utilisant tous les instruments du pouvoir à sa disposition pour s'opposer à ma campagne", a déclaré M. Lissu à l'agence de presse Reuters.

Ses prises de position ont certainement attiré l'attention de la jeune population urbaine. Il a déclaré à BBC News Swahili que s'il devait gagner, il s'engageait à faire des réformes importantes dans les 100 premiers jours de son mandat :

  • Augmenter les salaires dans la fonction publique
  • Libérer ceux qu'il considérait comme des prisonniers politiques
  • Compenser ceux qui ont été "blessés" par le gouvernement
  • Et relancer le processus de révision de la constitution.

Mais il n'est pas certain qu'il pourra faire de sérieuses percées dans les bastions ruraux de la CCM, qui est au pouvoir depuis sa création en 1977.

Le CCM a succédé à l'Union nationale africaine du Tanganyika, qui a gouverné la Tanzanie de 1961 à 1977.

Il y a 13 autres candidats qui défient le président sortant et l'ancien ministre des affaires étrangères Bernard Membe est l'un des opposants les plus en vue des autres.

Expulsé du parti au pouvoir

Agé de 66 ans, il se présente aux élections présidentielles pour le parti ACT Wazalendo, mais sa candidature a été entravée par le fait que le chef de son parti, Zitto Kabwe, et le président, Seif Sharif Hamad, ont soutenu M. Lissu.

Ils estiment qu'il a plus de chances d'obtenir suffisamment de soutien pour battre le président Magufuli.

M. Kabwe a déclaré lors d'un rassemblement qu'il voterait pour M. Lissu et a demandé à ses partisans de faire de même. Mais M. Membe est déterminé à continuer sa campagne.

En tant que ministre des affaires étrangères de Tanzanie sous Jakaya Kikwete, le précédent président, il était considéré comme un diplomate, plutôt que comme un politicien, servant les intérêts du gouvernement.

Mais depuis 2015, il est devenu un fervent opposant au président Magufuli, ce qui lui a valu un certain soutien, mais l'a également conduit à être exclu du parti au pouvoir.

Il est considéré comme un acteur sûr de l'opposition, mais ses chances de gagner ont été compromises par les tentatives de l'opposition de s'unifier autour d'un seul challenger contre le président sortant.

Par BBC News Swahili

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