Tanzanie : les dirigeants de l’opposition arrêtés après les élections
Afrique

@rib News, 03/11/2020 – Source AFP

Trois jours après la victoire écrasante du parti au pouvoir aux élections générales en Tanzanie, la police a brièvement arrêté lundi le candidat du parti Chadema à la présidentielle, après sept autres responsables de la principale formation de l’opposition, qui avaient appelé à manifester.

Tundu Lissu, candidat du Chadema à la présidentielle, arrivé en deuxième position, a finalement été libéré après deux heures d’interrogatoire, a annoncé son parti dans la soirée, mais ses autres responsables, dont son président, Freeman Mbowe, étaient toujours détenus.

Le Chadema et ACT-Wazalendo, un autre parti d’opposition, ont rejeté les résultats des scrutins du 28 octobre, au cours desquels le président sortant John Magufuli a été réélu avec 84,39% des voix et son parti, le CCM, a raflé la quasi-totalité des 264 sièges en jeu aux législatives.

Samedi, Tundu Lissu et Freeman Mbowe avaient appelé leurs partisans à descendre dans la rue à compter de lundi pour réclamer de nouvelles élections, dénonçant un vote entaché de fraudes massives.

« Nous avons arrêté (Tundu Lissu) à Dar es Salaam, alors qu’il sortait des bureaux de l’Union européenne », avait indiqué lundi en début de soirée à l’AFP le chef de la police de la capitale économique, Lazaro Mambosasa.

Le responsable de la police a indiqué que cette arrestation était « en lien avec les manifestations interdites ».

Jeffrey Smith, de l’ONG prodémocratie Vanguard Africa – avec laquelle Tundu Lissu était en lien pendant cette campagne – a indiqué à l’AFP que ce dernier aurait cherché refuge, sans succès, auprès de plusieurs représentations diplomatiques à Dar es Salaam avant d’être arrêté.

– « Fraude d’ampleur sans précédent » –

Plus tôt dans la journée, M. Mambosasa avait annoncé à la télévision publique TBC1 l’arrestation de Freeman Mbowe et de six hauts responsables du Chadema.

« En plus de ces manifestations que nous avons interdites, ils voulaient inciter à saccager des infrastructures, brûler des stations-service, des marchés et des véhicules de transport en commun », a-t-il ajouté.

« Toute personne impliquée dans la préparation de manifestations illégales sera arrêtée et traduite en justice », a averti le responsable de la police.

Ces arrestations, couplées à une forte présence policière, semblent avoir dissuadé les potentiels manifestants et aucun rassemblement n’a été signalé lundi.

L’ambassade américaine en Tanzanie a qualifié lundi sur Twitter « d’extrêmement inquiétantes » les informations sur « les arrestations de dirigeants de l’opposition » et appelé les autorités tanzaniennes « à assurer leur sécurité » et à « cesser les arrestations ciblées ».

Lissu, qui a recueilli 13,03% des voix, avait dénoncé avant même la publication des résultats « une fraude d’ampleur sans précédent dans l’histoire » du pays.

Revenu en Tanzanie après trois ans de soins et de convalescence à l’étranger consécutifs à une tentative d’assassinat – politique selon lui – au cours de laquelle il a été touché de 16 balles, cet avocat a notamment dénoncé des bourrages d’urnes et le refus de laisser les observateurs de son parti accéder aux bureaux de vote.

– « Porte fermée » –

La loi en Tanzanie ne l’autorisant pas, « la porte de la contestation des résultats de la présidentielle devant un tribunal nous est fermée et c’est pourquoi nous avons décidé de nous adresser au peuple », avait-il expliqué samedi pour justifier l’appel à manifester.

Le premier mandat de M. Magufuli a été caractérisé par un net recul des libertés fondamentales et une multiplication des attaques contre l’opposition, selon les organisations de défense des droits de l’Homme.

Dans l’archipel semi-autonome de Zanzibar qui, outre le scrutin national votait mercredi pour élire ses propres président et députés, le candidat de l’opposition à la présidentielle locale, Seif Sharif Hamad, a été arrêté deux fois la semaine des élections et les tentatives de manifestations ont été brutalement réprimées.

Hamad a été défait par le candidat du CCM, Hussein Mwinyi, élu avec plus de 76% des voix.

Si les autorités « pensent que la majorité des gens soutiennent les vainqueurs, pourquoi utilisent-elles la police pour supprimer et menacer des gens qui prévoient des manifestations pacifiques? », s’est interrogé Ahmed Issa, un habitant du quartier de Buguruni, à Dar es Salaam.

« Nous sommes profondément inquiets des informations faisant état d’irrégularités électorales, d’arrestations politiquement motivées et de violences au cours des élections tanzaniennes », a écrit lundi sur Twitter le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo.

Le ministre britannique en charge de l’Afrique, James Duddridge, a déclaré lundi dans un communiqué que son pays était « profondément troublé par les signalements de violences et d’intense contrôle policier pendant les élections, notamment l’arrestation de leaders de l’opposition. »