"Silences gênés" au Burundi après la mort de Pierre Buyoya, ancien homme fort du pays
Politique

PANA, 19 décembre 2020

Nul n’aura été moins prophète dans son pays que le défunt président burundais, Pierre Buyoya (Bio-portrait)

Bujumbura, Burundi - Le décès de l’ancien président burundais, Pierre Buyoya, jeudi dernier à Paris (France) a été pleuré, beaucoup plus du côté de la communauté internationale que dans le pays qui l’a vu naître, il y a 71 ans, et qui l’a connu en tant que premier magistrat pendant une décennie, note-t-on.

Certains commentateurs à Bujumbura expliquent ces "silences gênés" par le fait que l'homme était recherché par la justice de son pays pour de présumés crimes d’Etat, notamment pour avoir commandité l'assassinat de son successeur, Melchior Ndadaye, dans le putsch militaire de 1993.

Le 20 octobre dernier, la Cour suprême de justice du Burundi condamnait le major Buyoya ainsi que 18 autres anciens hauts gradés de l’armée à la prison à vie, dans un procès d’assassinat du Président Ndadaye.

Au chapitre des réactions, l’Unité pour le progrès national (UPRONA), son propre parti, a mis 48 heures avant de sortir un bref communiqué sur la perte d’un "Grand Mushingantahe" (un Grand Sage, en langue nationale Kirundi).

Aucun autre parti politique, aussi bien de la mouvance présidentielle que de l’opposition, n’avait réagi, trois jours après l’annonce du décès de l'auteur de "Mission possible".

Dans ce livre, il jetait un regard rétrospectif sur son premier passage au pouvoir (1987 à 1993). 

En termes d'héritage politique, certains lui reconnaissent le courage d'avoir initié un projet politique controversé, celui d’unité nationale dans un pays aux divisions ethniques séculaires.

C’est encore lui qui a initié d'audacieuses réformes administratives et démocratiques inclusives de toutes les sensibilités socio-politiques et ethniques.

La conclusion de l’accord inter-burundais d’août 2000, à Arusha, en Tanzanie, sur la paix et la réconciliation, lui doit encore beaucoup.

L'accord a permis de mettre fin à une décennie de guerre civile par un partage plus équitable du pouvoir entre les deux ethnies longtemps antagonistes des Hutu (majoritaires) et des Tutsi (minoritaires).

Dans l'opinion, la controverse autour de l'homme va jusqu'à se demander où reposera-t-il pour l'éternité ?

Un internaute se demande quelles dispositions vont être prises pour concilier le double statut d’un "condamné" et celui d’un ancien chef d’Etat qu’il faut enterrer dignement ?

Pour l’internaute, le dirigeant burundais pouvait prétendre à des obsèques dignes de son rang, si son règne n’avait pas été "illégal et illégitime".

Le réconfort pour l'homme et les siens est venu des réactions attristées de la communauté internationale.

Ces réactions tranchent avec celles mitigées au pays et qui confirment l’adage qui dit que "Nul n’est prophète chez soi".

"C’est avec une profonde émotion" que le président de la Commission de l’Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, a appris le décès de Pierre Buyoya

Dans un communiqué, Moussa Faki déplore la perte d’un homme "qui a tant œuvré pour la paix dans son pays et sur le Continent".

En sa qualité de Haut-représentant du président de la Commission de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel jusqu’au mois de novembre dernier, "Pierre Buyoya a fait preuve d’un engagement exceptionnel dans l’accomplissement de sa mission", souligne le communiqué.

Le diplomate tchadien note encore que tout au long des huit années passées au service de l’UA, Pierre Buyoya a été "un infatigable promoteur de la paix dans cette région" et a mis "sa riche expérience d’ancien chef d’Etat au service de cette cause à laquelle il avait consacré tout son temps et toute son énergie".

L’Etat malien, de son côté, s’est engagé à rapatrier le corps de Buyoya et à organiser ses funérailles à Bamako.