La démocratie burundaise est en danger
Opinion

@rb News, 17/06/2010

La situation qui prévaut actuellement au Burundi dégage des signes annonciateurs d’une crise politico-sociale qui risque de replonger le pays dans le chaos. Tous les ingrédients sont réunis. Rema FM joue tellement le rôle de lynchage médiatique des acteurs politiques de l’opposition qu’on croirait l’infâme Radio RTLM au Rwanda. Puis la virulence de la haine des milices les Imbonerakure dirigées par Ezéchiel Nibigira envers tout ce qui n’est pas du CNDD-FDD se rapproche de plus en plus à la situation du Rwanda  au début des années 90. Ajoutez cela à la fragilité du Burundi présentement, le danger est tangible. Le pas franchi au niveau de la sécurité et de la démocratie risque de connaître un revers, si rien n’est fait. Remarquez qu’au delà de toute exagération, je choisi bien mes mots.

Certes on n’en est pas exactement là – pas encore du moins pour le moment– mais faudrait-il qu’on y soit pour que nos dirigeants mettent leurs intérêts personnels de côté pour l’intérêt national - et surtout adopter une approche proactive vis-à-vis aux tensions sérieuses et évidentes qui existent aujourd’hui entre le régime Nkurunziza et la CENI d’un côté et de l’autre côté l’opposition sous la bannière d’ADC-Ikibiri ? Le rôle de la Communauté Internationale, d’ailleurs très présente au Burundi, doit-il toujours être de réparer au lieu de prévenir ? À la vitesse où vont les choses, le risque de guérir à défaut d’avoir prévenu est réel. Pourvu que personne ne dise qu’elle n’a pas su !

Pour une deuxième journée, la résidence de Rwasa Agathon, leader des FNL aurait connu des assauts continus menés par le pouvoir Nkurunziza. Le manœuvre est classique et c’est du déjà-vu. D’abord des grenades qui sont lancées « avec précautions » et quelques permanences du parti au pouvoir qui sont soigneusement incendiées – tout ça pour préparer le terrain - puis le ministre de l’Intérieur devance les enquêtes en violation flagrante de la notion de la présomption de l’innocence jusqu’à preuve du contraire et annonce le coupable : l’Opposition.

On dirait ces films hollywoodiens des cow-boys ou le suspect est d’abord pendu et les faits sont établis par après. La Police et les Services Nationales de Renseignements n’ont pas tardé de réagir. Des armes à feu dont des fusils et roquettes contre des civils paisibles et non armés ont été utilisées. On fait état déjà d’un mort et 15  grièvement blessés. Devant l’œil très permissif de la Communauté Internationale, le CNDD-FDD en concert avec la CENI est déterminé à transformer le Burundi en une dictature.  

Qui dit démocratie dit pluralité d’idéologies – et dans une démocratie toute action ou confrontation politique doit obligatoirement se faire entre ces opinions et non pas contre des individus physiques comme ce fut le cas pour Ndayizeye, Kadege, Sinduhije, Radjabu etc.

Le jeu que joue le Régime Nkurunziza est périlleux – il n’y pas de qualificatifs plus doux pour décrire le comportement frôlant l’irresponsabilité que se donne le pouvoir en place aujourd’hui – vous remarquez que je pèse toujours mes mots. Le Burundi engorge  plus d’une quarantaine de partis politiques.

Presque une trentaine (avec des indépendants) s’étaient inscrits pour participer au processus électoral. Il y avait 17 candidatures annoncées pour les présidentielles parmi lesquels 6 compétiteurs qui avaient déjà complété leurs dossiers. C’est alors outrageux pour le CENI d’espérer à haute voix que dans une démocratie très active (bien que jeune) comme la nôtre, le terrain politique peut être réservé au seul pouvoir en place.

Tenez bien, là ou le parti de Jérémie Ngendakumana n’a pas gagné, soit par manque de popularité ou soit par manque des moyens pour truquer les résultats, le CENI employant le retrait de l’opposition comme prétexte, défie toute logique démocratique et promet d’octroyer là aussi la victoire au CNDD-FDD, pourtant vaincu - un acte qui viole incontestablement le choix du peuple –. Incroyable mais vrai, on voit graduellement l’organe en charge d’organiser les élections substituer la Constitution de la République et la volonté populaire par sa propre volonté. Pourtant ils ont été embauchés pour résoudre les antagonismes électoraux et non pas en créer d’avantage.

La guerre est terminée c’est vrai - mais la stabilité de notre pays est d’une fragilité dangereusement importante. Des milliers d’anciens rebelles des Forces Nationales de Libération qui viennent à peine de réintégrer la vie civile sont principalement ciblés par le pouvoir. A ceci y ajouter des armes à feu qui circulent dans la population et un gouvernement autoritaire qui a déjà amplement prouvé sa capacité de tout mettre en l’air, il ne resterait que l’élément déclencheur. Le parti de Jérémie Ngendakumana espère qu’en éliminant Rwasa, le monopartisme peut être installé au plaisir du CNDD-FDD. Je parie que cette entreprise est vouée à l’échec en partant.

Le dialogue, seul le dialogue peut dénouer la crise actuelle. Des élections organisées par le CENI (déjà sur le banc des accusés pour partialité), des élections surveillées par seuls les mandataires politiques du régime Nkurunziza (déjà sur le banc des accusés pour fraudes) souilleront toute forme de légitimité politique et du caractère démocratique de tout résultat qui en découlera. En réalité, tôt ou tard, tout sera à refaire. Mais entre temps, le rêve de la démocratie et d’un Burundi enfin paisible s’enfonce.

Pourvu que personne ne dise qu’elle n’a pas su ! L’espoir c’est tout ce qui nous reste et on le gardera.

Vincent Nsengiyumva