RDC : des soldats rwandais et burundais sont intervenus dans l’Est, selon l’ONU
Sécurité

Jeune Afrique, 04 janvier 2021

Le dernier rapport du groupe d’experts de l’ONU mentionne des opérations menées par les forces armées rwandaises et burundaises dans l’est de la RDC de la fin de 2019 à octobre 2020. Ce que Kigali et Gitega démentent.

Des contingents étrangers sont-ils intervenus dans l’est de la RDC à partir de la fin de l’année 2019 ? C’est en tout cas l’une des principales conclusions du dernier rapport du groupe d’experts de l’ONU sur la RDC.

Rendu public le 23 décembre 2020, ce document de plus de 200 pages souligne que, « de la fin de 2019 au début d’octobre 2020, des membres des Forces de défense rwandaises (RDF) étaient présents dans le Nord-Kivu ».

À l’en croire, « l’armée burundaise, aux côtés de membres des Imbonerakure, a également lancé des incursions dans le Sud-Kivu entre novembre 2019 et juillet 2020 ». Ces interventions auraient été menées « en violation du régime de sanctions » car elles n’ont pas été notifiées au comité onusien chargé de veiller à son respect.

Preuves à l’appui

Pour étayer ces accusations, les auteurs du rapport disent se fonder sur plusieurs éléments de preuve (documents, photographies, images aériennes, etc.) et assurent que la présence des RDF a été confirmée dans les territoires de Nyiragongo, de Rutshuru et de Masisi.

Ils citent notamment une lettre de Célestin Mbala, le chef d’état-major des Forces armées congolaises (FARDC), adressée le 22 avril 2020 au Mécanisme conjoint de vérification élargi de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL). Le dernier exemple en date mentionné par le groupe d’experts remonte au 2 octobre dernier.

« Soixante membres des RDF portant 18 mitrailleuses PKM et quatre lance-roquettes » auraient ce jour-là été observés sur le mont Rugomba, dans le territoire de Rutshuru.

L’intervention supposée de l’armée rwandaise alimente suspicions et rumeurs depuis des mois. À de nombreuses reprises, des élus congolais ainsi que des membres de la société civile du Nord-Kivu ont alerté sur cette présence.

Le Kivu Security Tracker, un « baromètre sécuritaire » mis en place par Human Rights Watch et le Groupe d’étude sur le Congo, rattaché à l’Université de New York, a également affirmé à de multiples reprises au cours des derniers mois que des militaires rwandais se trouvaient aux côtés des FARDC lors de diverses opérations.

La mort de plusieurs chefs de groupes armés hostiles à Kigali, dont Sylvestre Mudacumura, chef militaire des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) tué en septembre 2019, et Juvénal Musabimana, alias Jean-Michel Africa, abattu en novembre 2019, avait amené à s’interroger sur l’étendue de la collaboration entre le Rwanda et la RDC.

Échanges de renseignements

Interrogé à ce sujet par le groupe d’experts, le gouvernement rwandais a nié, dans une lettre, la présence de troupes de son pays en chez son voisin et a réaffirmé que les RDF n’avaient mené aucune opération conjointe avec les FARDC.

Sollicités à de nombreuses reprises, les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame ont systématiquement contesté l’existence de telles opérations, assurant qu’il s’agissait d’échanges de renseignements.

En avril dernier, lors d’une conférence de presse, Paul Kagame s’était félicité de ce que le gouvernement congolais collaborait avec les pays de la région pour « résoudre le problème des groupes armés, qui court depuis plusieurs décennies ».

« Nous donnons des informations à nos partenaires de la région, dont les Nations unies et le gouvernement congolais, lequel a commencé à agir sur la base de certaines d’entre elles, car il a pu les vérifier et voir par lui-même ce qui grandissait dans le Nord-Kivu », avait en substance expliqué le chef de l’État rwandais.

Lors de cette même conférence de presse, Paul Kagame avait également nié toute présence de l’armée rwandaise dans le Sud-Kivu, assurant néanmoins que les forces armées burundaises se trouvaient dans cette province pour traquer les Red-tabara, un groupe armé hostile à Gitega. Des incursions dans les territoires de Fizi et Uvira que le groupe d’experts de l’ONU confirme et que la lettre du chef d’état-major des FARDC mentionne aussi.

Sollicitées par les experts onusiens, les autorités burundaises ont assuré qu’elles « ne déployaient des troupes à l’étranger que dans le cadre des opérations de maintien de la paix de l’Union africaine et des Nations unies ».

Les autorités congolaises, elles, n’ont pas répondu aux auteurs du rapport avant sa publication.

Par Romain Gras