Burundi/RDCongo : l’inquiétante montée des eaux du lac Tanganyika (vidéo)
Sécurité

La Libre Belgique, 29 janvier 2021

En 1963-64, les eaux du Tanganyika avaient monté jusqu’à 3 mètres au-dessus du niveau normal (773 m au-dessus du niveau de la mer) de cette gigantesque réserve d’eau douce (16% des réserves mondiales). Or, voici que le spectre d’une répétition de cette catastrophe surgit : en deux ans, les eaux viennent de dépasser d’un mètre le niveau moyen habituel du lac ; les deux prochaines années vont-elles voir le niveau continuer à s’élever ? D’ores et déjà, on déplore d’importants dégâts, alors que de fortes pluies sont attendues en février et mars.

La rivière Ruzizi, qui coule en RDCongo, au Burundi et au Rwanda, est longue de 117 km et amène une partie des eaux du lac Kivu, à 1500 m d’altitude, dans le lac Tanganyika, à 773 m d’altitude. Ce dernier est le deuxième lac le plus profond au monde (jusqu’à 1470 m) après le lac Baïkal (Sibérie), et contient en moyenne près de 19.000 km3 d’eau douce. Ce lac, long de 670 km entre le Burundi, la RDCongo, la Tanzanie et la Zambie, est à 46% en territoire tanzanien et à 40% en territoire congolais ; sa surface est équivalente à celle de la Belgique.

L’aéroport de Bujumbura sous eau ?

Sa crue exceptionnelle de 1963-64 (un mouvement qui s’étend sur plusieurs années, avant d’en mettre presque autant à refluer pour un retour au niveau moyen du lac) avait mis sous eau de nombreuses habitations sur les surfaces peu pentues qui l’entourent et, notamment, ce qui est aujourd’hui l’aéroport de Bujumbura. Or, depuis deux ans, on constate que le niveau des eaux du lac Tanganyika monte de façon inhabituelle : va-t-on vers une nouvelle crue exceptionnelle ? Si tel était le cas, de 5000 à 6000 bâtiments seraient sous eaux rien qu’à Bujumbura. On a en effet beaucoup construit depuis les années 60, notamment en terrain inondable parce qu’il était souvent moins cher ou en raison de la corruption de l’administration délivrant les permis de construire.

D’ores et déjà, le niveau inhabituel des eaux à causé des dégâts. Au Congo, la route Uvira-Kalemie, le long du lac, est inondée, ce qui bloque le trafic et entrave le commerce.

Au Burundi, la situation est pire. Comme le niveau du lac a déjà monté d’un mètre par rapport à la moyenne habituelle, la Ruzizi ne peut plus se déverser facilement dans le Tanganyika et elle déborde, inondant des centaines d’hectares à certains endroits, en particulier à son embouchure dans le grand lac. Des quartiers entiers sont inondés, notamment à Gatumba, dans la banlieue de Bujumbura. Des hippopotames et des crocodiles rôdent près des écoles et des maisons, auxquelles les habitants n’accèdent plus que difficilement. Les maisons construites en pisé sont menacées d’effondrement, ce qui laisserait leurs occupants sans toit à la saison des pluies.

Déjà 25.000 déplacés

Lorsque les inondations ont commencé, en avril 2020, 25.000 personnes avaient dû être déplacées ; elles vivent, aujourd’hui encore dans des camps. Des écoles et un hôpital avaient connu le même sort. Certains quartiers du centre-ville de Bujumbura ont également été touchés, des villas et un immeuble à appartements ayant dû être évacués. Les occupants étaient retournés chez eux à la saison sèche (juillet, août, septembre) mais le retour des pluies, en octobre, les a contraints à repartir.

Aujourd’hui, les riverains du lac attendent avec crainte les fortes pluies de février-mars.

Twitter: nos confrères de Burundi Eco ont montré sur Twitter certaines des conséquences de la montée des eaux du lac Tanganyika.

Par Marie-France Cros.

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