Burundi : un guide suprême loin de faire l'unanimité
Politique

Deutsche Welle, 08.06.2021

Un an après le décès de Pierre Nkurunziza, son successeur Evariste Ndayishimiye a promulgué le 04 juin dernier une loi lui octroyant le statut de guide suprême du patriotisme.

Ce titre est contesté par une partie de la classe politique et de la société civile. Même après sa mort, Pierre Nkurunziza demeure une source de controverse.

"Le président Pierre Nkurunziza est élevé au rang de guide suprême du patriotisme au Burundi en guise de reconnaissance à son engagement, et dévouement exceptionnel pour la défense et la souveraineté nationale...". C’est ce que stipule l’article 03 du document publié par la présidence du Burundi le 04 juin dernier. Une décision qui est loin de faire l’unanimité.

Pour l’activiste des droits humains Juliette Nijembere, c’est une insulte au peuple burundais. “J’ai de la colère de voir mes frères et sœurs burundais honorer un tyran en l’élevant au rang de guide suprême du Burundi. C’est se moquer de nous tous Burundais et cela relève du non respect des droits humains. Ce jour commémoratif de sa mort est devenu un jour de congé pour tous les Burundais, c’est encore de la stupidité de la part des hommes et femmes politiques actuels du Burundi, car il n’y a rien de ce qu’il a fait de son vivant qui pourrait l’ériger à cette place.”

Ce projet existait déjà du vivant de Pierre Nkurunziza, rappelle le photo-journaliste et défenseur des droits humains Teddy Mazina. Le régime en place actuellement au Burundi s’inscrit donc dans une continuité selon lui. “Evidement, le parti au pouvoir qui est son parti, le président Ndahishimiye, toute la classe politique et la classe dirigeante ne pourraient faire autrement, il y a un besoin de légitimer leur pouvoir. La deuxième chose qu’il faudrait remarquer c’est un recul assez important pour les populations sur le plan économique, sur le plan des libertés,” rappelle Teddy Mazina.

Pierre Nkurunziza n’y est plus et le Burundi a à sa tête un nouveau président depuis l’année dernière, mais la situation des droits humains n’a pas changé d'après des observateurs. Elle reste préoccupante estime Marguerite Barankiste, fondatrice de la maison Shalom qui vit en exil depuis 2015. “Des hommes à la tête du pouvoir sont sous sanction de la CPI pour crimes contre l’humanité donc la situation ne s’est pas du tout améliorée, le système continue à enlever les gens, continue à appauvrir la population, continue à racketter les gens,” déplore Mme Barankitse.

Pour la seule période allant du 15 au 22 mai au Burundi, l’organisation SOS-Torture Burundi a rapporté qu’au moins six personnes ont été assassinées dans différentes localités du pays.