Revue de presse sur le processus électoral au Burundi
Analyses

Le Temps, 25 juin 2010

Au Burundi, la grenade électorale

Nicolas Dufour

Après des communales le 24 mai, immédiatement contestées par l’opposition, l’élection présidentielle burundaise aura lieu le 28 juin. En présence d’un seul candidat, le sortant Pierre Nkurunziza. L’opposition annonce qu’elle boycottera également les législatives, prévues en juin.

«Le Burundi lui-même est remarquablement avancé sur la voie de la paix. Je tiens à vous féliciter de ce que vous avez réussi à faire jusqu’à présent. […] Pour la première fois dans l’histoire de votre pays, des institutions élues démocratiquement seront parvenues au terme de leur mandat. […] Le point culminant de cette évolution a été marqué par les récentes élections communales, le premier tour des deuxièmes élections pacifiques et démocratiques que le pays ait connues. […] C’est aux Burundais eux-mêmes qu’il incombe de veiller à ce que la consultation électorale reste libre, loyale, transparente et sans exclusive.»

Ainsi s’exprimait Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies, devant le parlement burundais, lors d’une visite de quelques heures le 9 juin dernier. Le discours est reproduit sur le site de l’ONU, ou celui de la présidence burundaise.

Le marathon électoral est intensif au Burundi, pays marqué par 13 années d’une guerre civile qui aurait fait 300’ 000 morts. Le 24 mai ont eu lieu les élections communales. Leur résultat, largement favorable au Conseil national pour la défense de la démocratie – Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD), le parti du président sortant Pierre Nkurunziza, a été contesté par l’opposition, qui parle de fraude massive.

Évoquant des «élections sous tension», Jeune Afrique relevait toutefois que «les opposants ne changeront d’avis que si les résultats des communales sont annulés et des sanctions prises contre la Ceni [Commission électorale nationale indépendante]. Ce qui n’est pas simple. L’Union européenne, l’un des contributeurs des élections, affirme que tout s’est bien déroulé. Même son de cloche du côté du Bureau des Nations unies au Burundi. Dans cette affaire, l’opposition n’a pas encore apporté la preuve de ses allégations. Elle a seulement affirmé avoir découvert une urne dont le contenu n’a pas été décompté. À cette annonce, un déchaînement de colère a explosé dans un quartier populaire de Bujumbura. Au moins 17 militants de l’opposition ont été arrêtés. Cette situation inquiète les observateurs dans la capitale burundaise, qui se demandent comment éteindre le feu avant que le pays ne s’embrase.»

La présidentielle aura lieu le 28 juin… pour un seul candidat en lice. Pierre Nkurunziza postule seul à sa succession depuis que l’opposition a décidé de boycotter le scrutin. Et cette semaine, l’opposition annonçait son retrait des législatives, prévues en juillet. Relayée par le portail Mondeactu, Voice of America note que «regroupés au sein de l’Alliance démocratique pour le changement, ces partis ont qualifié de «mascarade» le scrutin législatif du mois prochain.»

Lors d’une conférence de presse mercredi, dont les propos liminaires sont disponibles (PDF) via le site de l’association belge arib.info, «la CENI devrait donc appeler les choses par leur nom et ne pas appeler «campagne électorale» quelques activités politiques faites en marge de la loi. A la limite, on pourrait parler de «plébiscite» mais celui-ci n’est prévu ni par la Constitution ni par la loi électorale du Burundi.»

Propos d’une coalition «contre le peuple», peste Burundi Information, un site très fortement gouvernemental: «Léonard Nyangoma [l’un des leaders de l’ADC] se cache derrière la coalition contre le peuple pour régler son compte avec le Président Nkurunziza et le CNDD-FDD qui l’ont évincé de la tête de la rébellion pendant la lutte pour la restauration de la démocratie. Nyangoma […] a même lancé un appel à la population pour […] pour ne pas soutenir un changement qu`il qualifiait d’illégal. C’est ainsi qu’il s’est constitué une coalition avec ses proches pour saboter les activités des défenseurs de la liberté et la démocratie.»

S’agissant de la crainte de manœuvres post-électorales, certains sites bruissent d’avis à propos de la création de faction tutsies – le pouvoir politique est dominé par les anciens rebelles hutus, armée et police étant paritaires – qui prépareraient une «guerre à Bujumbura», encouragée en sous-main par le président du Rwanda voisin, Paul Kagame. Africatime, notamment, se fait l’écho de ces rumeurs.

Pour compliquer le jeu, ce mercredi, l’autre opposant Agathon Rwasa, chef des Forces nationales de libération (FNL, ex-rébellion hutu avec la formation présidentielle), «s’est évanoui dans la nature et aurait trouvé refuge dans l’est de la RD Congo, selon une source au sein des services de sécurité», relevait l’AFP. L’agence ajoutant que l’information «est confirmée par plusieurs sources diplomatiques à Bujumbura».

Conséquence, au fil des scrutins, le sentiment d’insécurité s’est accru dans la population de ce pays de sept millions d’habitant. «Les Burundais ont peur», estimait récemment RFI: «Désormais, de nombreux bistrots ferment tôt et il y a peu de circulation dans les rues de la capitale, Bujumbura, une fois le soir tombé.» Ce, depuis l’avènement d’une vague d’explosion à la grenade visant notamment les permanences électorales: «Chaque soir, on assiste à des explosions de grenades. Rien qu’au cours des quatre derniers jours [l’article est du 18 juin], le Burundi a enregistré une trentaine d’attaques à la grenade qui ont fait une dizaine de blessés.»

Le 16 juin, sept jours après la venue de Ban Ki-moon, le portail Afrique Avenir indiquait que «le représentant du Secrétaire général des Nations unies au Burundi, Charles Pétrie, s’est dit préoccupé par l’insécurité qui prévaut ces derniers jours au Burundi où les attaques à la grenade ne cessent de faire des victimes dans la capitale Bujumbura et à l’intérieur du pays.»