Burundi : La société civile alerte sur les risques encourus par les électeurs
Droits de l'Homme

@rib News, 27/06/2010

Le dilemme de l’électeur burundais face aux multiples intimidations

Le Burundi se trouve aujourd’hui, à quatre jours du scrutin présidentiel, auquel le seul candidat du CNDD-FDD se présentera à sa propre succession. A la suite du premier scrutin communal, les résultats ont été rejetés en bloc par 13 partis de l’opposition, dont 12 regroupes au sein d’une coalition dite ADC-Ikibiri. Dans une telle situation de tensions et d’impasse politiques prévalant dans le pays, on constate une recrudescence alarmante des incidents de violence lies aux enjeux électoraux. Depuis le début de la campagne présidentielle, il ne se passe une seule nuit sans que des grenades soient lancées. Pour la période du 11 au 23 juin, la police en décompte 54 grenades avec 46 blesses et 8 morts.

Les électeurs entre le marteau et l’enclume

Avec un seul candidat, la campagne présidentielle se déroule dans un climat de tension où les électeurs subissent la pression contradictoire de chefs politiques. Les principaux enjeux pour le bon déroulement du scrutin seront le taux de participation et la sécurité. Cependant force est de constater que la mouvance présidentielle et l’opposition restent radicales dans leurs positions malgré les appels de la société civile et de la communauté internationale au dialogue.

Le parti au pouvoir en plein campagne invite et intime les électeurs/trices à se rendre en masse aux urnes tandis que l’opposition les incitent et les intiment au contraire à boycotter les élections.

Se rendre aux urnes ou non constitue dans tous les deux cas un danger pour l’électeur. D’un côté, l’encre indélébile et le tampon sur la carte d’électeur initialement prévus pour garantir la transparence et prévenir la fraude électorale seront perçus comme une prise de position très visible. D’ailleurs, les lieux de vote sont déjà pressentis comme pouvant faire l’objet de violence entre la mouvance présidentielle et l’opposition. De l’autre côté, la population non-votant redoute des violences qui seraient perpétrées  en guise de représailles pour n’avoir pas  voté.

Déjà lors du scrutin communal, l’intimidation des électeurs a été l’un des facteurs les plus importants signalés[1] comme ayant influencé les résultats. Dans une jeune démocratie comme au Burundi et avec une population à majorité analphabète, de telles pratiques s’avèrent très influentes.

Dans ces derniers jours, le projet de monitoring des principes démocratiques à travers s xcw cP£es points focaux signale une augmentation remarquable des cas d’intimidations à la fois de la part du parti au pouvoir que de certains partis de l’opposition.

A titre d’exemple, les observateurs de ce projet rapportent une campagne d’intimidation[2] à l’endroit de toute personne qui n’irait pas voter notamment par des visites porte-à-porte des ménages le jour comme la nuit, pour une mise en garde ou une menace à peine voilée.

Sur base de ce constat, nous appelons tous les acteurs épris de paix et de démocratie, les partis politiques, la CENI et surtout la communauté internationale, d’attirer l’attention sur les risques qui pèsent sur le citoyen électeur en ces moments d’antagonisme radical entre partenaires politiques.

Conscients qu’il vaut mieux prévenir que guérir, et nous appuyant sur les leçons apprises et surtout celles du dernier scrutin communal, nous recommandons ce qui suit :

Au gouvernement :

Ø       de déployer tous les efforts possibles pour assurer la sécurité des populations en général, et particulièrement autour et sur les lieux de vote le jour des prochains scrutins et ses lendemains;

Ø       de punir objectivement sans discrimination ni complaisance, tout auteur d’intimidation et  d’insécurité en particulier dans ces moments sensibles;

Ø       de livrer un message rassurant toutes les parties, en tant que garant de la paix et la sécurité de la nation burundaise ;

Ø       de couper court avec les arrestations à caractère politique ainsi que toute forme de torture et libérer tous les détenus et prisonniers politiques.

A la CENI:

Ø       de se conformer au code électoral et faire sanctionner strictement la pratique d’intimidation qui ressurgie ces derniers jour;

Ø       de faire preuve de plus d’ouverture et de restaurer la confiance vis-à-vis de tous les partenaires politiques ;

Ø       de tirer les leçons du scrutin communal et accorder une attention suffisante à tous les indices d’irrégularités signalés qui pourraient se reconduire sur les prochains scrutins.

Aux  partis politiques :

Ø       de cesser d’utiliser toute forme de violence, en particulier la pratique d’intimidation des électeurs ;

Ø       de s’accorder sur un espace de dialogue au sein duquel ils pourraient régler leurs différends sans recourir à la violence ;

Ø       d’appeler leurs membres à plus de retenue pour sauvegarder la paix et la sécurité tant chères aux  Burundais ;

Ø       de faire preuve de responsabilité et de maturité politiques en vue de préserver les acquis de la démocratie et de la paix.

A la communauté internationale:

Ø       d’appuyer les partenaires politiques d’une manière plus proactive dans l’ouverture d’un dialogue entre les parties divergentes; 

Ø       de ne pas se focaliser seulement sur la sécurité physique sur les lieux de vote, mais toutes les formes de pression (agression verbale, menaces de mort, terrorisme…) de nature à contraindre les populations à agir contrairement à leur liberté;

Ø       de suivre avec plus de vigilance et de regard détaillant les processus électoraux du Burundi dans toutes leurs subtilités.

Fait à Bujumbura le 25 juin 2010

Les organisations signataires

La Coalition de la Société Civile pour le Monitoring des Elections(COSOME)

KAVUMBAGU Jean-Marie Vianney, Président

L’Association pour la Promotion des Droits de l’Homme et des Personnes  détenues(APRODH)

MBONIMPA Pierre-Claver, Président

La Ligue Burundaise des Droits de la Personne humaine (Ligue ITEKA)

NDAYIZEYE Joseph, Président

Forum pour le Renforcement de la Société Civile (FORSC)

NININAHAZWE Pacifique, Président

Observatoire de l’Action Gouvernemental(OAG)

NDUWAYO Onesphore

Collectif des Associations et ONG Féminines du Burundi(CAFOB)

NIYONZIMA Anatolie, Présidente

Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT)

NIYONGERE Armel, Président

Observatoire de Lutte Contre les Malversations Economiques (OLUCOME)

RUFYIRI Gabriel, Président

Association des Femmes Juristes du Burundi(AFJB)

NIYONZIMA CARITAS, Président

Centre d’Alerte et de Prévention des Conflits

NDAYIZIGA Charles, Coordonnateur

Parole et Action pour le Réveil des Consciences et l’Evolution des Mentalités(PARCEM)

NDIKUMANA Faustin


[1] Deuxieme rapport Amatora Mu Mahoro, 23 juin 2010

[2] p.ex. commune Bagarama, 24 juin 2010