Le rapporteur spécial de l’ONU « persona non grata » au Burundi
Diplomatie

La Libre Afrique14 décembre 2021

Droits de l’Homme au Burundi : le régime semi-militaire persiste, malgré les concessions occidentales

Analyse par Marie-France Cros.

Ce 9 décembre, le ministre burundais des Affaires étrangères, Albert Shingiro, a réaffirmé, devant le corps diplomatique, le refus de son pays de recevoir un rapporteur spécial de l’Onu sur les Droits de l’Homme. Selon le site du ministère burundais, “le ministre a été clair, le rapporteur spécial n’aura pas la possibilité de visiter le Burundi”.

La création de ce poste avait été décidée le 8 octobre par le Conseil des Droits de l’Homme de l’Onu, bien que le représentant burundais eut assuré que son pays n’avait “pas besoin d’un mécanisme externe pour promouvoir les droits de l’Homme”. Le rapport de la Commission d’enquête de l’Onu sur le Burundi avait en effet alerté, en septembre, sur le fait que les abus y continuaient, voire s’aggravaient, malgré le changement de chef de l’État, le général Evariste Ndayishimiye ayant succédé à Pierre Nkurunziza, comme décidé par le parti au pouvoir, à l’issue d’élections frauduleuses.

Le Burundi est sous sanctions européennes et américaines depuis 2016, en réaction aux violations massives des droits de l’Homme depuis avril 2015, pour écraser toute contestation de la décision de Pierre Nkurunziza de se présenter à un troisième mandat – interdit par l’Accord de paix d’Arusha qui avait mis fin à la guerre civile.

Claude Bochu veut la levée des sanctions

La déclaration d’Albert Shingiro a été encouragée par la décision du président américain Joe Biden, le 18 novembre dernier, de lever les sanctions frappant huit personnalités du régime. L’Union européenne, elle, a prolongé les siennes d’un an contre quatre personnalités, mais son ambassadeur au Burundi, Claude Bochu, travaille activement, de son propre aveu, à la levée de la suspension de l’aide budgétaire directe de l’UE au régime.

Le 21 juin dernier, M. Bochu avait annoncé qu’il n’y avait “plus de conditionnalités” de la part de l’UE pour décider la levée de cette suspension. Il l’a répété ces dernières semaines, bien que 43 députés européens ont rappelé dans une lettre ouverte que l’article 96 de l’Accord de Cotonou, en vertu duquel les sanctions avaient été adoptées, prévoyait leur levée “dès que les raisons qui les ont motivées disparaissent”. Or, rappelaient les élus, ce n’est clairement pas le cas: tortures, disparitions, prisonniers politiques, procès iniques sont toujours dénoncés en nombre.

Mauvaise gestion et corruption

Le Burundi est plongé dans une grave crise économique en raison de la mauvaise gestion du régime en place, de la corruption, des coûts de la campagne électorale de 2020, des effets de la pandémie de covid; une reprise de laide budgétaire européenne viendrait donc bien à point au régime semi-militaire.

Mais, encouragé par les promesses de l’ambassadeur de l’UE au Burundi et par la levée des sanctions américaines, le régime du général Ndayishimiye s’en tient au mantra selon lequel le pays a “retrouvé la paix, la sécurité et la stabilité” et n’admettra donc de l’Onu qu’une “aide contre la pauvreté” et “en faveur du développement”. Point barre.