A Bruxelles, le Palipehutu-FNL adopte un langage diplomatique
Politique

@rib News, 27/08/2008

Correspondance particulière de Bruxelles

Le samedi 23 août 2008, à l’auberge Jacques Brel à Bruxelles, la Section Benelux du Palipehutu-FNL a organisé une conférence publique sous le thème « L’état d’avancement des négociations entre le gouvernement du Burundi et le Palipehutu-FNL » dont les orateurs étaient M. Jacques Bigirimana, chargé des affaires politiques et diplomatiques à la présidence du parti, et M. Anatole Bacanamwo, porte-parole du Palipehutu-FNL au sein du MCVS – tous  membres de la délégation du Palipehutu-FNL en négociations. M. Ahmed Nyotori, président de la Section Benelux du Palipehutu-FNL en assurait la modération.

D’emblée, après une brève prière dite «  prière de puissance » pour la circonstance, l’orateur principal M. Jacques Bigirimana a brossé les grandes lignes de la conférence.  En commençant par l’historique de la création du Palipehutu, l’orateur a précisé que le parti a décidé de créer une branche armée FNL pour forcer le régime d’alors de s’asseoir sur une table de négociation afin de trouver une solution au problème ethnique.

En 2006, le gouvernement burundais et le Palipehutu-FNL ont signé un accord de cessez-le-feu qui, malheureusement, n’a pas été mis en application pour longtemps ; ce qui a entraîné la reprise des hostilités en avril 2007. Maintenant le MCVS et le Directoire Politique sont à pied d’œuvre pour redresser la situation et trouver des solutions définitives. Le président du parti Rwasa Agathon est rentré et le Palipehutu-FNL a arrêté définitivement la guerre a-t-il martelé.

Quelques avancées significatives ont été évoquées : des rencontres suivies de communiqués conjoints, le tête-à-tête entre Nkurunziza et Rwasa, le rassemblement progressif des combattants. Pour l’orateur, il y a un sentiment de coopération en vue de débloquer la situation. Toutefois, avant de terminer son exposé, il a évoqué des problèmes pendants : la reconnaissance du Palipehutu-FNL comme parti politique agréé, le ravitaillement et le rassemblement définitif des combattants, la participation dans les institutions militaires et politiques à concurrence de 50%, la libération des prisonniers politiques et de guerre. Le Palipehutu-FNL est prêt pour intégrer ces institutions et pour se préparer aux élections de 2010 qu’il préconise gagner.

L’intervention de l’orateur Bacanamwo n’a pas été longue. Il s’est penché sur les aspects techniques du MCVS. Les listes de prisonniers à libérer sont prêtes, le rassemblement de 3000 combattants n’est qu’une pure base, près de 17000 combattants restent encore à rassembler dans 10 sites demandés sur 3 seulement en fonction, les conditions sont assouplies pour retenir un combattant, il y a certes un  problème épineux de ravitaillement des combattants, un cadre juridique va fonctionner pour contourner les disparités entre les accords d’Arusha et la logique de  la paix pour sortir définitivement de ce conflit. Il a tenu à préciser que le Directoire Politique prend les choses en main dès qu’il y a blocage au MCVS.

Enfin, ce fut le moment attendu qu’était celui des questions et propositions du public présent à cette conférence-débat.

Les principales questions retenues étaient relatives à la contribution spéciale du Palipehutu-FNL pour réorganiser les forces de défense et de sécurité (FDN et PN), leur position sur la répartition 50-50 entre Hutu et Tutsi, leur apport dans le gouvernement futur afin de redresser la situation chaotique qui règne pour le moment, leur contribution spéciale pour le désarmement de la population et préparer  en 2010 des élections transparentes, leurs coalitions/forums possibles, le changement de nom.

A l’étonnement du public, pour toutes ces questions, l’orateur principal J. Bigirimana a répondu en ces termes : « Nous n’allons rien apporter, nous n’amènerons rien aujourd’hui, nous n’avons pas de solutions miracles, on n’en dit pas beaucoup là-dessus, on va crier comme les autres, les chiffres nous importent peu, même si les tutsi étaient à 100% à l’armée pourvu que les burundais soient paisibles, pour l’entrée au gouvernement nous ne sommes pas très chauds, mais non plus, on n’a pas participé aux négociations pour venir rentrer sur les collines et la conjoncture actuelle nous oblige à y participer, … ».

Pour le désarmement, l’orateur comprend bien qu’il faut d’abord désarmer les esprits (calmer et rassurer le peuple), il faut que les tutsi soient rassurés de leur sécurité, il faut que les hutu aussi le soient vu le contexte sécuritaire actuel. C’est pour cela que le Palipehutu-FNL propose avec insistance « un contrat social » pour un peuple réconcilié avec lui-même. Il n’est pas encore temps de parler de coalitions et de forums.

Une autre question brûlante se rapportait sur les relations entre le Burundi et le Rwanda, et plus précisément celle relative à 670 Burundais présumés génocidaires que le Rwanda réclame. La réponse a été on ne peut plus évasive : pour l’orateur principal, il faut créer un environnement paisible et de bonnes relations entre les 2 pays, il faut rassurer les rwandais.

L’orateur ne croit pas du tout aux éventuelles rumeurs qu’il y aurait des négociations entre le Président Nkurunziza et les dissidents des FNL. « Pourtant elles seraient très avancées », s’exclame un intervenant du public ! Quant au changement de nom, l’orateur a préféré laisser la question à la discrétion de Nkurunziza et Rwasa lors de leurs prochaines rencontres.

Une autre question épineuse pour la crédibilité au niveau international du Palipehutu-FNL est celle relative à leur responsabilité dans l’assassinat du Nonce apostolique au Burundi. Ici, l’orateur (saluant l’intervention d’un tutsi ganwa dans le public !) a nié catégoriquement une implication quelconque de son parti. Il a tenu à bien préciser que l’assassinat du Nonce incombe au régime en place d’alors qui reprochait au Nonce de s’impliquer dans la facilitation des négociations entre le Palipehutu-FNL et St Egidio. Une précision de taille pour la satisfaction du public présent !

Pour épauler l’orateur principal, un intervenant du podium a tenu à préciser : « la participation du Palipehutu-FNL à l’Assemblée Nationale et au Sénat est légitime, il suffit de voir le cas de Minani qui a un nouveau parti et qui siège ; tout est possible au Burundi, il suffit qu’il y ait une volonté politique des dirigeants ! », ce qui lui a valu des applaudissements nourris du public.

Des propositions ont été avancées par quelques intervenants dans le public : le Palipehutu-FNL est bien attendu au tournant pour un vrai changement et ce, pour l’intérêt général du peuple burundais. Ceci passera par leur contribution spéciale dans la recherche d’une vraie réconciliation nationale, d’une vraie armée/police républicaine pour défendre/sécuriser tout le monde, des élections transparentes de 2010, un désarmement effectif, le démantèlement des milices, le développement socio-économique harmonieux, le règlement concerté des contentieux éventuels entre le Burundi et les pays voisins, ne pas changer de nom, se préparer pour gagner les élections et contribuer à faire un vrai changement  afin que le peuple retrouve la vraie paie et la sécurité sociale et économique, etc.

Après la conférence, des commentaires allaient bon train. On sentait un ouf des Burundais qui apprenaient de vive voie des orateurs du jour que la guerre est définitivement arrêtée du coté des FNL. De plus, on eût l’impression que le Palipehutu-FNL venait de changer de langage de rebelle pour adopter très rapidement un langage diplomatique, qu’il est presque dans les institutions du pays et qu’il ne compte pas apporter quelque chose de spécial avant les élections de 2010. On sentait la prudence dans leurs réponses, le gouvernement actuel n’était pas mis ouvertement sur la sellette et le Rwanda bien épargné. Même le contrat social serait envisagé et opérationnel qu’après la victoire du Palipehutu-FNL en 2010.

Une série d’autres conférences vont avoir lieu dans les prochains jours apprend-on des membres du Palipehutu-FNL. Peut-être que des éclaircissements seront davantage bien esquissés.