Le premier médaillé olympique du Burundi engagé pour la paix par le sport
Sports

Sport.fr, 05/04/2022

Entretien exclusif avec le champion olympique Venuste Niyongabo : « Le sport est un outil pacifique »

 L’athlète burundais Venuste Niyongabo, Champion Olympique du 5000 mètres aux Jeux Olympiques d’Atlanta en 1996, nous explique l’importance du sport pour la paix. Le premier médaillé olympique du Burundi nous raconte son action avec l’association Peace and Sport et l’opération #WhiteCard, symbole de la paix par le sport.

Pourquoi le sport est-il vecteur de paix, selon vous ?

« Il y a un respect réciproque lorsque les gens ont une passion commune et qu’ils partagent un moment ensemble. Quand on passe par la passion des gens et qu’ils se rencontrent, il n’y a pas de division de pensées basés sur la religion, la classe sociale ou le genre. Le sport est avant tout vecteur de dialogue. Cela crée automatiquement de la cohésion.

Vous êtes ambassadeur de Peace and Sport et avez récemment signé une tribune “Le sport, une réponse pour la paix ». Pouvez nous parler de votre engagement ? 

« Je suis à Peace and Sport depuis 2009. Mon expérience personnelle m’a poussée à rejoindre cette association. Nous sommes là pour permettre les rencontres et les conversations par l’intermédiaire du sport et abattre les barrières entre les riches et les pauvres. Il est essentiel que les plus précaires puissent pratiquer une activité sportive et que le sport soit un vecteur de paix. Pour exemple, Il y a depuis des années un conflit entre le Rwanda, la République Démocratique du Congo et le Burundi au sujet du nord-est du Congo. Avec Peace and Sport, nous avons traversé la frontière et nous nous sommes rendus au Congo en tant que messagers sportifs. Par la suite, les enfants du Congo ont traversé la frontière à leur tour et nous avons organisé les Jeux d’amitiés entre le Congo et le Burundi avec l’aide des autorités des deux pays. Pour cet événement sportif, tout les pouvoirs politiques étaient présents. C’est là que j’ai réalisé que ces jeux ont permis de contribuer à la cohésion sociale des enfants en permettant aussi aux autorités des deux pays d’appuyer cette initiative de la diplomatie sportive. »

Vous êtes champion Olympique dans l’épreuve du 5000m en 1996 à Atlanta. Une semaine avant votre sacre, il y a eu un coup d’état au Burundi. Comment, quand on est sportif, on gère une situation si compliquée ? 

Je ne me suis jamais impliqué dans la division

« Quand j’ai remporté la médaille d’or aux Jeux Olympiques, la première question que les journalistes m’ont posée était de savoir de quelle ethnie j’étais. Je me suis présenté en tant que Burundais Je suis resté neutre, je ne me suis jamais impliqué dans la division. Il était important d’adresser un message positif à ma nation. Le sport est un outil pacifique, il fallait s’en servir.« 

Plus récemment dans l’actualité, on a vu des situations difficiles. En marge de la guerre, les athlètes russes et ukrainiens vivent des moments plus que compliqués. Que pensez-vous de la situation de ces athlètes ? 

C’est justement le moment de montrer que le sport est au-dessus de la politique

Vous avez dû voir que les athlètes russes et biélorusses ont été privés de Jeux paralympiques. Personnellement, je trouve que ce n’est pas normal. Si moi je n’avais pas pu participer au JO de 1996 lorsque le Burundi était en guerre, aujourd’hui je ne pourrais pas agir en tant que role model de la société. On ne peut pas interdire à des athlètes de participer à des événements aussi importants que les Jeux Olympiques. Ces grands événements sont au contraire le moment de montrer que le sport est au-dessus de la politique. Il faut laisser le choix aux athlètes de participer aux événements pour qu’ils puissent exprimer sur le terrain les frustrations ou les désirs auxquels ils sont soumis. Ces athlètes-là peuvent devenir des modèles.

Quels sont vos prochains projets ?

« Nous travaillons en ce moment beaucoup avec le centre de jeunes de Kamenge, situé à Bujumbura au Burundi. Ce centre a été créé dans les années 90 par des religieux. Pendant la guerre, il a servi de zone franche. Les enfants se retrouvaient là avec toutes les ethnies représentées pour jouer, lire, s’amuser. C’était un miracle car il y avait convivialité sociale sans précèdent et tout cela sans sécurité militaire. Ce que nous faisons avec Peace and Sport, c’est de continuer à travailler sur ce centre pour rappeler qu’il existe et souligner son importance. Nous voulons en faire un symbole pour la jeunesse burundaise. Chaque semaine, nous rencontrons 80 enfants. Ils viennent trois fois par semaine. Peace and Sport paie le salaire des éducateurs, et moi, de mon côté, je continue à chercher des financements pour améliorer la condition de vie de ces enfants. L’objectif est qu’ils aient la chance d’avoir les mêmes infrastructures qu’il y a ici en Europe.« 

Thomas Salis