Evocation poétique de l'Indépendance du Burundi
Opinion

@rib News, 01/07/2010

Cirondeye RéginePar Régine Cirondeye

« Bwarikukiye »[1], plus de demi-tour

Burundi, chère patrie, on se souvient - et je m’en réjouis -

De la sagesse de nos ancêtres bien honnêtes.

Que les Hutus, Tutsis et Twas, les cœurs et les âmes épanouis,

Enfuis dans la même urne, récipient de leurs requêtes,

Urne arrosée par le sang du prince de sang Rwagasore Louis[2]

Ont dit « Adieu »  au conservatoire sur votre crête.[3]

Le son du tambour sacré de ce jour, stigmate[4] de votre force,

Qui a l’art de tarir les nombreuses blessures de votre écorce,

Fait toujours vibrer les organes internes  et les cravates

Des “Zana inkoko, zana amagi, zana amasoro“[5] jusqu’à date.

De nombreuses années d’indépendance de notre territoire,

A régner seuls en maîtres de notre oratoire méritoire,

A célébrer les rêves liminaires et luminaires,[6]

D’un million de princes et princesses au pluriel,[7]

Qui vivent encore parmi nous, en libraires laminaires,[8]

Ou qui ont quitté –  pour nous  - ce monde matériel.

Burundi, chère patrie, nous gardons cher en mémoire,

Toutes ces années de vibrante genèse et de synthèse,

Une période de gloire de la mémoire de notre histoire,

Un brin de liberté et de fierté de tant de magnifiques thèses.

Le 1er Juillet 1962, et les jours suivants, des femmes bien sages

Ont donné la vie à des enfants « Burikukiye »[9] moins sages,

Sous le regard attentif de sages-femmes en apprentissage.

C’était le vernissage d’une nouvelle ère de bien de dévissages.[10]

Burundi, chère patrie, nous avons honte et des maux de tête,

Des années de hauts, de bas et de vétustes[11] antithèses,

Des années de glaise et de prothèses sans épithète[12] ni arête.

Des années d’hypothèses et de fortes synérèses, [13]

Des années de falaises, de malaises et de tempêtes,

Des années de leucémie dans tous les diocèses,

Des signatures néfastes  d’autant de  trouble-fêtes,

Ayant perdu la notion élémentaire de catéchèse.[14]

Burundi, chère patrie, nous gardons tous un espoir audacieux.

Que les années à venir, propagent en exponentiel,

Parmi vos fils et vos filles, les rêves de vos apôtres.

Que nous tous apprenions l’essentiel.

Soyons des  vestibules[15] d’une paix durable : la nôtre.

Soyons des comètes de l’encens de leur sang précieux.

Afin d’honorer les cimetières connus

Et tous les martyrs des pogroms, reconnus ou inconnus,[16]

Tous gravés de chromosomes de votre peuple vaillant.

Nous gardons braqués sur vous, nos yeux pétillants.

Actuaires[17] actuels, pierres angulaires, apprenez à trottiner.

Notez bien : « Bwarikukiye », c’est un acquis à ne pas piétiner.

Donnez ces directions à vos hommes[18] et à vos égéries[19]

Murmurez-le à l’oreille de vos accortes[20] femmes en série

Jurez-le devant la dilection[21] de vos progénitures cristallines[22]

Criez-le sur tous les toits des huttes de vos collines.

Indépendance CHA CHA.[23]  « Kirimwo abagabo »[24] toujours,

« Kirimwo abagore »[25]. Plus de rebours, plus de demi-tour.

Régine Cirondeye, Ottawa, Canada.

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1er Juillet 2010


[1] Bwarikukiye : Traduction libre et approximative : « Le Burundi est indépendant depuis lors ».

[2] Prince Rwagasore Louis, fils du Roi Mwambutsa IV du Burundi,  héros de l’indépendance, assassiné le 13 Octobre 1961, juste après la victoire des urnes qui conduisit le pays à l’Indépendance.

[3] Crête : Ligne d’intersection des versants d’une montagne, sommet. En sémantique, la fin du règne de tous ceux qui avaient dérobé le pouvoir et l’autorité au peuple burundais.

[4] Stigmate : symbole, empreinte, signature.

[5] « Zana inkoko, zana amagi, zana amasoro » : Prose de la poésie traditionnelle en Kirundi qui décrit certaines attitudes autoritaires des colons envers le peuple burundais. Sa traduction libre et approximative est la suivante: « Apportez-moi des poules (ou coqs), des œufs, de l’huile de vache».

[6] Luminaires : visionnaires, phares, lumières.

[7] Ici la sémantique poétique fait allusion aux autres lustres de l’indépendance, hommes et femmes, encore vivant ou assassinés plus tard (Pierre Ngendandumwe et autres) ainsi qu’aux autres nombreuses victimes des conflits au Burundi qui ne sont pas nécessairement de la famille royale du Burundi..

[8] Laminaire: en physique, qui s’oppose aux mouvements turbulents

[9] « Burikukiye » : « Le Burundi vient d’acquérir son indépendance ». Nom donné à plusieurs enfants du Burundi né en 1962 au Burundi, l’année de l’indépendance.

[10] Dévissages : Littéralement enlèvement de vis. En sémantique, multiples libertés.

[11] Vétuste: vieux, dépassé, plus à la mode.

[12] Épithète : Qualification.

[13] Synérèse : Convulsions, crampes, rétractions, angoisses.

[14] Toute cette strophe fait allusion aux différents « événements » qui ont endeuillé notre pays depuis l’indépendance et de leurs auteurs.

[15] Vestibule: Pièce, hall d’entrée.

[16] Inconnus : cette sémantique fait allusion aux morts non-enterrés des conflits du Burundi.

[17] Actuaires : Spécialistes des probabilités, des comptabilités stratégiques. Les leaders en d’autres termes.

[18] Hommes : Maris, hommes, mâles. Mais aussi en sémantique poétique, vos armées, vos militants, vos fidèles.

[19] Égéries: Conseillers, personnes qui vous inspirent, mentors, muse.

[20] Accortes : Aimables et gracieuses.

[21] Dilection: amour pur et pieux. Ici, celui des enfants.

[22] Cristallines : pures, innocentes

[23] Indépendance CHA CHA: Titre d’une chanson composée en 1960 par le Congolais Joseph Kabasele (Alias Grand Kalle). Elle est considérée à l’époque comme l’hymne révolutionnaire des indépendances d’Afrique et de la sous-région des Grands Lacs en particulier.  

[24] « Kirimwo abagabo »:  Lire Kirimw ‘abagabo. Traduction libre et approximative : « Le Burundi a des hommes vaillants ». Comprenez ici des mâles. Utilisation ironique de l’expression de la prose burundaise. Elle exclut les femmes parmi les vaillants.

[25] « Kirimwo abagore » : Lire Kirimw’abagore. Voire note 24. Traduction littérale et approximative: “Le Burundi a des femmes vaillantes”. Cette prose  est une invention ironique de l’auteure pour souligner la présence des femmes aux côtés des hommes dans tous les actes vaillants de ce peuple. Elle n’existe pas dans la poésie traditionnelle au Burundi.