Burundi : La guerre de tranchées autour du Kira hospital se poursuit
Société

La Libre Afrique13 janvier 2023

Près de 300 jours que le docteur Sahabo croupit en prison sans jamais avoir été jugé.

L’inquiétude est palpable parmi les proches du docteur Sahabo, le directeur de l’hôpital Kira de Bujumbura, arrêté le 1er avril 2022, toujours détenu sans procès et qui a été transféré dans la prison de Ruyigi, loin de la capitale économique, à la fin du mois de septembre dernier.

« Les autorités vont le laisser mourir derrière les barreaux », explique une source proche. « La lutte entre le pouvoir qui veut mettre la main sur l’hôpital et les vrais actionnaires privés se poursuit, une libération du docteur Sahabo est impossible pour le régime déterminé à confisqué coûte que coûte cet hôpital ».

Dans cette guerre entre les actionnaires privés à l’origine du projet et les pions du régime qui tentent de faire main basse sur l’établissement dans lequel ils voient essentiellement une source de devises, l’année qui vient de débuter a déjà livré sa première passe d’armes.

Le 9 janvier, les actionnaires privés de l’hôpital Kira ont en effet écrit au président de la République Évariste Ndayishimiye et au chef du gouvernement Gervais Ndirakobuca pour dénoncer la « mise en failite délibérée de l’hôpital » par une direction intérimaire incapable de gérer les lieux et qui est confronté notamment au « départ des personnels qualifiés », à « des sorties de fonds inexpliqués vers des fournisseurs fictifs sans facturation », des « surfacturations de certains approvisionnements » ou encore « des détournements des fonds ».

Les actionnaires privés insistent aussi sur la mégestion totale des outils essentiels à la vie de l’hôpital ; épinglant ainsi le fait que « deux scanners de l’hôpital sont en panne », que « les deux tiers des véhicules sont cloués au sol », que « deux groupes électrogènes sur trois sont en arrêt » mais aussi « l’absentéisme des personnels clés », « le retard des salaires du personnel », ou, inévitablement « l’effondrement de l’activité et des recettes ».

Les actionnaires privés demandent d’être à nouveau « associés à la gestion pour remédier au plus vite à cette très grave crise avant que cette situation ne soit irréversible ».  Ils poursuivent en demandant « la libération du Docteur Christophe
Sahabo qui a joué un rôle clé dans la réussite de ce projet, afin qu’il contribue au plan de redressement de Kira Hospital ».  En contrepartie, ils s’engagent « à fournir des efforts conséquents tant managériaux que financiers, en concertation avec les actionnaires parapublics, pour refaire de Kira Hospital, un hôpital de référence dans les meilleurs délais ».

Il n’a fallu que 48 heures aux « gestionnaires » mis en cause pour répondre, en démentant le constat dressé par les investisseurs privés, garantissant que tout allait pour le mieux au sein de l’établissement, en n’oubliant pas de menacer les auteurs du premier courrier de poursuites.

Les autorités burundaises, qui ont déjà tenté de mettre la main sur des business rentables et pourvoyeurs de dévises sans y parvenir et en occasionnant par leur attitude des désagréments à la population, paraissent déterminées à aller au bout de leur bras de fer.

 « C’est une question d’argent mais aussi d’ego. Ils ne feront pas marche arrière. S’ils doivent faire plonger l’institution, ils le feront. Mais ils n’ont ni la capacié pour gérer cet hôpial, ni la volonté d’y investir. Ce sera donc le chaos », prévient un témoin de la situation à Bujumbura qui rappelle « la tentative du pouvoir pour reprendre à son compte la gestion des importations de carburant qui a paralysé le pays. Au coeur de cette crise : la cupidité du premier cercle du pouvoir ».

Pendant ce temps, le docteur Sahabo en est à près de 300 jours de détention illégale sans que cela n’émeuve les autorités internationales. Pour rappel, l’Union européenne s’est empressée de lever les sanctions qui pesaient sur le nouveau Premier ministre quand celui-ci a été désigné à ce poste sans contrepartie du pouvoir.

Hubert Leclercq