L’arrestation d’un ex-premier ministre au Burundi : une répétition des erreurs passées
Analyses

@rib News, 03/10/2023 – Source Perspective monde

Publication : 23 septembre 2023 - Dernière modification : 02-10-2023

Le 9 mai 2023, l’ex-premier ministre du Burundi Alain-Guillaume Bunyoni est inculpé sur des bases de tentative de coup d’État contre le président en fonction, Evariste Ndayishimiye [1]. Son arrestation, le 21 avril, est précédée de la saisie de son domicile principal à Bujumbura et de son domicile secondaire à Rutana, le 17 avril. Le processus judiciaire entourant son inculpation est suivi de près par la Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH) [2].

Ce regard externe permet de surveiller la situation des droits de l’homme au Burundi et pourrait être décisif sur la place du pays au sein du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, lors de la 54e session à l’automne 2023 [3].

De bras droit à instigateur de coup d’État

Bunyoni occupe le poste de ministre de la Sécurité publique lors de son mandat de 2007 à 2011, ainsi que de 2015 à 2020 [4]. Il est aussi un leader au sein du parti au pouvoir, soit le Conseil national pour la défense de la démocratie – Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD). Sa position est solidifiée par sa participation clé dans la prévention d’un coup d’État contre le défunt président Pierre Nkurunziza en 2015. Il est promu au poste de chef de cabinet et devient le premier ministre en 2020 [5].

Lors de son mandat, Bunyoni a une relation tendue avec le président Ndayishimiye, qui remplace Nkurunziza à la suite de son décès en juin 2020. En 2022, Bunyoni est démis de ses fonctions dans un climat de soupçons de coup d’État contre Ndayishimiye et il est remplacé par Gervais Ndirakobuca [6]. Sa carrière politique se termine par son arrestation en avril 2023, résultant en son inculpation le 9 mai 2023 [7].

Les résidences de Bunyoni sont perquisitionnées le 17 avril et son homme de confiance, Désiré Uwamahoro, est arrêté pour interrogatoire le lendemain. La famille de Bunyoni est mise en garde à vue à son domicile, tandis que les forces policières le cherchent. C’est quelques jours plus tard, soit le 21 avril, que celui-ci est arrêté dans la ville de Nyamuzi. La raison de son arrestation est divulguée le 24 avril [8].

Bunyoni est détenu dans la prison de Ngozi, puis transféré dans la prison centrale de Gitega. Durant le processus judiciaire, la Banque centrale du Burundi procède à la saisie des comptes de Bunyoni afin d’éviter tout déplacement d’argent de sa part vers d’autres comptes. La situation de Bunyoni en septembre 2023 est celle d’une détention provisoire ayant été décidée en août 2023 par la Cour suprême du Burundi [9].

Les droits de l’homme au Burundi : mythe ou réalité?

Aux yeux des organisations internationales telles que le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, la situation vécue par Bunyoni est un reflet de l’attitude du Burundi face aux droits de l’homme. Selon les rapports des commissions d’enquête sur le respect de ces droits, les dirigeants du Burundi n’ont pas tendance à agir dans l’intérêt de la défense des droits de l’homme, mais plutôt vers la possibilité de gains politiques à l’interne [10].

La condamnation de Bunyoni présente des similarités avec celle de la journaliste Floriane Irangabiye. Elle est emprisonnée pour avoir exercé son droit de liberté d’expression en énonçant une position opposée à celle des dirigeants burundais. Elle fait face à des accusations d’atteinte à la sécurité nationale [11].

Ce type de non-respect des droits de l’homme est à l’ordre du jour de plusieurs regroupements internationaux dont fait partie le Burundi. Cependant, la délégation burundaise a tendance à s’exclure des discussions, tout en ayant un discours d’atteinte au patriotisme dans le cas où celle-ci prendrait part aux discussions [12].

Ce comportement est inquiétant aux yeux des membres du Conseil des droits de l’homme, puisque le Burundi est un candidat possible pour un prochain mandat de trois ans en tant que membre du conseil (2024-2026). Cette possibilité fait partie des discussions de la 54e session, mais les échecs du gouvernement du Burundi à respecter les droits de l’homme et à offrir sa coopération sur ce sujet laissent perplexes certains acteurs internationaux [13].

Frédérik Savard

analyste en formation

École de politique appliquée,

Faculté des lettres et sciences humaines

Université de Sherbrooke, Québec, Canada


Références:

[1] B.O., « Afrique: Arrestation de l'ex-premier ministre - La justice saura-t-elle se montrer impartiale ? », All Africa, 9 mai 2023, URL : https://fr.allafrica.com/stories/202305100095.html, consulté le 25/09/2023.

[2] Amnesty International (London), « Burundi: L'arrestati/on de l'ancien Premier ministre représente une chance de l'amener à rendre des comptes », All Africa, 26 avril 2023, URL : https://fr.allafrica.com/stories/202304280487.html, consulté le 25/09/2023.

[3] Human Rights Watch (Washington, DC), « Burundi: Il faut renouveler le mandat du Rapporteur spécial et garantir des ressources financières adéquates pour son travail de suivi et de documentation de la situation », All Africa, 25 août 2023, URL : https://fr.allafrica.com/stories/202308250396.html, consulté le 25/09/2023.

[4] Amnesty International (London), op. cit.

[5] GRAS. Romain, « Burundi : Alain-Guillaume Bunyoni, un “ dur ” à la primature », Jeune Afrique, 25 juin 2020, URL : https://www.jeuneafrique.com/1005388/politique/bur... consulté le 21/09/2023.

[6] Amnesty International (London), op. cit.

[7] Agence rwandaise d’information (RNA-ARI), « L’ancien Premier ministre burundais Bunyoni désormais locataire de la prison de Ngozi », 9 mai 2023, URL : https://www.rnanews.com/lancien-premier-ministre-b... consulté le 25/09/2023.

[8] Amnesty International (London), op. cit.

[9] RNA-ARI, « Affaire-Bunyoni : la justice burundaise bloque des comptes de l’ancien premier ministre », 25 août 2023, URL : https://www.rnanews.com/affaire-bunyoni-la-justice... consulté le 25/09/2023.

[10] Acat-Burundi, « Rapport pour le Monitoring des Violations et atteintes aux droits de l’homme commises au Burundi », juin 2023, URL : https://www.acatburundi.org/wp-content/uploads/202... consulté le 28/09/2023.

[11] Amnistie Internatonale (Canada), « Burundi. De nouveaux appels à la libération d’une journaliste, un an après son arrestation », 30 août 2023, URL : https://amnistie.ca/sinformer/2023/burundi/burundi... consulté le 28/09/2023.

[12] Nations unies, « Burundi : Le Comité contre la torture déplore le manque de coopération du Burundi concernant les plaintes individuelles », 21 décembre 2021, URL : https://www.ohchr.org/fr/press-releases/2021/12/bu... consulté le 28/09/2023.

[13] Human Rights Watch (Washington, DC), op. cit.

-N.D.L.R.: Il est possible que des hyperliens actifs au moment de la recherche et de la rédaction de cet article ne le soient plus ultérieurement.