Le Burundi a besoin d’une opposition parlementaire légitime
Opinion

EURAC, 15/07/2010

Publication mensuelle du Réseau Européen pour l’Afrique Centrale (EURAC)

N° 67 – Juillet 2010

EDITORIAL - Ne commettez pas de délit de fuite

Après les élections communales du 24 mai, six des sept candidats pour la présidence burundaise se sont retirés des présidentielles, réduisant ainsi le scrutin présidentiel à un plébiscite pour reconduire le Président sortant Pierre Nkurunziza. Cette décision a été prise à cause de ce que l’opposition appelle des « fraudes massives ». Or, les missions d’observation électorale, dont celle de la COSOME et d’EurAc, ont certes parlé d’irrégularités, mais n’ont pas constaté de fraudes massives.

Le cinq juillet, l’Alliance des Démocrates pour le Changement (ADC-Ikibiri), qui rassemble 12 partis de l'opposition, a confirmé son boycott du processus électorat et répété qu’elle ne participerait pas aux législatives. Nous pouvons regretter que les Burundais ont du voter pour ou contre le seul candidat pour la présidence, mais nous ne considérons pas ceci comme un obstacle fatal dans le processus de démocratisation. Par contre, renoncer aux élections législatives serait un délit de fuite et une négation, un mépris même pour le rôle de l’opposition parlementaire.

D’autant que la législature précédente n’a pas répondu aux attentes. Les institutions ont vécu plusieurs blocages. Le paysage politique n’a cessé d’être instable. La dernière rébellion n’a intégré les institutions qu’en avril 2009. La population connaît toujours des conditions de vie très précaires et la mauvaise gouvernance demeure un obstacle majeur à une lutte efficace contre la pauvreté. L’Etat de droit est encore en chantier et le potentiel de violence n’est pas sous contrôle.

Néanmoins, toutes ces préoccupations ne sauraient nous faire oublier que le pays a réalisé un progrès important. Toutes les ex-rébellions ont connu une intégration militaire et politique. Même embryonnaire, le multipartisme est effectif. Malgré la pression des autorités, la presse et la société civile réussissent à mener un travail de qualité. Pour la première fois dans l’histoire, le pays (un des moins urbanisés dans le monde) a un régime qui trouve sa légitimité dans les zones rurales. Le clivage ethnique n’est plus perçu comme la source de tous les maux du pays, et l’armée n’est plus l’instrument d’une ethnie cherchant à protéger ses privilèges.

Pour consolider sa démocratie et entamer la lutte contre la pauvreté, le Burundi a besoin d’une opposition parlementaire légitime afin de contrecarrer les tendances autoritaires du parti au pouvoir et veiller sur la notion et les pratiques de bonne gouvernance. Celles-ci ne tomberont pas du ciel; elles devront être revendiquées et défendues.

Pour ma part, je continue à espérer que l’ensemble des grands leaders politiques que compte le pays ne réduiront pas le Burundi à un monopartisme de fait. Dans une région tellement déchirée par les conflits et les violences, le Burundi est la preuve qu’il est possible d’avancer par le dialogue.

En comprenant que le conflit ne peut pas être gagné par la force, le Burundi a donné un exemple qui doit nous inspirer tous. J’espère que les Burundais réaliseront le passage vers la nouvelle législature par une dynamique inclusive qui respecte leur tradition de négociations. Où les gagnants et les perdants des élections joueront leur rôle constitutionnel. Il est d’ailleurs grand temps que les politiciens burundais mettent la population burundaise au centre de leurs débats.

Kris Berwouts - Directeur