Rwanda : Kagame favori à l’élection présidentielle sur fond de terreur
Afrique

@rib News, 08/08/2010 – Source Associated Press

Quelque 5,2 millions d'électeurs inscrits sont appelés aux urnes lundi pour la seconde élection présidentielle au Rwanda depuis la fin du génocide de 1994.

Le président sortant Paul Kagame, élu à une écrasante majorité lors du précédent scrutin en 2003, est donné très largement favori, d'autant que les principaux opposants ont été écartés du scrutin dans un climat alourdi par les violences politiques.

Les bureaux de vote ouvrent à 6h locales (4h GMT) et ferment à 15h (13h GMT).

Paul Kagame, président du Front patriotique rwandais (FPR) au pouvoir depuis 1994, brigue un second mandat de sept ans. Il affronte trois candidats issus de petits partis qui l'ont soutenu par le passé et ne constituent guère pour lui un sujet de préoccupation.

Le chef de l'Etat sortant a fait valoir durant la campagne électorale son bilan en matière de développement économique et social du Rwanda, petit pays d'Afrique centrale de quelque 10 millions d'habitants.

Le FPR n'a pas lésiné sur les moyens, expliquant avoir dépensé l'équivalent de 2,2 millions d'euros pour la campagne, organisant de nombreuses réunions publiques en présence de grandes foules.

"Quand Kagame est venu, il y a eu énormément de monde", explique Ernest Sugira, un de ses partisans qui a assisté à un rassemblement d'une des petites formations en lice, le Parti libéral. "Aujourd'hui, ces gens portent les couleurs d'autres partis, mais ils finiront tous par voter pour Kagame", prédit ce militant de 19 ans.

La campagne a été marquée par des violences et intimidations. Certains candidats de l'opposition n'ont pas été autorisés à se présenter et la commission de l'information nommée par le gouvernement a censuré la publication d'articles.

En février, l'organisation américaine de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch s'était dite inquiète du "nombre croissant de menaces, d'agressions et d'actes de harcèlement" contre "les membres des partis de l'opposition".

Le 14 juillet dernier, Frank Habineza, président du Parti démocratique vert (PDVR), non inscrit à là présidentielle, a reçu le coup de téléphone qu'il redoutait : le vice-président de la formation, André Kagwa Rwisereka, porté disparu depuis la veille, a été retrouvé mort. Selon M. Habineza, les assassins ont torturé l'opposant avant de le tuer, en le décapitant quasiment.

Frank Habineza explique ne pas croire la version policière des faits, un meurtre résultant d'un différend financier. "C'est une période très effrayante. Avant, on parlait de la démocratie. Maintenant, ce sont nos vies qui sont en jeu", souligne-t-il.

Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a demandé une enquête pour faire la lumière sur ce meurtre, le dernier en date contre des opposants au régime.

Le 19 juin, l'ancien chef de l'armée, le général Faustin Kayumba Nyamwasa, a été blessé par balles devant sa maison à Johannesburg, plusieurs mois après avoir fui le Rwanda, suite à sa mise en cause dans des attentats meurtriers à la grenade dans la capitale Kigali.

Cinq jours après, le journaliste Jean-Léonard Rugambage tombait sous les balles devant sa maison de Kigali, quelques heures après avoir mis en ligne un article accusant les services de renseignement rwandais d'être impliqués dans l'attentat contre le général Nyamwasa.

Le gouvernement rwandais a réfuté tout lien avec ces violences, soulignant que deux hommes ont été arrêtés pour le meurtre du journaliste. Ils ont affirmé avoir agi par vengeance personnelle.

Depuis 1994 et la fin du génocide, les "progrès matériels au Rwanda sont visibles, c'est indéniable", note Muzong Kodi, de l'institut Chatham House, un groupe de réflexion indépendant sur les affaires internationales. "Mais ces progrès ont été acquis au prix des libertés civiles et de la stabilité à long terme du pays. Sans ouverture politique au Rwanda, tous ces bénéfices pourraient être remis en cause", estime-t-il.