Une caricature sur Jacob Zuma met l’Afrique du Sud dans tous ses états
Afrique

@rib News, 10/09/2008 – D’après AFP

Un dessin humoristique, du caricaturiste le plus talentueux d'Afrique du Sud, paru dans l’hebdomadaire sud-africain "SundayTimes" représentant Jacob Zuma, le président du Congrès national africain (ANC, au pouvoir), déboutonnant son pantalon et prêt à violer la justice, a soulevé la colère de ce parti et de ses partisans.

C’est un dessin humoristique paru dimanche dernier dans l’hebdomadaire sud-africain "Sunday Times", qui déchaîne une controverse en Afrique du Sud. Ce dessin met en scène Jacob Zuma, le président du parti au pouvoir, l’ANC, braguette déboutonnée, prêt à violer une jeune femme aux yeux bandés représentant "le système judiciaire", tenue fermement par les partis et syndicat de la majorité présidentielle.

Le dessin dont l’auteur est Jonathan Shapiro - ou "Zapiro" selon son pseudonyme - représente également le secrétaire général de l’ANC, Gwede Mantasche, adressant un "Vas-y, chef" au chef de l’ANC.

Outre Zuma, les autres personnes représentées sur le dessin sont Julius Malema (ANC Youth League, les jeunes du Congrès national), Gwede Mantashe (secrétaire général de l'ANC, Congrès national africain), Blade Nzimande (secrétaire général de la SACP, Parti communiste sud-africain) et Zwelinzima Vavi (secrétaire général du COSATU, Congrès des syndicats sud-africains).

Toutes ces organisations ont publié une déclaration conjointe pour critiquer violemment le dessin de Zapiro.

Les journaux sud-africains ont publié mardi des réactions de colère de l’ANC et de ses alliés, le parti communiste sud-africain, la Ligue de la Jeunesse de l’ANC (ANCYL) et la fédération syndicale COSATU, représentés dans le dessin. Tous ont critiqué ce dernier, l’estimant diffamatoire.

"Le dessin salit l’intégrité collective de l’alliance et constitue une violation des droits et de la dignité du président de l’ANC", ont-ils souligné dans un communiqué commun.

La COSATU a estimé que ce dessin impliquait que Jacob Zuma était un violeur, en dépit de son acquittement en 2006, faute de preuves, alors qu’il était accusé d’avoir violé une jeune femme. L’ANC et ses alliés ont récemment lancé des attaques verbales visant le système judiciaire à propos du procès de Jacob Zuma pour corruption, qualifiant les juges de "réactionnaires" et de "politiciens". Ce procès a été ajourné au 12 septembre.

Le secrétaire général de la COSATU, Zwelinzima Vavi, un admirateur du dessinateur, s’est déclaré "choqué, anéanti" par le dessin.

Mais Zapiro, un des meilleurs dessinateurs du pays, ne regrette rien. "Je suis en colère contre eux, je suis offensé par ce que Zuma est en train de faire au système judiciaire et aux principes constitutionnels, avec son équipe d’avocats et ses alliés politiques", a-t-il dit mardi sur SA FM.

Pour bien comprendre l’ampleur de l’offense, il faut savoir que Jacob Zuma a déjà été jugé -et acquitté- pour le viol d’une jeune femme séropositive, et qu’il avait déclaré s’être protégé du VIH en prenant une douche après l’acte sexuel. Ce qui explique ce pommeau de douche qui figure comme accroché au-dessus de sa tête sur le dessin de Zapiro, le caricaturiste du Sunday Times.

Et il faut placer ce dessin dans son contexte : Jacob Zuma saura cette semaine s’il sera jugé pour son rôle dans le détournement de fonds dans un contrat d’armement avec le Français Thalès. Zuma a été mis en en examen mais un tribunal doit statuer dans la semaine sur la légalité de cette procédure.

Jacob Zuma, devenu président de l’ANC l’an dernier en battant l’actuel président du pays, Thabo Mbeki, a déclenché une campagne de ses partisans contre un procès, déclarant que ça ne serait pas "dans l’intérêt du pays". Ce sont ces partisans de Zuma qui figurent sur la caricature : les dirigeants du Congrès national africain (ANC), de sa ligue de la jeunesse, du Parti communiste sud-africain (SACP), et de la centrale syndicale Cosatu.

Depuis dimanche, les condamnations pleuvent contre ce qui est décrit comme "un abus de la liberté d’expression". L’affaire a même fait l’ouverture du journal télévisé sud-africain, signe d’une volonté de soulever l’opinion contre un caricaturiste, Jonathan Shapiro, alias Zapiro, qui se trouve être… blanc et donc aussitôt accusé de racisme. Et qui a déjà sur le dos un procès en diffamation du même Jacob Zuma.

De nombreux Sud-Africains font de cette affaire le test du type de gouvernement que Zuma, qui a été désigné sur une approche très populiste, appliquera lorsqu’il sera élu président de l’Afrique du sud l’an prochain, un résultat qui ne fait guère de doute. Mais les partisans de Zuma font le parallèle avec l’enquête judiciaire stoppée par Tony Blair en Grande Bretagne sur un contrat d’armement avec l’Arabie saoudite, invoquant déjà l‘"intérêt national".

Au test de la justice, s’ajoute donc celui des limites de la caricature dans la nouvelle Afrique du Sud. Zapiro a poussé le bouchon aussi loin qu’on pouvait le faire. Il attend la suite avec sérénité dans un pays qui reste l’un des plus tolérants du continent.