Burundi: Rapport final des consultations nationales sur la justice de transition
Analyses

@rib News, 24/10/2010

 Depuis le 20 avril 2010, le Comité de Pilotage Tripartite (CPT) - Gouvernement, Société civile et ONU - en charge des Consultations Nationales sur la justice de transition au Burundi a remis son rapport final au président de la République, Pierre Nkurunziza, mais ce dernier tarde toujours à en assurer la publication et la diffusion auprès de toute la population. Ce rapport est basé sur les opinions exprimées par l’échantillon de la population burundaise consultée à travers toutes les provinces du pays et des Burundais de l’étranger.

Le CPT était au départ composé de M. Festus Ntanyungu (Président) et Mme Françoise Ngendahayo représentant le Gouvernement, M. Joseph Ndayizeye et Mme Eulalie Nibizi représentant la Société civile, M. Ismael Diallo (Secrétaire Exécutif) et Mme Yanine Poc représentant l’ONU. Les membres de l’ONU ont été ultérieurement remplacés par M. Jean Luc Marx et M. Alpha Fall qui, en son absence, a été remplacé par M. Pollock Ndonodji.

ARIB.INFO a pu se procurer une copie du Rapport que nous publions en intégralité car le retard observé de la part du chef de l'Etat dans sa diffusion soulève plusieurs interrogations dans les milieux politiques burundais jusque dans les sphères de la haute diplomatie. C’est ainsi que le démissionnaire Représentant des Nations Unies au Burundi vient de postposer son départ du pays en invoquant, entre autres raisons, l’attente de la diffusion de ce Rapport par le président de la République.

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Quelques extraits (Introduction, Conclusions et Recommandations)  :  [...]

Le processus de justice de transition au Burundi

Au Burundi, la notion de justice de transition prend naissance dans le premier des 5 Protocoles de l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi signé le 28 août 2000. Ce Protocole porte sur la nature du conflit burundais, les problèmes de génocide et d’exclusion et leurs solutions. Il prévoit en ses articles 6 et 8 :

a)       La mise en place par le Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU) d’une commission d’enquête judiciaire internationale sur le génocide, les crimes de guerre et autres crimes contre l’humanité, qui aura pour mission d’enquêter et d’établir les faits, de les qualifier et d’établir les responsabilités ;

b)       Au cas où le rapport d’enquête établirait l’existence d’actes de génocide, de crimes de guerre et autres crimes contre l’humanité, l’établissement par le Conseil de Sécurité de l’ONU d’un Tribunal Pénal International chargé de juger et de punir les coupables ;

c)       La création d’une Commission Nationale pour la Vérité et la Réconciliation, chargée de faire la lumière et d’établir la vérité sur les actes de violence graves commis au cours des conflits cycliques qui ont endeuillé le Burundi depuis l’indépendance, d’arbitrer, de réconcilier et de clarifier toute l’histoire du Burundi ; la commission n’est pas compétente pour qualifier les actes qui font l’objet de l’enquête judiciaire internationale.

Sur demande du Gouvernement du Burundi de mettre en place la commission d’enquête judiciaire internationale prévue par l’Accord d’Arusha, le Secrétaire Général des Nations Unies a envoyé, en mai 2004, une équipe d’experts au Burundi pour en étudier l’opportunité et la faisabilité.

Dans le rapport des experts soumis par le Secrétaire Général des Nations Unies (S/2005/158) au Conseil de Sécurité des Nations Unies, il a été proposé la création d’une Commission Vérité et Réconciliation et d’une Chambre Spéciale au sein de l’appareil judiciaire burundais en lieu et place des dispositions prévues dans l’Accord d’Arusha.

Au cours de sa séance du 15 juin 2005, le Conseil de Sécurité des Nations Unies, après avoir entendu l’opinion du Gouvernement du Burundi exprimée par le Ministre de la Justice, a recommandé la création d’un double mécanisme judiciaire et non judiciaire (Résolution 1606). A cet effet, il a demandé au Secrétaire Général d’engager des négociations avec le Gouvernement du Burundi.

Sur cette base, le Gouvernement a, en octobre 2005, mis sur pied la délégation chargée de négocier avec les Nations Unies la mise en place d’une Commission pour la Vérité et la Réconciliation ainsi que d’un Tribunal Spécial pour le Burundi. Les négociations entre les deux délégations qui ont eu lieu en mars 2006 et mars 2007, à Bujumbura, ont abouti à un consensus sur la nécessité d’organiser des Consultations Nationales sur la justice de transition et la décision d’en confier la conception et la mise en œuvre à un Comité de Pilotage Tripartite (CPT).

A l’issue de la visite au Burundi de la Haut Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme, en mai 2007, les deux parties ont convenu des modalités d’établissement du Comité de Pilotage Tripartite.

C’est ainsi que, le 2 novembre 2007, le Gouvernement et les Nations Unies ont signé un Accord Cadre portant création et définition du mandat du CPT en charge des Consultations Nationales sur la justice de transition au Burundi La signature de cet Accord Cadre a été suivie par le lancement officiel des travaux du CPT par Son Excellence le Président de la République.

Le CPT a reçu la mission globale d’organiser et de conduire les consultations préalables à la mise en place des mécanismes de justice de transition au Burundi. Il a eu pour missions spécifiques de définir la stratégie et les modalités de mise en œuvre des consultations, d’élaborer son budget et de le soumettre pour financement au Comité de Pilotage Conjoint du Fonds de Consolidation de la Paix pour le Burundi, de mettre en œuvre les consultations, de superviser leur déroulement, de superviser la rédaction du Rapport final des consultations et d’en assurer la publication et la diffusion.

Le rapport constitue en conséquence le résultat des Consultations Nationales qui ont été conduites, de juillet à décembre 2009, à travers les 17 provinces du pays et, à la mi-mars 2010, auprès des Burundais vivant en Afrique de l’Est, à Dar-Es-Salaam et en Europe, à Bruxelles.

[…]

CHAPITRE 9 : CONCLUSIONS

L’objectif principal des Consultations Nationales était d’impliquer la population burundaise dans le processus de réconciliation nationale au Burundi en recueillant ses vues sur les modalités de la mise en place des mécanismes de justice de transition.

Les résultats attendus des consultations étaient : un environnement favorable à l’appropriation des mécanismes de justice de transition et à la participation des populations au processus de réconciliation, l’expression par la population burundaise de ses vues sur les modalités de la mise en place des mécanismes de la justice de transition au Burundi, et un rapport sur les vues de la population burundaise et les recommandations du CPT.

Au terme du processus des Consultations Nationales, le CPT estime que les objectifs et les résultats attendus ont été atteints à la lumière de la participation massive des personnes invitées, des réactions positives des participants aux consultations ainsi que des résultats des consultations.

Les présentations du CPT ont permis aux participants de mieux comprendre l’historique de la justice de transition au Burundi, les concepts et les composantes de la justice de transition ainsi que les thèmes des Consultations Nationales.

S’agissant de l’expression des vues de la population, sur un total de 4 837 personnes invitées, 3 887 ont participé aux Consultations Nationales, dont 1 923 femmes, soit 49,47% et 1 964 hommes, soit 50,53%. Le taux global de participation aux Consultations Nationales s’élève à 80,36%.

L’Accord Cadre portant création et définition du mandat du Comité de Pilotage Tripartite chargé d’organiser et de conduire les consultations précise que le but ultime est de prendre en compte et refléter les conclusions tirées de ces consultations dans les actes fondateurs des mécanismes de la justice de transition, y compris le processus de sélection de leurs membres.

Par voie de conséquence, après analyse des résultats des Consultations Nationales, le CPT en a tiré les conclusions suivantes qui méritent d’être considérées lors de la préparation des textes portant création de la Commission Vérité et Réconciliation et du Tribunal Spécial :

1.     De la période d’enquête

La période du 1er juillet 1962, date de l’Indépendance du Burundi, au 4 décembre 2008, date de fin de la belligérance est convenable pour 61% des personnes consultées en tant que compétence temporelle des mécanismes de justice de transition à établir au Burundi.

2.     Du mécanisme de recherche de la vérité

Les Burundais qui ont participé aux consultations estiment que :

a)     Les faits et actes de violences graves à enquêter sont : les assassinats, les viols et violences faites aux femmes, les actes de torture, les arrestations et détentions arbitraires, les exécutions sommaires, le fait de livrer les personnes pour les faire tuer, les disparitions forcées, les coups et blessures graves, les déportations, les pillages des biens, la spoliation des biens et des propriétés, l’incendie des maisons, l’expropriation pour cause d’utilité publique sans indemnisation préalable, la destruction des infrastructures publiques et privées, la vente par l’Etat des biens des particuliers, la dévastation des champs, y compris le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, les violations des droits économiques et sociaux.

b)     En plus des pouvoirs classiques d’enquêter, d’établir les responsabilités et de déterminer la réparation, le mécanisme de recherche de la vérité devrait également enquêter sur les cas des étrangers impliqués dans la commission des faits et actes de violences graves au Burundi, confronter les auteurs aux victimes et tenter de les rapprocher ;

c)     La Commission Vérité et Réconciliation à mettre en place serait composée de burundais et d’étrangers choisis pour leurs qualités personnelles morales et professionnelles ;

d)     Le Président de la Commission serait un Burundais provenant par ordre décroissant de la société civile, des confessions religieuses, des professions libérales et du gouvernement ;

e)     La Commission Vérité et Réconciliation serait composée d’hommes et de femmes, avec une préférence pour une majorité d’hommes ;

f)       Les membres du Comité de sélection proviendraient de la société civile, des confessions religieuses, des Nations Unies et du gouvernement ;

g)     La majorité des participants ont estimé que les noms des présumés auteurs devraient être rendus publics ;

h)     Suivant la majorité des participants, les auditions devraient être publiques.

3.     Du mécanisme de poursuites judiciaires

Les Burundais consultés disent que :

a)     Le Tribunal Spécial serait composé de juristes Burundais et étrangers, avec une légère préférence pour une majorité d’hommes que de femmes ;

b)     Les pouvoirs et le mandat du Tribunal Spécial seraient d’enquêter et connaître des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité des crimes de génocide, juger les présumés exécutants et commanditaires, ordonner des réparations. Il devrait en outre enquêter et connaître des crimes économiques, exécuter les jugements qu’il aura rendus. Les enquêtes porteraient sur toute personne qui qu’il soit et où qu’il soit.

4.     Des réparations

Les Burundais interrogés sont en faveur des trois formes de réparations : collectives, symboliques et matérielles individuelles. Par ailleurs, les préjudices à réparer se rangent presque de la même manière que les faits et actes à enquêter par la Commission Vérité et Réconciliation en plus des handicaps de guerre, des abandons forcés d’écoles et de service et des déplacements intérieur et extérieur.

5.     De la réforme des institutions

Du point de vue des participants,

q      La justice était partiale, éloignée de la population et n’était pas indépendante. La plupart des jugements rendus n’étaient pas satisfaisants et exécutés.

Le système judiciaire devrait dès lors œuvrer à renforcer l’impartialité, la proximité, l’intégrité, l’indépendance, la confiance de la population, la qualité et l’exécution des jugements rendus. Il devrait également lutter contre la corruption, procéder à la révision des jugements mal rendus et instaurer le système d’élection des chefs des juridictions et des parquets.

q      L’administration était politisée et éloignée de la population. Elle a trempé dans des  crimes qui portent atteinte à la personne humaine et aux biens. Le recrutement des fonctionnaires et l’affectation dans des postes des responsabilités n’étaient pas équitables. L’avancement en grades n’était pas soumis à une réglementation statutaire et les postes politiques n’étaient pas séparés des postes politiques.

L’administration pourrait s’améliorer par la dépolitisation, l’affectation équitable, la séparation des postes techniques des postes politiques, la révision du système de recrutement, la création des organes de contrôle, l’augmentation de la représentation des femmes, la proximité avec la population, le renforcement de capacités des administratifs et la réforme du statut des fonctionnaires et du code de travail.

q      L’armée était politisée et n’était pas au service de tout le monde. Le recrutement n’était pas fait sur des bases légales. L’armée a participé dans des crimes se rapportant à la personne humaine et aux biens.

q      La police était caractérisée par la corruption. Elle n’était pas formée pour la protection des droits humains et elle a également commis des crimes contre les personnes et les biens.

L’armée et la police devraient renforcer la dépolitisation, la discipline, le professionnalisme, la redevabilité, l’intégration des femmes et la formation pour la protection des droits humains. De plus, la police devrait aider à lutter contre la corruption.

q      La presse n’était pas libre et indépendante quoiqu’elle aurait joué son rôle d’informer objectivement la population.

La presse burundaise a besoin d’une amélioration des conditions de travail, d’une formation sur la lutte anti-corruption, l’observation des procès et le respect des Droits de l’Homme ainsi que de la suppression des délits de presse. Il est également nécessaire de rendre la presse indépendante et de rouvrir l’école de journalisme.

Pour toutes ces réformes, les dimensions genre, ethnie et région devraient chaque fois être prises en compte.

6.     De l’avenir du Burundi

La réconciliation des Burundais passera par la vérité, le pardon, la justice, la réparation et l’amnistie, sauf pour les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Le dialogue constituerait aussi une voie vers la réconciliation des Burundais.

Les défis à relever pour rompre avec le cycle de violences sont en ordre de priorité le relèvement communautaire et la promotion d’une croissance économique durable et équitable, la promotion de la bonne gouvernance, le renforcement de la sécurité, l’amélioration de l’accès aux services sociaux de base, le renforcement l’Etat de Droit, la justice et la lutte contre l’impunité ainsi que la restauration des valeurs fondamentales de la société burundaise.

CHAPITRE 10 : RECOMMANDATIONS

Le Comité de Pilotage Tripartite en charge des Consultations Nationales sur la mise en place des mécanismes de la justice de transition au Burundi 

-            Considérant l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi, particulièrement en ses Articles 6 et 8 relatifs aux principes et mesures des mécanismes de justice de transition;

-            Considérant également les Résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies 1606 (2005) sur la mise en place des mécanismes de justice de transition au Burundi et 1325 (2000) sur l’égale participation des femmes dans toutes les initiatives relatives à la paix et la sécurité ;

-            Se référant à l’Accord Cadre portant création et définition du mandat du Comité de Pilotage Tripartite et qui préconise que les vues des populations seront reflétées dans les actes fondateurs des mécanismes de justice de transition;

-            Ayant enregistré la participation massive des personnes consultées et leur adhésion aux piliers de la justice de transition que sont : la recherche de la  vérité, les poursuites judiciaires, les réparations et les reformes institutionnelles ;  

-            Faisant sien le désir des participants aux Consultations Nationales, de vérité, de justice, de réparation et ultimement de réconciliation, et prenant note de la volonté des populations de voir les mécanismes de la justice de transition au Burundi mis en place le plus rapidement possible ;

-            Ayant constaté la convergence d’opinions sur les thèmes développés lors des consultations, nonobstant les appartenances ethniques et du genre ;

-            Ayant constaté également l’exigence des populations consultées de doter les mécanismes de la justice de transition au Burundi d’un mandat leur permettant de remplir leurs missions respectives en toute intégrité, neutralité, indépendance et efficacité ;

-            Prenant note avec satisfaction de l’expression unanime des populations consultées sur les mesures à prendre pour garantir un avenir apaisé et prospère ;

-            Ayant également relevé le vœu exprimé par les populations consultées de voir leurs opinions et attentes prises en compte dans le processus de mise en place des mécanismes de la justice de transition ;

-            Conscient que la réconciliation nationale doit passer par le respect des Droits de l’Homme et la lutte contre l’impunité ;

-            Convaincu que l’incertitude, quant au sort de leurs proches, est une douloureuse réalité pour d’innombrables familles, incluant parents et amis proches, qui sont ainsi eux-mêmes des victimes de la situation ;

-            Egalement convaincu que tant que les victimes et leurs familles, voire la population toute entière resteront dans le déni de vérité, et que ses demandes de justice, de réparations et de réformes ne seront pas satisfaites, elles seront dans l’incapacité de faire face aux événements violents qui ont bouleversé leur existence et de passer à la reconstruction de leur vie et à celle de la communauté, comme à la réconciliation ;

-            Ayant considéré les instruments et les standards internationaux pertinents des Droits de l’Homme et du Droit International Humanitaire et conscients que le Gouvernement du Burundi doit sur cette base et celle de la volonté exprimée des populations burundaises, s’efforcer d’établir les mécanismes de la justice de transition ;

-            Tenant compte des conclusions des Consultations Nationales et convaincu de la nécessité de prendre des mesures immédiates et concrètes pour qu’un accord soit signé entre le Gouvernement du Burundi et les Nations Unies afin que les victimes et leurs familles puissent avoir accès à la vérité, à la justice et à la réparation et établir ainsi les bases d’une réconciliation durable ;

Recommande ce qui suit :

A.     Recommandations générales.

1.      Le Comité de Pilotage Tripartite invite le Gouvernement du Burundi et les Nations Unies à reprendre les discussions et finaliser un accord sur les points encore en suspens ou qui découlent du présent rapport, afin de permettre la mise en place effective des mécanismes de justice de transition au Burundi ;

2.      Le Comité de Pilotage Tripartite recommande que les actes fondateurs de ces mécanismes reflètent les dispositions pertinentes de l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi, les Résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies, l’Accord Cadre et les vues de la population exprimées sur la période à prendre en compte, le mécanisme de recherche de la vérité, le mécanisme de poursuites judiciaires, les réparations, les reformes institutionnelles et l’avenir du Burundi pour une réconciliation et une paix durables ;

3.      Le Comité de Pilotage Tripartite recommande que le Gouvernement du Burundi et les Nations Unies conviennent d’un calendrier de mise en place des mécanismes de justice de transition répondant ainsi aux attentes exprimées par les personnes consultées ;

4.      Le Comité de Pilotage Tripartite recommande de définir clairement les règles liées à la gestion future des archives de la Commission Vérité et Réconciliation et du Tribunal Spécial à leur disposition à la fin de leur mandat, principalement en termes de préservation et d’accès à ces archives essentielles pour la Nation.

5.      Le Comité de Pilotage Tripartite invite la Communauté Internationale à prévoir le financement nécessaire pour assurer le fonctionnement de la Commission Vérité et Réconciliation et du Tribunal Spécial dans le respect du calendrier qui sera adopté.

B.      Recommandations concernant la Commission Vérité et Réconciliation

Le Comité de Pilotage Tripartite recommande :

6.      Que les concepteurs de la Commission Vérité et Réconciliation et du texte portant création et fonctionnement de cette Commission tiennent dûment compte des conclusions du rapport des Consultations Nationales et conséquemment la dote d’un mandat et des moyens qui lui permettent de :

a)     Enquêter sur les violations graves des Droits de l’Homme et du Droit International Humanitaire ayant été perpétrées au Burundi depuis l’indépendance (le 1er juillet 1962) à la date de la fin de la belligérance (le 4 décembre 2008), autant sur les violations des droits civils et politiques que sur les violations des droits économiques et sociaux et également de se pencher sur la question des injustices économiques et sociales et autres discriminations qui ont pu alimenter la crise au Burundi[7] ; 

b)     Arbitrer et de réconcilier. A cette fin, au terme de l’enquête, la Commission arrête ou propose aux institutions compétentes des mesures susceptibles de promouvoir la réconciliation et le pardon, décide la restitution aux ayants droit des biens dont ils avaient été dépossédés ou arrête des indemnisations conséquentes, ou propose toute mesure politique, sociale ou autre visant à favoriser la réconciliation qu’elle juge appropriée[8] ;

c)     Enquêter sur les faits et les actes graves et interroger toute personne ou institution  en mesure de lui fournir des informations pertinentes, bénéficier de la coopération des services publics et avoir légalement accès aux archives des institutions publiques et privées essentielles à son travail, et prendre les mesures nécessaires pour pouvoir garantir la protection des victimes et des témoins ;

d)     Etre une institution indépendante de tout pouvoir, national ou international, neutre dans son fonctionnement et crédible aux yeux de la population, notamment par la définition claire du processus de sélection des membres et les caractéristiques générales ou le profil idéal des commissaires tel que défini dans les conclusions du présent rapport ;

e)     Etre sensible aux questions ethnique et genre, à travers la promotion de la parité dans sa composition, tant au niveau des commissaires que de l’administration de la Commission ;

f)       Prendre les décisions opérationnelles appropriées afin de pouvoir prêter une attention particulière dans ses enquêtes et dans les mesures et les remèdes qu’elle aura à proposer, aux groupes vulnérables et aux minorités, tout particulièrement aux violations des droits des femmes et des enfants, aux victimes de violences basées sur le genre et aux populations victimes de discrimination et établir des procédures spéciales pour ces groupes ;

g)     Avoir la latitude de décider selon les cas, des noms qui seraient divulgués, en tenant compte de la complexité du problème en termes de respect des Droits de l’Homme et de la protection des personnes et de la présomption d’innocence ;

h)     Laisser, pour les mêmes raisons, cette latitude à la Commission en ce qui concerne la problématique de l’huis clos ;

i)        Clarifier l’Histoire du Burundi en remontant aussi loin que possible pour éclairer le peuple burundais sur son passé. La clarification a pour finalité de réécrire l’Histoire du Burundi afin de permettre aux Burundais d’en avoir une même lecture ;

j)       Proposer des mesures visant la mise en place d’un programme de réparations qui tiennent compte du contexte burundais ;

k)      Publier les conclusions de ses travaux et de proposer la création d’un mécanisme de suivi en impliquant toutes les parties concernées[9] dans le contrôle et la mise en œuvre des recommandations ;

l)        Proposer des mesures et procédures visant la réconciliation tout en restant dans les limites strictes des normes et principes internationaux en matière de lutte contre l’impunité, notamment en ce qui concerne le traitement des présumés auteurs de crimes de Droit International, en particulier en matière d’amnistie ;

m)    Proposer dans ses recommandations, les mesures de réformes des institutions nécessaires afin que ces évènements graves du passé ne se reproduisent plus, proposer des procédures adéquates et engager les acteurs concernés afin que ces réformes soient effectivement mises en œuvre.

C.   Recommandations concernant le Tribunal Spécial

Le Comité de Pilotage Tripartite recommande :

7.      Que les concepteurs du Tribunal Spécial et du texte portant création et fonctionnement de ce Tribunal tiennent dûment compte des conclusions du rapport des Consultations Nationales et conséquemment le dote d’un mandat et des moyens qui lui permettent de :

a)      Traduire en justice les responsables des crimes graves selon le Droit International afin de mettre fin à la tradition d’impunité et donner la parole aux victimes en se conformant aux critères et standards les plus élevés en matière d’indépendance, d’impartialité, et de compétence ;

b)      Assurer de la mise à la disposition des accusés d’une défense qualifiée ;

c)      Mettre sur pied un programme performant d’assistance aux victimes et de protection des témoins en tenant compte de la dimension genre ;

d)      Contribuer au renforcement de l’Etat de Droit en appuyant la réforme des institutions judiciaires et en faisant bénéficier de son savoir faire et de sa jurisprudence les juridictions nationales, poursuivant ainsi les efforts entrepris pour renforcer l’État de Droit dans le pays et rendre justice aux victimes.

[...]


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