Après une accalmie d’une année, les assassinats d’albinos reprennent au Burundi
Sécurité

APA, 01-11-2010

Bujumbura (Burundi) - Les meurtres rituels contre des albinos ont repris ces derniers jours au Burundi après une accalmie d’une année, a la suite de l’enlèvement et de l’assassinat d’un enfant de dix ans, le 18 octobre dernier, dans la localité de Makamba (sud - est du pays), à la frontière avec la Tanzanie.

Issu d’une famille burundaise récemment rapatriée, Eric Nduwimana a été enlevé, dans la nuit de vendredi au samedi du 18 octobre, alors qu’il se trouvait, cette nuit-là, chez son grand-père.

Les ravisseurs, estimés au nombre de dix, étaient armés de fusils et de machette. Ils ont ligoté tous les membres de la famille avant de passer à l’opération d’enlèvement.

Ils ont emporté l’enfant, mais aussi 100.000 Francs burundais (FBu) que le grand -père avait perçu en guise de dot pour sa fille.

Ils ont alors pris la fuite en direction de la Tanzanie voisine, vers la région de Kigoma.

Le corps de l’enfant a été retrouvé deux jours après, démembré, baignant dans la rivière Malagarazi qui sépare le Burundi et la Tanzanie.

Le porte parole de la police burundaise, Pierre Channel Ntarabaganyi , a indiqué à la radio nationale en début de semaine, que des suspects burundais et tanzaniens on été appréhendés dans cette affaire et que la police attendait les procédures de transfert des suspects pour entamer les interrogatoires .

L’autre cas de meurtre d’albinos a été perpétré le 10 octobre dans le Nord du pays où un jeune albinos de 14 ans avait été démembré puis tué par un groupe de malfaiteurs venant du Rwanda voisin, comme l’ a révélé la police. Cependant, aucun d’entre eux n’a été appréhendé.

Le 2 mai dernier, une mère de 28 ans et son fils de 4 ans, tous deux albinos, vivant dans la commune de Cendajuru (province de Cankuzo), près de la frontière tanzanienne, avaient été aussi tues et démembrés signale l’ONG canadienne « Under the same sun (Sous le même soleil).

Les autorités policières et judiciaires du Burundi croyaient, en effet, avoir mis fin à ces crimes barbares perpétrés par des tueurs ou des hommes facilement manipulables en quête d’argent.

En effet depuis le mois de mai 2009, quand a eu lieu le procès de11 personnes accusées d’avoir tué des albinos en province Ruyigi frontalière avec la Tanzanie (à 200 km à l’Ouest de la capitale), aucun autre cas d’assassinat d’albinos n’avait été enregistré jusqu’ en mai 2010.

A cette période, huit personnes accusées d’assassinats et tentatives d’assassinats d’albinos avaient écopé de peines allant de un an de prison à la perpétuité.

La plupart des observateurs du procès avaient déploré le fait qu’ aucun commanditaire de ces assassinats n’avait été poursuivi.

Ces derniers seraient des sorciers tanzaniens qui utilisent les parties du corps des albinos dans la fabrication des gris-gris qu’ ils proposent comme porte bonheur à leurs clients pêcheurs ou orpailleurs.

Par exemple un bras coûterait jusqu’à 2000 euros, selon les informations recueillies dans la presse tanzanienne.

L’ignorance est à la base de ces assassinats. Le fait que deux personnes noires puissent mettre au monde un enfant de peau blanche est considéré comme diabolique par la plupart des ‘’sorciers assassins d’albinos’’.

Le président d’Albinos sans Frontières (une association burundaise des albinos), Kassim Kazungu, explique que le pouvoir burundais devrait prendre l’exemple sur le voisin tanzanien où l’on est parvenu a maîtriser ces assassinats rituels.

Selon des informations en provenance de ce pays, s’il est vrai que le gouvernement a pu instaurer une peine capitale de pendaison pour les personnes coupables d’assassinats d’albinos, son application reste encore très limitée. Plusieurs assassinats restent encore impunis.

Par ailleurs, le gouvernement tanzanien maintes fois critiqué pour son ‘’incapacité’’ à protéger les albinos, a finalement pris au sérieux le problème et lancé une campagne nationale de dénonciation anonyme visant à recueillir auprès de la population des renseignements sur des assassins présumés d’albinos.

Il a également effectue un recensement des albinos et mis en place un service policier qui escorte les enfants lorsqu’ils se rendent à l’école. En cas d’attaque, certains ont été équipés de téléphones portables afin de prévenir rapidement la police.

Selon les observateurs, la question de sécurisation des albinos doit être prise au sérieux également au Burundi voisin de ce pays. Le problème de la sécurité des albinos se pose pour toute la population burundaise.

En effet, cette période postélectorale est caractérisée par une insécurité grandissante où il ne se passe une nuit sans que des personnes ne soient tuées par « bandits armés » qui violent, pillent et tuent.

Il est toujours difficile de déterminer le nombre d’albinos au Burundi> Malgré les appels lancés par leur association, des actions en faveur de ces personnes souffrant de manque de mélanine restent minimes.

Les albinos restent exposés à des maladies (cancer de la peau, des problèmes de vision) à l’ignorance et à la discrimination.