Geneviève Pécréaux : la maison à Rousies, le cœur au Burundi
Société

La Voix du Nord, 21.11.2010

La roséenne Geneviève Pécréaux a vécu quarante ans au Burundi.Geneviève Pécréaux a vécu près de quarante ans au Burundi, où elle était enseignante. Revenue à Rousies, sa ville natale, en 2007, elle a gardé des liens étroits avec ce petit pays d'Afrique.

C'est une petite dame souriante et énergique qui cache bien ses 71 ans. Geneviève Pécréaux se prend souvent la tête à deux mains lorsqu'elle raconte « son » Burundi. Pensez donc : balayer comme ça quarante ans de vie dans ce pays coincé entre le Rwanda au nord, la Tanzanie à l'est, la république démocratique du Congo à l'ouest et le lac Tanganiyka au sud...

C'était en 1964, elle avait 25 ans : après deux ans dans l'enseignement à Rousies et avec un certificat d'études littéraires en poche, Geneviève décidait d'aller enseigner en Afrique.

Elle se souvient qu'adolescente, une sœur blanche du Mali venait parfois visiter sa maman et pense que, peut-être, ça lui est venu de là. L'Afrique, « par rapport à la rue de la Vaqueresse à Rousies, c'était quand même une aventure », sourit-elle. Le Burundi, c'est à Lourdes, dans un centre international de formation pour chrétiens où elle a passé deux ans afin de se préparer, qu'elle en entend parler, de la bouche d'un « grand évêque tutsi burundais ».

1964, donc : « Le Burundi venait d'être indépendant, J'ai été engagée par la coopération française jusqu'en 1971. » Elle enseigne dans le village de Ngozi, au nord, à des jeunes filles, dans un pays instable. Très instable. En 1971, elle est de retour en France, pour deux ans : « J'avais besoin d'un peu de recul. » Ca lui permet d'échapper aux terribles événements de 1972, les massacres entre Hutus et Tutsis. Elle se souvient de ces mots, dans une lettre adressée par une amie burundaise avec qui elle est toujours en contact aujourd'hui : « Geneviève, demain, je vais mourir. ». « Je n'avais qu'une envie, dit Geneviève Pécréaux, c'était d'y retourner. J'ai hésité parce que je me demandais si je pouvais le supporter. » Elle le fait en 1973, l'année où elle redevient enseignante.

Dans ses souvenirs, elle conserve entre autres, l'année 1993 : « C'était les premières élections démocratiques et un Hutu a été élu. Trois mois plus tard, un groupe militaire l'a assassiné. Les Hutus se sont dit "on va ne pas se laisser faire comme en 1972", ils se sont mis à massacrer les Tutsis. Il y avait une peur terrible, tout le monde se cachait, les Hutus d'un côté, les Tutsis de l'autre. J'avais trouvé refuge à l'évêché. » Elle n'assiste pas directement aux massacres mais les devine, et garde en mémoire « les gens avec des machettes qui couraient dans les rues ». Deux ans plus tard, la France rapatrie ses ressortissants, elle quitte un pays devenu « effrayant ». Pour mieux y retourner neuf mois plus tard.

Car Geneviève Pécréaux ne résume pas le Burundi à ses conflits : « L'image que j'en garde, c'est celle d'une grande chaleur humaine, un pays où je me suis sentie accueillie, très aimée par mes élèves ou par ces enfants orphelins qui continuent de m'écrire. J'ai souffert avec eux, avec les Hutus, avec les Tutsis. Et je supplie, je supplie les hommes politiques d'arriver à réconcilier ce peuple qui mérite de connaître la paix. »

Là-bas, elle a aussi trouvé « une seconde famille », qu'elle a quittée en 2007 en s'installant à Rousies. Et l'on sent bien que le retour en France, lié à son âge, n'a pas été facile : « Je l'ai choisi et assumé. Ça a été très dur mais je l'ai assumé. »

Elle est tout de même allée passer trois mois, en début d'année, dans sa famille burundaise « pour revoir tout le monde ». « C'était merveilleux. J'ai fait le tour du pays, ce que je n'avais jamais fait ! » A Rousies, sous son impulsion, les élèves des écoles Liémans et Pasteur se sont mis à correspondre avec leurs petits camarades Burundais. Elle conclut : « Je vis toujours au Burundi. J'essaie de m'intégrer en France. »

FLORENT MOREAU