Le vice-président de l'ANC Kgalema Motlanthe désigné chef de l'Etat
Afrique

@rib News, 22/09/2008 – D’après AFP et Reuters

Kgalema Motlanthe Le vice-président du Congrès national africain (ANC, au pouvoir en Afrique du Sud) Kgalema Motlanthe a été désigné lundi 22 septembre président de la République avec pleins pouvoirs en remplacement de Thabo Mbeki, démissionnaire, a indiqué le porte-parole du groupe parlementaire.

Kgalema Motlanthe "sera le nouveau président, pas un président par interim, il sera le président de la République (avec pleins pouvoirs) jusqu'aux élections" générales au 2ème trimestre 2009, a déclaré le porte-parole, K. K. Khumalo, à l'issue d'une réunion du groupe parlementaire au Cap.

Un président par interim n'aurait pu qu'expédier les affaires courantes du pays. Avec les pleins pouvoirs, Kgalema Motlanthe pourra constituer un vrai gouvernement de transition.

Incertitude politique

La démission de Mbeki, qui prendra effet à une date qui doit encore être déterminée par les députés sud-africains, marque une nouvelle étape dans la rivalité entre Mbeki et le président de l'ANC, Jacob Zuma, disculpé la semaine dernière dans une affaire de corruption.

Les proches de Zuma faisaient valoir que Mbeki avait orchestré ces poursuites judiciaires pour lui barrer la voie menant à la présidence.

"Je tiens à répéter que ni le président, ni le gouvernement n'ont tenté d'influencer le travail du ministère public", a affirmé Mbeki dimanche soir. "Je ne suis jamais intervenu pour dire au ministère public qui il devait poursuivre", a-t-il ajouté.

En signe de solidarité, plusieurs ministres pourraient imiter Mbeki, qui avait succédé à Mandela en 1999. Parmi les démissionnaires vraisemblables figure notamment Phumzile Mlambo-Ngcukala, la vice-présidente.

Un exode politique massif de ministres pourrait paralyser le gouvernement de transition et contraindre le parlement du Cap, dominé par l'ANC, à s'auto dissoudre et provoquer des élections législatives anticipées.

La presse sud-africaine évoquait également ce week-end la possibilité d'une scission au Congrès national africain.

Zuma et d'autres dirigeants de l'ANC oeuvrent en coulisses à maintenir le gouvernement actuel, où le ministre des Finances Trevor Manuel - très respecté des marchés - a déclaré qu'il resterait, le temps de la transition.

"Nous souhaitons que le cabinet reste. Nous serions vraiment heureux si les membres du gouvernement restaient en poste", a déclaré dans ce sens Phosa, le trésorier général du parti.

Quoi qu'il en soit, la période politique qui s'ouvre en Afrique du Sud est lourde d'incertitudes.

Bien qu'on lui ait reproché d'avoir trop ignoré certaines réalités comme la pauvreté, la criminalité et le sida, Mbeki a présidé à une décennie de croissance soutenue sans précédent dans l'histoire du pays.

Zuma est perçu par les investisseurs, inquiets, comme un dirigeant n'ayant pas fait ses preuves, à un moment où la plus grave crise politique jamais connue par l'ANC depuis la fin de l'apartheid, en 1994, vient se greffer sur un ralentissement notable de l'économie.

Chef de l'ANC depuis fin 2007, Zuma a beau assurer que les grandes lignes de la politique du gouvernement resteront inchangées, son positionnement à gauche donne des sueurs froides aux marchés.

Les investisseurs redoutent qu'il coupe l'ANC de son aile conservatrice et économiquement libérale et renforce le poids des syndicats et du petit mais influent Parti communiste.

La scission de l'ANC évoquée par la presse risque d'accentuer leur prévention.

Selon le Sunday Times, le ministre de la Défense Mosiuoa Lekota, son adjoint Mluleki George et d'autres dirigeants fidèles à Mbeki se réuniront sous peu pour jeter les bases d'un nouveau parti.

"Je ne suis pas en mesure d'en parler à ce stade, mais vous en saurez plus dans quelques jours", a déclaré à ce sujet George, interrogé par le quotidien dominical sud-africain.

Une scission porterait un rude coup à la toute puissance politique de l'ANC, déjà ébranlée par les rivalités incessantes des dernières années entre partisans de Mbeki et de Zuma, et risquerait d'amener l'ex-mouvement de libération à en revenir à ses 'fondamentaux' marxistes des années 1960-70, estiment les analystes.

Alors que Mbeki était accusé de délaisser les problèmes intérieurs pour les feux de la diplomatie internationale, l'ANC de Zuma donnera probablement la priorité à la lutte contre la pauvreté et le chômage, à la redistribution des richesses et à la nationalisation des grandes industries.

L'ANC privilégie ses intérêts aux dépens du pays

En contraignant le président sud-africain Thabo Mbeki à la démission, la nouvelle direction de l'ANC, le parti au pouvoir depuis la chute de l'apartheid en 1994, privilégie ses propres intérêts aux dépens de ceux du pays, estimait lundi la presse sud-africaine.

La décision du comité directeur du Congrès national africain (ANC), samedi, de retirer sa confiance dans le chef de l'Etat à cinq mois d'élections générales n'est "ni dans le meilleur intérêt du pays, ni dans celui du parti dans son ensemble", écrit le Business Day.

La démission conséquente du président, qui tire sa légitimité du parti et non d'un scrutin direct, constitue "ce que les partisans (du nouveau chef de l'ANC) Jacob Zuma croyaient être la meilleure solution pour accroître ses chances d'éviter le procès pour fraude et corruption, et donc de succéder à Mbeki", ajoute le quotidien des affaires.

"La véritable cause d'inquiétude (...) réside dans le fait que l'ANC a placé le parti avant les citoyens, une décision qui va avoir de lourdes conséquences à long terme pour chacun d'entre nous", renchérit le journal populaire The Star.

"Plutôt que de faire ce qui aurait été décent et d'attendre que la justice décide de la culpabilité ou de l'innocence de Zuma (...), le parti a renvoyé le président et lancé le pays dans une descente vertigineuse", selon l'éditorialiste du Star.

Le comité directeur de l'ANC affirme avoir poussé M. Mbeki à la démission afin de rallier derrière un seul dirigeant une formation profondément divisée depuis que son rival Zuma l'a évincé de la tête du parti en décembre 2007.

Il a également justifié sa décision par les "interférences politiques" dénoncées par un juge de Pietermaritzburg (sud-est) dans les attendus d'un non-lieu prononcé le 12 septembre dans un procès pour corruption contre M. Zuma.

Les partisans du chef de l'ANC ont toujours affirmé que les déboires judiciaires du tribun zoulou tenaient d'un complot orchestré au plus haut nivveau de l'Etat pour barrer à M. Zuma la route de la présidence.

La décision démontre en outre que le pouvoir au sein de l'ANC réside désormais chez les puissants alliés de M. Zuma, liant les mains de ce dernier, ajoutent les journaux.

"Le parti a montré qu'en cas de crise - et celle-ci est particulièrement sérieuse - le nouvel équipage de camarades n'est pas une force fiable", écrit le Star. "Plutôt que d'attendre un peu dans l'intérêt du pays, l'ANC a décidé de faire chavirer le navire".

Mais, avertit le quotidien, "quand ils vont reprendre le cap, nous n'avons pas la moindre idée de là où ils vont nous mener".

Pour le Business Day également, "les têtes brûlées de l'alliance tripartite (l'ANC est alliée au gouvernement avec le parti communiste et la confédération syndicale Cosatu) ont obtenu gain de cause".

"Le parti communiste et le Cosatu, notamment, misent sur Zuma depuis des années, il est donc impensable qu'ils ne reçoivent pas en retour une énorme influence au sein de l'alliance. Zuma est plus endetté que jamais vis-à-vis d'eux, et cela ne prendra guère de temps avant qu'ils ne réclament leur dû".