Viols et assassinats en hausse au Burundi
Droits de l'Homme

Tribune des droits humains, 24 septembre 08

David Nahimana, Président de la Ligue ItekaDe passage à Genève pour la 9ème session du Conseil des droits de l’homme, David Nahimana, président de la Ligue burundaise des droits de l’homme explique les raisons de cette recrudescence de violence. Interview.

Propos recueillis par Carole Vann

La principale ligue burundaise des droits de l’Homme, Iteka, a recensé plus de 640 cas d’assassinats au Burundi en 2007, un chiffre en hausse par rapport à 2006. Et ce, alors que, lors de cette 9ème session du Conseil des droits de l’homme, les Etats devaient décider du renouvellement du mandat du rapporteur spécial pour le Burundi.

Raison pour laquelle David Nahimana, président de Iteka, est venu à Genève plaider le maintien de l’œil de l’ONU dans son pays. Interview.

Comment expliquez-vous la recrudescence de la violence au Burundi depuis 2 ans ?

L’insécurité est liée à la détention illégale d’armes. Sur plus de 100’000 armes qui circulent dans la population, seulement 5’000 ont été remises aux autorités. Nos enquêtes montrent que 55% des assassinats et meurtres ont été commis avec des armes à feu, ce qui démontre la forte nuisance de leur libre circulation.

Les violences sexuelles envers les enfants et les femmes prennent aussi une ampleur inquiétante, ainsi que les cas de torture dans les cachots de police. En 2008, nous avons recensé plus de 301 cas de tortures et 455 cas de viols.

Cette insécurité augmente avec le pouvoir d’achat qui dégringole dramatiquement et la paupérisation qui touche toutes les couches de la population.

Le rapporteur spécial sur le Burundi au Conseil des droits de l’homme a relevé la volonté du gouvernement de coopérer avec l’ONU. Le Burundi s’est même désolidarisé des autres pays africains en 2007 en demandant le renouvellement du mandat de l’expert de l’ONU. Cela semble en contradiction avec une répression des libertés que vous relevez dans vos rapports. Comment l’expliquez-vous ?

En effet, jusqu’à ces derniers mois, le gouvernement montrait une ouverture envers les défenseurs des libertés. Le secrétaire d’état s’était même déplacé l’année passée pour rencontrer les représentants de la société civile.

Mais malgré cette bonne volonté du gouvernement, la situation ne s’est pas améliorée. Il faut dire que, même si les affrontements armés entre rebelles et armée gouvernementale ont cessé, la mise en application de l’accord de cessez-le-feu piétine.

Et je pense que, à l’approche des élections qui auront lieu en 2010, le pouvoir ne veut pas que l’on continue à dénoncer les situations des droits de l’homme. Raison pour laquelle les exactions à l’encontre des défenseurs des libertés s’amplifient. Tout récemment, trois membres de notre Ligue Iteka ont été appelés à comparaître au parquet suite à des informations mensongères diffusées par une radio locale. Et un journaliste ainsi qu’un responsable syndical ont été emprisonnés sans jugement.

Durant cette 9ème session du Conseil, le Burundi a beaucoup hésité à soutenir le renouvèlement du mandat de son rapporteur spécial. Pourquoi ?

Je ne peux en voir la cause que dans la configuration géopolitique des pays au Conseil. Si, dans les pays voisins, la RDC par exemple, le mandat a été stoppé, c’est moins évident pour le Burundi de déclarer qu’il veut garder son rapporteur.

Le gouvernement burundais a-t-il pris des mesures concrètes pour endiguer la violence dans le pays ?

Une commission de désarmement a été mise en place, mais elle n’est pas encore opérationnelle. Le problème au Burundi est que les soldats démobilisés détiennent toujours leurs armes. Et il y a toutes celles qui circulent depuis plus de dix ans.

Concernant les violences sexuelles, un texte de loi a été déposé sur la table du parlement burundais qui demande que les responsables soient sévèrement punis.

Il est question d’instaurer une Commission Vérité Réconciliation. Comment voyez-vous ce mécanisme et quelles sont les attentes du Burundi face à la communauté internationale ?

On ne peut parler de réconciliation sans justice. Il faut que les victimes soient indemnisées et que les responsables soient punis. Nous avons besoin d’appuis logistiques et d’assistance technique pour la mise en place de mécanismes de justice transitionnelle, cela pour faire face aux problèmes d’impunité qui minent le pays.