Burundi : La stabilité dépend du succès de la réintégration des rapatriés
Analyses

Refugees International, 1 Octobre 2008

 Le Burundi doit faire face à d’importants défis pour réintégrer les réfugiés qui ont passé des décennies en exil. Pour assurer une stabilité durable, le gouvernement du Burundi devrait aborder de façon plus volontariste les questions relatives à la terre et à la propriété entre les rapatriés et les résidents; de même, les pays donateurs devraient renforcer les structures gouvernementales locales et les aider à relancer les services et les activités de subsistance pour les rapatriés.

Un processus de retour complexe

Plus de 420,000 burundais qui ont fui des conflits successifs pour trouver refuge en Tanzanie, ont commencé à retourner dans leur pays depuis janvier 2002. Nombreux parmi ceux qui sont revenus dans les mois récents, ont dû quitter la Tanzanie sous la pression du gouvernement tanzanien, malgré les signes évidents que le gouvernement burundais n’était pas prêt à réintégrer rapidement les rapatriés. Les personnes rapatriées récemment, sont parmi les plus vulnérables et sont moins en mesure de se prendre en charge que les réfugiés qui sont retournés au Burundi précédemment. Une preuve du manque de confiance croissant dans le processus de retour est que des centaines de réfugiés qui ont été enregistrés par l’agence des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) dans le cadre d’un rapatriement ont « disparu » entre janvier et juin 2008.

Il y a quatre catégories de rapatriés qui reçoivent et nécessitent différents degrés d’assistance. En premier, ceux qui ont fui en Tanzanie en 1972 quand la guerre civile a éclaté au Burundi. Ils reçoivent une petite indemnité de 45 dollars en liquide quand ils retournent au Burundi, et ont l’autorisation de transporter 100 kg de bagage par personnes. Sur les 72,700 burundais qui sont déjà retournés en 2008, 15,000 font partie de cette première catégorie. Au total, on estime à 45,000 personnes, le nombre de réfugiés partis en 1972 et qui devraient retourner dans leur pays d’ici l’année prochaine. La seconde catégorie de réfugiés est celle des personnes qui ont fui en 1993. Ils sont considérés comme étant moins auto-suffisants, et reçoivent donc une ration alimentaire pour 6 mois, d’autres fournitures, et les 45 dollars de d’indemnité.

Une troisième catégorie comporte les rapatriés volontaires qui ont décidé de retourner chez eux par crainte d’être expulsés par la force ou dans l’espoir de retrouver leur terre et leurs biens dans un Burundi récemment pacifié. Durant leur voyage de retour, de nombreuses personnes ont été victimes de harcèlement et d’extorsion par les patrouilles frontalières, y compris le viol des femmes et des filles. Enfin, les personnes qui n’étaient pas légalement réfugiées et qui sont expulsées de Tanzanie par la force. Initialement invitées par le gouvernement tanzanien à s’annoncer, avec l’espoir d’être intégrées localement, ces personnes étaient par la suite expulsées du pays sans préavis ou sans avoir le temps de récupérer leurs affaires ou leurs documents. Les plus vulnérables parmi ces deux catégories de personnes reçoivent de l’aide à leur retour, de façon très aléatoire.

Problèmes de réintégration

Sous la pression du gouvernement tanzanien, les autorités burundaises ont visité des camps en Tanzanie et promis aux les réfugiés qu’ils recevront des terres et de l’aide s’ils retournent. Cependant le niveau d’effort actuel du gouvernement et des autres acteurs n’est pas suffisant. Les difficultés commencent durant le processus de retour. Les sites de transit sont bondés, notamment le site de Mabanda, que Refugees International a visité récemment. Ce site est censé recevoir un millier de personnes pour 2 ou 3 jours, mais au lieu de cela, des familles sont bloquées là pour plus de 2 mois. 600 personnes vivent dans le centre de façon permanente, tandis que des convois de centaines de personnes transitent par le centre chaque semaine.

Les personnes restent bloquées dans les centres de transit parce qu’elles sont incapables d’accéder à leurs terres et maisons. Dans de nombreuses régions du Burundi, spécialement dans les provinces du sud, de Bururi et de Makamba, un des gouvernements précédents a encouragé les gens provenant d’autres régions à occuper les terres restées inoccupées. Ainsi, alors que ceux qui ont fui en 1993 ont eu plus de succès à récupérer dans leurs terres et leurs maisons, les autres, spécialement ceux qui sont partis en 1972, ont retrouvé leurs terres occupées. Les rapatriés qui ont identifié leurs biens et qui ne peuvent pas les récupérer, campent à ciel ouvert ou occupent des bâtiments publics (écoles, bureaux municipaux), en attendant qu’une solution soit trouvée. L’encombrement des sites et l’installation anarchique des familles laissent de nombreuses personnes vulnérables aux épidémies et aux incidents de sécurité.

Renforcer la Commission des terres et autres biens et prendre des décisions politiques

Le gouvernement aborde le problème foncier, par le biais d’une commission mandatée pour aider les rapatriés à récupérer leurs terres ou à se reloger ailleurs. Trouver des solutions reste un défi à cause du manque de terre, et aussi du fait que pour la majorité des burundais, la terre est la première ressource économique, mais elle constitue également une forme de richesse culturelle parce que la parcelle familiale est vue comme le symbole de l’identité familiale et ethnique.

La commission est débordée par le nombre de conflits territoriaux. A Macamba, par exemple, la commission territoriale de la province reçoit entre 20 et 50 cas par semaine, mais seulement 5 à 10 cas sont résolus. De plus, la commission n’a pas la décision finale, parce que les solutions qu’elle propose peuvent être attaquées en justice. Ceci résulte en un encombrement du système judiciaire, dans la mesure où 70% des cas traités sont relatifs à des conflits fonciers. Une législation spécifique est nécessaire pour résoudre au moins les conflits fonciers qui résultent de la décision du gouvernement de redistribuer les terres de ceux qui avaient fui les violences en 1972.

Le gouvernement a décidé de construire de nouveaux villages pour les rapatriés les plus vulnérables qui sont incapables de récupérer leurs propriétés et pour un petit nombre de familles vulnérables qui sont encore déplacées internes. Refugees International a visité le “village de paix” de Muriza dans la province de Ruyigi, où 98 maisons ont été construites pour accueillir des ménages dirigées par des femmes. Pour éviter les erreurs du passé, le villages a été construit près des services publiques comme les écoles, les centres de santé, les sources d’eau potable, et chaque famille reçoit une terre arable. Selon les autorités locales, ce village va être administrativement structuré comme d’autres villages dans le pays, mais créer des villages uniquement pour les personnes vulnérables posent la question de leur viabilité économique.

Moyens de subsistance et éducation

Les programmes financés par le gouvernement et les donateurs doivent créer des opportunités dans le domaine agricole mais tout aussi dans d’autres secteurs d’activités. Cependant, l’effort de réintégration actuel est concentré sur le fait de fournir des terres et de créer des activités de subsistance basées sur l’agriculture pour les rapatriés, et ce avec une considération limitée pour d’autres options. De nombreux rapatriés, spécialement ceux qui sont nés dans les camps en Tanzanie, cherchent la possibilité d’utiliser d’autres capacités par le biais de microcrédits ou d’autres programmes de subsistance, mais ces programmes ne sont pas encore mis au point. Les programmes de relance des activités de subsistance doivent refléter le fait que l’agriculture n’est par toujours l’activité préférée par les rapatriés.

L’éducation est censée être gratuite au primaire et pour les deux premières années de l’école secondaire. Mais les écoles sont bondées et les enfants rapatriés qui ne paient pas les frais de scolarité, ne sont pas admis. Des enseignants d’écoles primaires ne sont pas formés pour les écoles qui sont en train d’être construites et les donateurs ne financent pas l’école secondaire. Le taux de scolarisation des filles rapatriés est plus bas que celui des autres filles dans la population. Il est inquiétant de constater que des enfants et des jeunes parmi les rapatriés abandonnent l’école pour rejoindre le groupe militaire rebelle du Front National de Libération (FNL) dans le but de bénéficier des dividendes de la démobilisation. Développer des opportunités économiques pour les jeunes doit être une priorité.

Le Burundi fait face à des difficultés de réintégration qui sont typiques des situations de retour à grande échelle. Puisqu’ils vivaient depuis des années dans des camps de réfugiés, de nombreux rapatriés sont devenus dépendants de l’aide extérieure, et se retrouvent à présent dans une situation où ils doivent se prendre en charge eux-mêmes. De plus, des tensions naissent entre les rapatriés, les personnes déplacées internes, et les résidents, parce-que ces deux derniers groupes, qui sont aussi vulnérables ne reçoivent pas d’aide. Pour prévenir une augmentation de la tension, il est crucial que le processus de retour profitent à la communauté toute entière aussi bien qu’à ses membres les plus vulnérables.

Recommandations

Le gouvernement du Burundi devrait augmenter la capacité de la Commission des terres et autres biens, incorporer les mécanismes de résolution des conflits développés localement, et légiférer sur les cas des terres distribuées par l’Etat après 1972.

Le gouvernement du Burundi devrait investir dans le développement des services de base, la création d’activités de subsistance, et des programmes de développement économique à long terme dans les zones où les rapatriés sont nombreux.

Les pays donateurs devraient fournir une assistance technique plus importante aux les structures décentralisées de l’Etat et maintenir les niveaux de financement pour les activités de relèvement.

L’UNHCR devrait travailler étroitement avec le gouvernement du Burundi pour faciliter la cohésion sociale et la création de structures communautaires au sein des programmes “villages de la paix”.

Les défenseurs Mpako Foaleng et Andrea Lari ont évalué la situation des rapatriés au Burundi au mois d’août.

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