Les révélations internes sur la corruption du Cndd-Fdd ne datent pas d’hier
Opinion

@rib News, 22/03/2011

Avant Manassé Nzobonimpa, il y avait Daniel Kabuto

Thierry UwamahoroPar Thierry Uwamahoro.

« Durant ce mandat [2005 – 2010] qui s’est terminé (…), il y a eu des erreurs, du clientélisme et de la corruption dans le choix des cadres pour des postes stratégiques. Les militants compétents et intègres ont fait profil bas devant des opportunistes et des pilleurs sans scrupules…Si rien ne change, le ver qui pourrira le fruit CNDD-FDD sortira de l’intérieur ». Propos de Manassé Nzobonimpa, début mars 2011 ? Vous avez deviné faux ! Il s’agit d’un éditorial (Le Burundi : une démocratie menacée par les pêcheurs en eaux troubles) de Daniel Kabuto, paru en septembre 2010 sur les sites abarundi-info.com et abarundi.bi; sites du – ou très proches du - parti présidentiel CNDD-FDD.

Quoique ces mots soient passés presque inaperçus, Daniel Kabuto qui les mettait en ligne n’était pas n’importe qui durant ce mandat qui venait de s’écouler; un mandat que l’auteur décrit comme caractérisé par « la corruption » et dominé par « des pilleurs sans scrupules ». Daniel Kabuto sait de quoi il parlait ayant servi comme porte-parole du 2ème Vice-président de la République en charge des questions économiques durant ce mandat. Compte tenu de son statut, on comprend vite qu’il ne se serait pas permis d’accuser gratuitement des cadres (membres du CNDD-FDD) qui occupaient des « postes stratégiques » d’être des « pilleurs sans scrupules » sans qu’il ait des preuves tangibles et dispose des noms.

La différence entre les récentes révélations du Colonel Représentant du Peuple Manassé Nzobonimpa et les écrits de Daniel Kabuto (et des sites burundi-info.com et abarundi.bi) est que cet ancien freedom fighter est allé au-delà des généralités et a donné des noms (quoi que l’on doit respecter la présomption d’innocence) et parle des cas de corruption bien connus.

Si Mr. Kabuto, il y a six mois, dénonçait généralement ces « pilleurs sans scrupules » et que très dernièrement l’honorable Nzobonimpa le complète et nous délivre les noms des présumés coupables; c’est que dans le parti des Bagumyabanga, il y a des individus qui veulent en découdre avec ce « fameux groupe » qui tient le parti  -et par extension- le pays en otage. C’est qu’il existe des Bagumyabanga qui croient véritablement dans un Burundi ou la « tolérance zéro » signifie que l’on ne tolère aucun acte de corruption et qu’il n’y aura personne hors de la portée des griffes de la tolérance zéro contre la corruption. Ils demandent des actions concrètes accompagnant la belle rhétorique.

L’honorable Nzobonimpa, quoiqu’en proie de devenir l’homme politique Burundais le plus populaire, ne pourra pas « sauver » le pays par lui seul. Il faudra que d’autres Bagumyabanga sortent de leurs coquilles et confrontent les « pilleurs sans scrupules ». Il faudra que les Daniel Kabuto se joignent à ces pilotes Libyens qui, au lieu d’exécuter les ordres du Guide de bombarder les paisibles citoyens, ont préféré atterrir leurs bombardiers au Malta en contestation.

Entretemps, il semble que certains au sein du parti au pouvoir condamnent l’honorable Nzobonimpa pour avoir amené les linges sales dans le lavabo public. Curieusement, ces linges sales semblent avoir restés à la maison des années durant et rien n’indique que la lessive allait se faire dans un temps futur prochain. Le linge sale à la maison  risquait de dégénérer en linge moisi ! Plus pertinemment, les dossiers de malversations économiques qui font objet des dénonciations du Colonel Nzobonimpa ne concernent pas (ou seulement) les cotisations ou les finances du parti CNDD-FDD, elles sont d’intérêt public. Ipso facto, Le lavabo public semble adéquat.

Si Mr. Kabuto concluait en septembre dernier que « si rien ne change, le ver qui pourrira le fruit CNDD-FDD sortira de l’intérieur »; ce qui est plus écœurant est que si les Bagumyabanga ne se défassent pas de la terreur des « pilleurs sans scrupules » et ne prennent pas les propos de l’honorable Nzobonimpa au sérieux, le ver qui pourrira le Burundi sortira du CNDD-FDD. Il est grand temps que les militants compétents et intègres ne fassent plus profil bas devant « des opportunistes et des pilleurs sans scrupules ».