Burundi : « Corruption : une gangrène au cœur du pouvoir », dit l’OAG
Analyses

@rib News, 14/04/2011

Burundi : la paix en sursis

Rapport d’observation de la gouvernance janvier-février 2011

Observatoire de l’Action Gouvernementale - Mars 2011

 Extraits :

[…] La succession des révélations sur les affaires de corruption, de l’ordre de milliards, font sérieusement douter du mot d’ordre lancé par le Président Pierre Nkurunziza sur la tolérance zéro à l’égard de la corruption. Si rien n’est fait pour redresser la barre, cet engagement solennel qui avait fait espérer une lutte véritable contre la corruption va se transformer simplement en  slogan que certains ont commencé d’ailleurs à tourner en dérision. Les révélations faites par le député Manassé Nzobonimpa, par leur précision et parfois leur caractère nominatif, ont montré ce que presque tout le monde savait. La corruption a touché le cœur du pouvoir. Ce sont les puissants qui s’assurent de l’impunité. Sans préjuger de l’exactitude des déclarations qu’il a faite, le sort qui a été réservée à la personne qui dénonce, c’est-à-dire l’exclusion du parti au pouvoir est un signe qui ne trompe pas. Les petits poissons peuvent être arrêtés, et là encore, mais toute la protection est garantie aux puissants.

Plusieurs dossiers nouveaux et anciens ont été révélés par l’OLUCOME et d’autres organisations. On peut juste rappeler quelques dossiers des plus importants : l’affaire de cahiers ougandais, l’acquisition de matériel militaire, dont une partie était défectueuse, par le ministère de la défense et des anciens combattants , l’attribution du marché des lubrifiants par le Ministère de la Sécurité Publique, déjà à une société qui n’existait pas encore, et qui recèle des conflits d’intérêt par ses actionnaires, l’affaire INTERPETROL qui est remise à la surface chaque fois qu’on la croit enterrée, le fameux contrat annulé, mirobolant et irrégulier avec la société américaine qui garde tous ses secrets. Ces dossiers constituent certainement la partie visible de l’iceberg, ceux qui ont la malchance de tomber sous le regard indiscret de fouineurs de la société civile ou d’autres fonctionnaires encore probes. La corruption est devenue tellement visible, fréquente que certains partenaires du Burundi présents dans le pays, poseraient chaque jour cette question à leur collègues burundais « quelle est la nouvelle affaire du jour ? ».

Les révélations de Manassé Nzobonimpa permettent d’aboutir à une conclusion importante, lorsque ce dernier se pose la question  sur l’origine des biens que possèdent certaines personnes mises en cause, dont pourtant les ressources sont connues. C’est que la corruption n’est pas un délit au Burundi pour les puissants est qu’ils peuvent procéder au blanchiment de l’argent acquis au su  et au vu de tout le monde, en toute impunité. […]

[…] Conclusion

Le syndrome lié au chahut des élections de 2010 est en train de ronger les institutions de la République. Progressivement l’insécurité croît, les espaces démocratiques se rétrécissent et les pouvoirs publics s’enfoncent dans une logique autoritaire et répressive. La loi d’airain prend le dessus sur le dialogue, ainsi en réponse aux attaques perpétrées contre des positions policières, des membres du FNL sont arrêtés, parfois exécutés.  Le pays s’enfonce progressivement dans une logique de violence qui sous peu de temps peut dégénérer en une guerre générale ouverte. En dépit de nombreux appels au dialogue politique, celui-ci ne parvient pas à démarrer, faute de volonté politique. Pourtant, l’amorce d’un dialogue ouvert entre tous les protagonistes politiques est la seule voie d’inverser la tendance est de redonner une chance à la paix et à la démocratie.

Le choc électoral a aussi affecté les institutions de la République. Le potentiel de mécontentement généré notamment par la répartition des dividendes politiques, est en train de produire des secousses déstabilisatrices au sein des partis politiques, qui sont dans les institutions de la République. Parallèlement, ces remous font surgir un débat de fond sur les orientations et les programmes politiques ainsi que sur l’attitude des partis concernés face aux questions cruciales du pays et leurs rapports aux partenaires politiques.

La morosité politique ambiante  affecte les secteurs sociaux et économiques. Le budget voté, le plus élevé en valeur relative de l’histoire du pays, accuse un déséquilibre important, et était déjà déficitaire à son adoption. Pour tenir, le train de vie de  l’Etat doit subir une réduction drastique. Mais cet aspect n’est pas à l’ordre du jour des décideurs. Dans sa gestion, un des aspects sensibles sera la capacité de payer les fonctionnaires dans les délais. Si cela n’est pas le cas, cela risque de renforcer une grogne sociale, qui s’étend déjà à beaucoup de secteurs, et  qui est renforcé par un pouvoir d’achat qui s’effrite frénétiquement.

Le retour dans le chemin de la paix et du développement exige des initiatives courageuses des décideurs politiques. Des mesures urgentes s’imposent pour ramener l’Etat dans la voie du droit, et de revenir également à sa position de sujet du droit. Ces mesures doivent viser une nécessaire séparation des pouvoirs, en particulier un bon fonctionnement de la justice, pour notamment réprimer et dissuader les auteurs de corruption et de malversations économiques. Le Parlement doit aussi prendre le courage à deux mains pour jouer véritablement son rôle, sinon la proximité  qui le caractérise envers l’Exécutif, risque de ruiner, au moins pour un temps l’idéal de démocratie dans le pays ainsi que la confiance dans les institutions. Dans ce cadre, le Président de la République, devra faire de son mot d’ordre de tolérance zéro envers la corruption, une réalité vivante pour la tirer de l’univers du slogan, dans lequel beaucoup le situent déjà. A cet égard, toutes les mesures  qui s’imposent devront être prises pour assurer l’égalité de tous devant la loi. Pour réussir, des initiatives d’apaisement général sont nécessaires dans le cadre d’un dialogue social et politique ouvert et permanent pour aplanir les tensions qui rongent déjà  la société burundaise. Sinon, le Burundi sera exposé à des risques de régressions et de résurgence de la guerre. […]

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