Burundi : pour l’opposition "la situation a déjà dépassé les limites du tolérable"
Politique

@rib News, 19/04/2011

Mot liminaire de la conférence de presse tenue par la coalition ADC-IKIBIRI en date du mardi 19 avril 2011 à Bujumbura

Thème central : Insécurité et violations des droits de l’homme au Burundi

Mesdames Messieurs les journalistes, Mesdames Messieurs,

La mise en place des Institutions issues du processus électoral fortement biaisé dès le départ, marqué par de fraudes massives, s’en est suivi d’une situation sociopolitique très grave, caractérisée notamment par un renforcement des pratiques de mauvaise gouvernance démocratique, un renforcement des pratiques de corruption, d’exclusion, d’une insécurité et de violations graves des droits de l’homme.

L’Alliance Démocratique pour le Changement ADC-IKIBIRI dénonce une fois de plus les faits graves des tueries et d’assassinats à caractère génocidaire et d’autres violations des droits de l’homme qui visent en grande partie les militants des partis de l’opposition.

Conscient du fait que le pouvoir a une légitimité largement contestée par une grande partie de la population, il a opté pour un système répressif afin de faire disparaître les militants des partis de l’opposition et leurs leaders. 

Le flou politique qui s’étend sur le pays engendre une détérioration de la situation sécuritaire à grande échelle. Partout dans le pays, des groupes de tueurs constitués essentiellement des jeunes du parti présidentiel « Imbonerakure » et des éléments de la police présidentielle « Service National de Renseignement » opérant sous la complicité de certains éléments de la police commettent beaucoup d’actes criminels qui emportent régulièrement beaucoup de vies humaines.

Le Pouvoir en place issu des élections fraudées a par l’intermédiaire des services de police et de l’appareil judiciaire multiplié les actes de harcèlements, de menaces graves,  sur les leaders et les militants des Partis de l’opposition.  Que nombreux militants de l’opposition ou leurs dirigeants soient régulièrement les cibles de menaces de mort ou de harcèlements par des agents agissant pour le compte du pouvoir en place, particulièrement des agents du Service national de renseignement ou des milices « imbonerakure » du Parti au pouvoir, cela est devenu une routine. Il leur est régulièrement demandé de quitter l’opposition, faute de quoi ils subiront les pires malheurs, y compris la mort.

La peine de mort pourtant abolie dans le code pénal de la République du Burundi est aujourd’hui appliquée sans aucune forme de procès. Le Pouvoir en place issu des élections fraudées a, par l’intermédiaire des services de police et des services de renseignements, ou carrément par l’intermédiaire de tueurs à gage, multiplié les actions d’assassinats politiques et d’exécutions extrajudiciaires. Beaucoup de militants des Partis de l’opposition ont été retrouvés tués, jetés dans les rivières ou enterrés à la sauvette, alors qu’ils étaient détenus par la police.  Malgré le flagrant délit, la police a souvent nié les faits, et indiqué qu’elle ne connaissait pas les auteurs de ces assassinats, et attribue toutes ces morts à ceux qu’elle appelle les bandits armés. Nous citons parmi  beaucoup de cas,  celui de la colline Rweza en commune Kanyosha où trois personnes ont été sauvagement assassinées par les éléments de la police et du Service National de Renseignement.

Les tueurs à gage sans être inquiétés poursuivent les victimes même dans les hôpitaux. Monsieur HABARUGIRA Vianney a été fusillé en pleine journée à Kamenge en Mairie de Bujumbura. Heureusement qu’il n’est pas mort sur le champ même si ses bourreaux croyaient l’avoir achevé.  A ce drame macabre, ils viennent de commettre l’inconcevable en le poursuivant à l’hôpital Roi  Khaled pour l’assassiner. En effet, en date du 4 avril 2011 à 13h00 des gens en tenue civile armés de fusils ont pénétré l’hôpital et se sont dirigés dans la salle de réanimation à la poursuite de Vianney HABARUGIRA où il se trouvait. Le personnel de l’hôpital a crié au secours et les bourreaux n’ont pas pu l’achever.

Feu Félicien et Feu Prosper ont été assassinés et leurs cadavres ont été jetés près du marché appelé communément chez « Siyoni ». Des éléments de la police sont pointés du doigt dans cet assassinat. Les membres de la famille de feu Félicien et les gens qui ont participé à son enterrement en commune Mpanda ont subis des menaces de la part des jeunes du parti au pouvoir « Imbonerakure » pour avoir enterré un soit disant voleur, pour signifier cyniquement un militant de l’opposition. 

Les tueries commises par certains membres des services de l‘Etat sensés protéger la population démontrent à suffisance que la situation des droits de l’homme au BURUNDI est plus que préoccupante et devait attirer l’attention particulière de l’opinion nationale et internationale.

Actuellement, la situation est inédite : des dizaines de corps des membres du parti de l’opposition flottent dans la rivière RUVUBU et plus d’une vingtaine de personnes ont été tuées uniquement pendant la semaine du 10 au 17 avril 2011 par des gens issus des services de l’Etat équipés par l’argent du contribuable.

Les exactions commises à travers le pays spécialement dans les communes de KANYOSHA, ISALE, KABEZI de la province de BUJUMBURA et celles perpétrées dans les Communes KAMENGE et KANYOSHA en Mairie de BUJUMBURA sans que les hauts responsables n’en disent un mot démontrent à suffisance que la situation des droits de l’homme a déjà dépassé les limites du tolérable.

Comme ces crimes n’étaient pas trop, actuellement certains responsables des partis satellites du parti au pouvoir, qui se font avocat du diable, clament haut et fort que ce ne sont pas les membres des partis politiques de l’opposition qui meurent comme si c’était normal de tuer tout le monde sauf les militants des partis politiques greffés au CNDD-FDD.

Toutes les personnes tuées sont cyniquement baptisées par le régime de Bujumbura «voleurs, affamés, etc. ». 

L’ADC-IKIBIRI ne pense pas que ces choses puissent cesser surtout que même concernant les dossiers antérieurs, le Gouvernement  reste inerte  et muet au lieu de stopper ces crimes sans noms.

Face à cette inertie l’ADC-IKIBIRI risque de croire que c’est le régime en place qui couvre ces malfaiteurs comme ceux qui ont commandités et assassinés Ernest Manirumva, ancien Vice-Président de l’OLUCOME qui jusqu’aujourd’hui restent impunis, puisque manifestement le pouvoir en place ne veut pas les retrouver ou les punir.

Cela se justifie par le fait que même une marche manifestation pour réclamer la justice pour MANIRUMVA organisée par la société civile a été violemment empêchée par le Régime de Bujumbura en violation de la Constitution.

Après la description de cette situation qui est plus qu’inquiétante, la Coalition ADC-IKIBIRI demande au Président du Régime en place et à la Communauté Internationale ce qui suit :

1° Le Président du Régime en place, quelle que soit la façon dont il a été élu, se doit de comprendre qu’il a le devoir sacré d’incarner l’Unité Nationale et par conséquent d’assurer la sécurité pour tous les citoyens y compris ceux qui ne l’ont pas élu et de rompre son silence face aux tueries à caractère génocidaire à l’endroit des militants des partis de l’opposition et plus particulièrement les membres du parti FNL de RWASA Agathon.

2° L’ADC-IKIBIRI demande également au Président du Régime en place de limoger immédiatement et punir sévèrement bien de hauts responsables de l’Etat, des services de police et de sécurité, qui se rendent coupables des différentes graves violations des droits de l’homme connues ces derniers jours au Burundi.

3° L’ADC-IKIBIRI demande aussi au Président du Régime en place d’organiser une large consultation avec toutes les organisations politiques et sociales en vue de préparer un dialogue franc et sincère entre le pouvoir en place et ces organisations politiques et sociales en général, et en particulier  avec l’opposition politique constituée par l’ADC-IKIBIRI.

4° La communauté internationale qui est aussi garante du processus de paix au Burundi doit changer son comportement complice au Gouvernement du Burundi face aux tueries à caractère génocidaire à l’endroit des militants des partis de l’opposition et plus particulièrement les membres du parti FNL de RWASA Agathon.

5° Comme les services concernés se sont montrés incapables d’arrêter les massacres qui ont déjà pris une allure génocidaire, l’ADC-IKIBIRI demande à la communauté internationale de mettre sur pied une commission internationale indépendante pour identifier les planificateurs des crimes d’assassinat politique, de tueries de toute sorte et d’assassinat des défenseurs des droits de l’homme comme Ernest Manirumva, qui ont eu lieu ces derniers jours avant, pendant et après  les élections.

6° L’ADC-IKIBIRI demande à la communauté internationale d’exiger que le pouvoir en place initie dans l’immédiat un dialogue direct entre lui et les Partis de l’opposition, sous l’observation directe de la Communauté internationale et les organisations de la société civile.

Fait à Bujumbura le 19 avril 2011