Burundi : Les victimes de l’hécatombe de 1972 réclament toujours justice
Opinion

@rib News, 21/04/2011

L’opprobre de 1972 au Burundi : 39 ans déjà !

Par Mpfayokurera Egide

L’histoire nationale, du moins du côté du gouvernement, ignore ostensiblement l’hécatombe de 1972. Les familles brisées, décimées ou meurtries crient mais seul l’opprobre leur répond. On reste confondu et scandalisé par l’indifférence, pour ne pas pointer l’éternel doigt accusateur vers la communauté internationale face à cet autre génocide d’avril.

Tout commença dans la nuit du samedi 29 avril 1972, alors qu’à midi, le président Micombero venait de révoquer son équipe ministérielle afin de réaliser en toute quiétude son plan d’extermination. Le Burundi allait être vidé, martyrisé, endeuillé pour longtemps….pour toujours ?

Le 30 avril 1972 à 8 heures du matin, on apprend que le Roi Charles Ndizeye a été tué vers minuit. Officiellement, il avait été tué lors de combats contre des mulelistes. Pour justifier cet assassinat, les autorités prétendirent que la victime voulait rétablir la monarchie. Il fallait donc massacrer cette masse de Hutus qui vénérait le monarque.

Le 1er mai 1972, la radio de Bujumbura annonce que de sérieux combats se déroulent dans le Sud du pays et qu’il s’agit de mulelistes venant du Zaïre aidés par les Inyenzi (monarchistes Rwandais) et des Burundais monarchistes…Dans tout le pays, les arrestations et les exécutions sommaires sont organisées au nom du parti UPRONA et du président Michel MICOMBERO. Le massacre se poursuit et encouragé par les messages officiels diffusés par la radio, la voix de la révolution : « les forces vives de la nation doivent s’impliquer à débusquer les ennemis du peuple ». A la redoutable prison de Bujumbura, les personnes arrêtées sont exposées au soleil, torturés jusqu’à ce que mort s’en suive…

Dans le dossier « Naufrage au Burundi » de septembre 1972, on lisait : « Dans ce pays sans statistiques et sans informations libres, comment pourrait-on savoir ? Qu’importe… de tels massacres ont déjà eu lieu en territoire décolonisé, mais une tentative de naufrage radical par la suppression de l’élite politique, sociale et culturelle d’une ethnie par l’autre, avait-on jamais vu cela ? Même au Biafra ? Même au Bengale ?… ». Plus de trois cent mille personnes sont tuées. Impunément.

Et pourtant, la convention de l’ONU sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité condamne ces crimes, même lorsque ces actes ne constituent pas une violation du droit interne des Etats où ils sont commis. Du côté du régime en place, les familles attendent la mise en place de la Commission Vérité et Réconciliation assortie d’une juridiction internationale. Trente-neuf ans plus tard ? Est-ce au moins le bout du tunnel ? Encore une fois, la communauté internationale est interpellée.

Aujourd’hui plus que jamais au Burundi, beaucoup de victimes des actes de barbarie réclament justice. Et Dieu seul sait combien ils sont nombreux. Dieu et les Burundais savent et mesurent le poids de l’injustice. Trente-neuf ans plus tard, nous attirons toujours l’attention sur les suppliciés de 1972. Trente-neuf ans d’attente ; trente-neuf ans d’indifférence, de déni de justice. Malgré le foisonnement d’associations de la société civile qui œuvrent au Burundi, la violation de la dignité humaine semble ne causer point d’insomnie aux criminels.

Avec l’hécatombe de 1972, les Hutus et les Ganwas sont minoritaires dans les associations qui élèvent la voix pour revendiquer le respect des droits de l’homme. On peut se tromper mais le scandale crève les yeux. L'opprobre est devenu insupportable après la restauration de la démocratie. A moins que la victoire n'ait été qu'un leurre ! A moins que les orphelins aux commandes de l'Etat n'aient renié leurs parents, n'aient vendu l'âme au diable !

Le Roi Charles NDIZEYE croupit dans une fosse commune ; le Roi Mwambutsa reste en exil en Suisse. Les charniers de Buterere, du Pont Peke et d’autres à identifier disparaissent avec leurs secrets macabres. Trente-neuf ans après les faits, les orphelins consciencieux et les veuves inconsolables réclament justice, un peu d’humanité de la part des dirigeants du Burundi et du monde.

De l'intérieur du pays ou de la diaspora, mobilisons-nous ; mettons plus d’énergie et de moyens dans cette bataille contre la mort, l’oubli et le déni de justice. Les victimes de l’hécatombe de 1972 attendent un mot, un geste, un coup de main dans cette lutte pour la renaissance de l’âme burundaise. Agissons pour que cette plaie, cette gangrène nationale cesse d’être une pierre d’achoppement des efforts de reconstruction et de réconciliation nationale. Mobilisons-nous pour toutes les victimes des barbaries burundaises depuis la veille de l'indépendance jusqu'à celles qui paient aujourd'hui des calculs mesquins des politiciens sans scrupules.

Trente-neuf ans plus tard, il y a encore au Burundi des cadavres dans les rivières. Cette malédiction réclame une prise de conscience : le droit de dire non, debout !