NDADAYE constitue un monument humain, un modèle révolutionnaire

EDITORIAL : L’héritage de NDADAYE

Par Cyriaque SABINDEMYI - Ijambo – Les quatre vérités, N° - Octobre 1998

Feu Président Melchior NdadayeAprès une long parcours du combattant, avec comme étapes marquantes l’exil, le retour d’exil, l’opposition dans la clandestinité, l’emprisonnement, la campagne électorale et les trois mois à la magistrature suprême, NDADAYE est mort sauvagement assassiné par une armée sans scrupule. Il est mort président de la République du Burundi, le 21 octobre 1993. Il est mort dans la fleur de l’âge, après une ascension fulgurante, jusqu’au sommet de l’Etat. Mais, comme tous les grands de ce monde, il est parti en laissant au peuple burundais un héritage considérable.

A bien des égards, NDADAYE constitue un monument humain, un modèle révolutionnaire. Il est un de ces hommes d’Etat qui, l’espace d’une courte saison, marque l’histoire de façon indélébile et profonde. L’Afrique en a connu quelques uns : Patrice LUMUMBA, Kwame NKRUMAH, Thomas SANKARA, … Ils ont tout le mérite de l’engagement total, du don de soi, du sacrifice de sa vie pour le bien d’un peuple, pour l’intérêt suprême de la Révolution, de la nation. Confronté à un travail de titan, face à des défis incommensurables, il n’hésite pas un seul instant. Il se jette à corps perdu dans l’action, pour l’intérêt général, le Bien collectif.

Certains ont parlé de naïveté, de maladresse, d’inexpérience, voire d’ignorance du danger. Grave erreur ! NDADAYE n’ignorait absolument pas les risques qu’il courait. Le système qui l’a poussé à l’exil et dans lequel il a difficilement évolué après son retour, il le connaissait bien. Il n’ignorait certes pas que cette armée monoethnique et anti-populaire nourrissait des desseins criminels. Dans ses discours de campagne, il a souvent évoqué l’éventualité de son assassinat : « ils tueront Ndadaye, mais ils ne tueront pas tous les Ndadaye ». D’autres poursuivront le projet révolutionnaire.

NDADAYE est mort pur, sans s’être sali les mains, au terme d’une lutte pacifique. Il est mort de sa vertu. Vertu de la modestie dont il était pétri depuis son enfance et qui le rendait très proche du petit peuple dont il était issu. Vertu de l’idéal politique de la lutte contre l’injustice, l’exclusion, le système criminel et pourri en place depuis l’indépendance, en 1962. Vertu de la tolérance et de l’équité grâce auxquelles il a partagé le pouvoir avec l’opposition sans y être contraint par les règles de l’Etat. Vertu de la confiance dans la perfectibilité de l’homme, peut-être teintée d’une certaine naïveté, mais corrigé par le don de soi jusqu’au bout. Il se savait exposé à la mort, depuis le début des campagnes électorales et même avant.

L’héritage de NDADAYE, c’est le modèle qu’il nous a laissé. C’est aussi son message politique : la lutte contre l’injustice, les exclusions, la corruption, la misère ; l’édification d’un Etat prospère, respectueux des libertés et des droits de l’homme. La balle est aujourd’hui dans le camps de héritiers.

Cyriaque SABINDEMYI

Octobre 1998