Ndadaye : Les cérémonies de funérailles

Lundi 6 décembre 1993 - Les funérailles nationales

Extraits du livre "Biographie du Président Melchior NDADAYE - L'Homme et son Destin"

de Raphaël NTIBAZONKIZA - Edition Bulgarian Helsinki Committee

Ndadaye FuneraillesCelles-ci avaient été prévues pour le samedi 27 novembre. Elles furent reportées au lundi 6 décembre, à cause de l'insécurité encore régnante sur tout le territoire national, ce qui empêchait un grand nombre de Burundais de se rendre à Bujumbura. Cependant, cette situation ne s'était pas encore améliorée à la date du 6 décembre, mais les obsèques furent maintenues.

Deux jours avant les funérailles, les corps de 8 victimes tombées sous les balles des putschistes sont exposés, en chapelle ardente, au stade FFB, situé au centre de Bujumbura. Le public est autorisé à venir se recueillir devant les cercueils. Ceux-ci ont été alignés autour du Chef de l'Etat, Son Excellence Melchior NDADAYE. De source bien informées, un seul cercueil est vide : celui de l'Honorable Gilles BIMAZUBUTE. On n'aurait pas réussi à retrouver sa dépouille mortelle, car les militaires qui l'ont assassiné l'auraient jeté dans une rivière proche de la Rusizi, à quelques kilomètres de la capitale…

Au lieu d'exposition de leurs corps, des couronnes de fleurs et de grands cierges entourent chaque cercueil. Après le passage des autorité politiques, militaires et religieuses, c'est un défilé silencieux d'hommes et de femmes, de vieux et de jeunes, le visage grave. Des chants funèbres et de la musique classique ponctuent le défilé ininterrompu des chrétiens; l'atmosphères est lourde.

Le lundi 6 décembre 1993, jour des funérailles nationales, tout démocrate burundais qui le pouvait se rendit aux obsèques du Président NDADAYE et de ses compagnons. A 10H00 du matin, le cortège funèbre s'ébranle très lentement vers la Cathédrale "Régina Mundi" de Bujumbura. Les cercueils sont porté par des militaires en tenue d'apparat. Toutes les autorités politiques, religieuses, militaires et civiles sont présentes. Sont présentes également les délégations officielles des pays étrangers.

Après les cérémonies à la Cathédrale, le long cortège se dirige vers l'ancien palais présidentiel du 1er novembre, choisi pour être le cimetière officiel des "héros de la Démocratie. Depuis lors, cet ancien palais occupé par feu le Président NDADAYE est classé monument national et futur musée. Parmi les 8 cercueils des illustres martyrs de la Démocratie se trouve un cercueil resté vide, celui du "martyr inconnu" de la Démocratie, ce dernier symbolisant le nombre fort élevé des victimes de la barbarie anti-démocratique au Burundi depuis l'Indépendance.

L'atmosphère est lourde. Beaucoup de discours sont prononcés. Le premier est celui du père du Président défunt, Monsieur Pie NDADAYE. Puis vient le discours du représentant de l'Alliance Islamique du Burundi, Cheik Mohamed RUKARA.

La plus émouvante des oraisons funèbres sera celle du Président a.i. du FRODEBU, le ministre Sylvestre NTIBANTUNGANYA. Profondément ému jusqu'aux larmes, il laisse son cœur s'exprimer en toute simplicité, puisqu'il s'adresse à son épouse Eusébie NSHIMIRIMANA emportée par la folie meurtrière de la nuit du 20 au 21 octobre 1993, et qui lui laisse 3 petits orphelins. A la mort de leur maman, le dernier de ceux-ci, le petit "Démocratie", a à peine 4 mois et demi (il est né le 30 mai 1993), l'âge de la jeune démocratie burundaise! Dans son oraison funèbre, le Président a.i. du FRODEBU, s'adresse également, toujours sur un ton pathétique, à ses amis de combat politique: Melchior NDADAYE, Pontien KARIBWAMI, Gilles BIMAZUBUTE, Juvénal NDAYIKEZA, Richard NDIKUMWAMI, Déo BIZIMANA. Il s'adresse enfin à Madame Sylvana KATABASHINGA, amie de son épouse et assassinée en même temps qu'elle.

Après le ministre des Relations Extérieures, c'est au tour du Secrétaire général de l'Assemblée Nationale, l'Honorable KADUGA Stanislas, à s'adresser en dernier aux défunts, réservant un hommage particulier à ses anciens supérieurs hiérarchiques: respectivement au Président de l'Assemblée nationale, Pontien KARIBWAMI, et à son Vice-président Gilles BIMAZUBUTE.

Puis vient le tour du Premier Ministre, madame Sylvie KINIGI, celle-ci prend la parole au nom du Gouvernement. Visiblement émue, elle s'attache à consoler les familles des "martyrs de la Démocratie" et à souligner les mérites du Président défunt, Son Excellence Melchior NDADAYE: "Le Président NDADAYE est le premier chef d'Etat démocratiquement élu par le peuple burundais lors d'une élection multipartite. C'est pour cette raison que son nom ne sera jamais oublié, bien que les ennemis du peuple l'aient assassiné après trois mois seulement de pouvoir".

De tous les représentants officiels, qui furent des discours d'adieu au Président défunt et à ses compagnons de malheur, l'ex-Président BUYOYA fut le seul à garder un silence éloquent ...

Les cérémonies de funérailles se terminent tard dans l'après midi, par l'enterrement des défunts dans 9 caveaux aménagés pour la circonstance et rangés côte à côte autour de celui du Président NDADAYE.

L'association des jeunes militants du FRODEBU, le GEDEBU (Génération Démocratique du Burundi), prend le relais des militaires, pour accomplir le dernier geste en hommage aux illustres défunts : leur mise en terre, en lieu et place des militaire, présumés assassins des défunts concernés. 

Qu'ils reposent tous en paix !