Burundi : Un criant déficit d'indépendance de la magistrature
Justice

@rib News, 28/06/2011 – Source Xinhua

L'indépendance de la magistrature est loin d'être une réalité au Burundi même si elle est garantie par tous les textes réglementaires à commencer par la Constitution de la République du Burundi, l'Accord d'Arusha pour la paix et la réconciliation et le Statut des magistrats, selon une étude menée par l'Observatoire de l'Action gouvernementale (OAG).

Cette étude, conduite par le professeur Masabo Michel, démontre bel et bien les limites de cette indépendance. L'étude montre en effet que vu que le président de la République dispose d'un pouvoir de nomination résultant de certains articles de la Constitution, les pouvoirs lui conférés dans le domaine judiciaire limitent les marges de manœuvre des magistrats.

En outre, continue l'étude, le président de la République dispose d'un droit de grâce qui peut remettre en cause les décisions du juge répressif, avant d'ajouter qu'il assure la présidence du Conseil Supérieur de la magistrature alors que les conflits surgissent souvent entre le pouvoir exécutif et le corps judiciaire.

Le professeur Masabo impute également les entraves à l'indépendance de la magistrature au ministre de la Justice qui définit la politique du gouvernement en matière de justice et qui joue un rôle fondamental dans la préparation et la gestion du budget de son ministère. De bout en bout, la carrière du magistrat est entre les mains du ministre de la Justice. Il recrute, mute, rétrograde, récompense de manière discriminatoire et son rôle dans la procédure de révision est une immixtion dans l'activité juridictionnelle, indique le professeur Masabo.

Le statut des magistrats quant à lui assure ainsi très peu de garanties dans la mesure où la carrière du magistrat est gérée de bout en bout par le pouvoir exécutif. Ainsi, observe-t-on souvent des manifestations pratiques de la violation du principe de l'indépendance de la magistrature comme les violences verbales, les pressions occultes, les mutations aux allures de mesures et dans les cas les plus graves, opposition à exécution de jugements.

L'autre bâton dans les roues de l'indépendance de la magistrature au Burundi est, selon cette étude, le parlement. 

Au plan budgétaire, il vote le budget annuel et opère donc les arbitrages en fonction de la politique annoncée par le gouvernement et des orientations qu'il souhaite faire prévaloir. Il vote les lois organiques intéressant l'indépendance des magistrats et peut donc accroître ou restreindre leur indépendance, intervient dans la nomination des magistrats et vote également des lois d'amnistie.

L'étude commanditée par l'OAG termine par une formulation de recommandations à l'endroit du pouvoir législatif, de la Cour Constitutionnelle, du pouvoir exécutif et des magistrats. Au premier, elle recommande la révision de certains articles de la Constitution, de la loi portant réforme du statut des magistrats et de la loi organique sur le Conseil Supérieur de la Magistrature.

A la Cour Constitutionnelle, il est recommandé de contrôler la constitutionalité et les lois organiques qui violent le principe de la  magistrature. Au pouvoir exécutif, il est recommandé de doter les différentes juridictions une autonomie de gestion et des moyens suffisants, de respecter le principe d'inamovibilité des juges et d'adopter le principe du recrutement par concours. Enfin, l'étude recommande aux magistrats de maintenir le cap pour défendre l'indépendance de la magistrature.