Burundi : Une avocate arrêtée pour avoir laissé interviewer ses clientes
Justice

RFI, 17 juillet 2011

Affaire Patrice Faye : l'avocate des victimes présumées emprisonnée pour «complicité d'espionnage»

L'avocate des parties civiles dans le procès de Patrice Faye, un ressortissant Français, poursuivi pour viol sur cinq mineures, a été arrêtée pour « complicité d'espionnage » et écrouée le 15 juillet 2011. Les autorités burundaises reprochent à Maître Suzanne Bukuru d'avoir facilité des interviews de ces jeunes filles par des journalistes français.

Tout a commencé il y a une semaine. Maître Suzanne Bukuru avait laissé des journalistes de la télévision française M6, qui préparaient un reportage sur l’affaire Patrice Faye, s’entretenir avec ses cinq clientes.

Le ministère burundais de la Solidarité nationale et de la Justice, à l’origine des poursuites engagées contre le Français Patrice Faye, qui risque aujourd’hui 35 ans de prison s’il était reconnu coupable de viol, s’est senti trahi par l'avocate.

Il a saisi le procureur général près la Cour d’appel de Bujumbura qui a convoqué Suzanne Bukuru, vendredi après-midi, l’a entendue avant de l’envoyer à la prison centrale de Mpimba pour « complicité d'espionnage », selon maître Isidore Rufyikiri, le bâtonnier de l’ordre des avocats du Burundi, qui n’en revient toujours pas : «L’infraction pour laquelle Suzanne Bukuru est poursuivie ne peut pas s’appliquer. La complicité de trahison est une infraction libellée contre tout étranger qui commet un acte de trahison en tant de guerre au Burundi. Me Suzanne Bukuru est burundaise. C’est tout simplement ridicule. Le ministère public est totalement à côté de la plaque ! »

Contacté par RFI, des responsables du ministère burundais de la Solidarité nationale et de la Justice n’ont pas voulu s’exprimer, mais Isidore Rufyikiri n’a pas de mot assez dur pour ce qu’il qualifie de « grossier scandale » sans équivalent dans l’histoire judiciaire du Burundi, en réclamant la libération immédiate de Suzanne Bukuru.

Le Français, Patrice Faye est détenu depuis le 4 avril 2011 à la prison de Mpimba, à Bujumbura. Il est accusé de viol par cinq jeunes filles dont des mineures qui fréquentent une école qu'il a créée en faveur des enfants et adolescents en difficultés. Début mai, il avait rejeté tous ces accusations. Ses proches affirment que l'affaire a été montée de toute pièce par une fondation qui oeuvre dans le même secteur que Patrice Faye. Une demande de mise en liberté provisoire a été rejetée le 9 juin dernier par la cour d'appel de Bujumbura. La date du procès de Patrice Faye n'a toujours pas été fixée.

Résidant au Burundi depuis 32 ans, ce Lyonnais, âgé de 56 ans, a un passé de baroudeur et d'aventurier. Passionné de théâtre, il s'est fait connaître au Burundi en écrivant et en interprétant des pièces de théâtre, puis comme animateur à la télévision nationale. « Naturaliste autodidacte » comme le présente la revue National Geographic, Patrice Faye a servi de guide et participé à des documentaires animaliers pour des télévisions européennes et américaines, notamment en entretenant le mythe d'un crocodile hors norme qui vivrait dans le lac Tanganyka et dont il s'était fait le spécialiste (Reporteur, émission RFI 13/2/2001)