Les proches de Patrice Faye, condamné au Burundi, se mobilisent
Justice

Le Progrès, 07/08/2011

Bujumbura. La famille de ce Lyonnais de 58 ans, installé au Burundi depuis plus de trente ans, accusé de viol par cinq jeunes filles et condamné à 25 ans de prison, se mobilise. Un comité de soutien a été créé

Depuis que son frère croupit dans une prison de Bujumbura, Mireille Faye-Maro n’a qu’un objectif : le faire sortir le plus vite possible «pour mettre un terme à cette injustice». «Son moral est au plus bas, il ne tiendra pas longtemps» assure-t-elle, très inquiète.

Incarcéré le 4 avril 2011, condamné en première instance le 25 juillet à 25 ans de réclusion, pour viols, notamment sur mineures, Patrice Faye a toujours clamé son innocence. Ses avocats viennent de faire appel.

Au Burundi, où ce Lyonnais de 58 ans vit depuis plus de trente ans, un comité de soutien, animé par deux amis, a pris corps (1). En France aussi, la mobilisation commence à s’organiser. Au lendemain du verdict, le ministère des Affaires étrangères s’est interrogé sur les incohérences du dossier et les manquements graves de la procédure, rappelant que « tout Etat qui se veut démocratique doit respecter le droit à un procès équitable. »

Ses cinq accusatrices fréquentaient toutes les écoles PIF (Patrice International Faye) que ce ressortissant français a créées au lendemain de la guerre (1993-2001). Or l’une d’elles s’est rétractée dans une lettre datée du 25 mars. Elle dit avoir agi par vengeance parce que Patrice Faye l’avait exclue de l’établissement. Pour trois autres, les examens médicaux ont révélé qu’elles étaient vierges. Une autre jeune fille a reconnu avoir reçu de l’argent pour porter ces accusations. Des éléments dont le tribunal n’aura pas tenu compte.

L’entourage de Patrice Faye dénonce un complot. «Mon frère fait du théâtre. A travers ses sketches humoristiques, il s’amusait à pointer les dérives du Burundi. Il n’a pas pris la mesure de la bascule politique en 2010 [un nouveau gouvernement NDLR]. Je pense qu’il a fortement déplu. On a trouvé là un moyen de le faire taire. Son dossier est vide. Toutes les affirmations des filles ont été démenties. Ce verdict est totalement absurde».

Au Burundi, il se dit aussi que des pontes avaient des visées sur des terrains qui lui appartiennent, au bord du lac Tanganyika. « Il les avait achetés pour y ériger ses écoles et ses orphelinats qui aujourd’hui hébergent plus de huit cents enfants. Ces terrains ont pris de la valeur. Patrice subissait des pressions depuis des mois pour vendre » confirme son aînée de deux ans. Pianiste à Paris, Mireille Faye-Maro a grandi à Lyon où vit encore toute sa famille, et où ont vécu longtemps ses parents, avant de prendre leur retraite à Cannes. Depuis son incarcération, elle essaie tant bien que mal de garder le contact avec son frère. Les dernières nouvelles qu’elle a reçues remontent au 31 juillet : «Il vit dans un cachot où il ne peut tenir qu’accroupi ou allongé au milieu des punaises et des cafards. Le compteur de la prison a brûlé. Il n’a plus de lumière du tout. Il vit avec une lampe de poche. Sa vue se dégrade très vite.»

Mireille Faye-Maro remue ciel et terre pour activer la mobilisation en France, même si la période n’est pas propice.

Elle garde espoir, envisage avec le comité de soutien d’organiser des manifestations devant les ambassades du Burundi en France, en Allemagne et en Belgique dès le mois de septembre et cherche des contacts à Amnesty International.

(1) http://libertepatricefaye.blogspot.com/. Enfin, une pétition circule sur le net : http://www.petitions24.net/liberez_patrice_faye

REPERES

Patrice Faye s’est installé au Burundi en 1978.

Auparavant, il avait baroudé au Canada, aux Etats-Unis, séjourné un ou deux ans dans l’ancienne Rhodésie puis en Afrique du Sud. Il crée une entreprise de bâtiment qui a compté plus de 150 ouvriers

Amoureux de la nature, il devient erpétologue (spécialiste des serpents et reptiles) et fournit le musée vivant de Bujumbura.

Marié à une Rwandaise, aujourd’hui divorcé, il a deux enfants de 28 et 25 ans, dont l’un vit à Paris et l’autre à Londres. Pendant les années de guerre civile (1993-2000), Patrice Faye cache et sauve des centaines de personnes qu’il loge et nourrit.

Au début des années 2000, il acquiert une certaine notoriété en tentant de capturer le plus grand crocodile d’Afrique qu’il appellera Gustave. Ces actions lui vaudront le surnom de Crocodile Dundee. National Geographique en fait un film qui contribuera à faire connaître le Burundi.

Il crée l’association SOS Enfants du Burundi et prend en charge des orphelins à la dérive. Aux plus grands, il apprend un métier : couture, mécanique, artisanat.

En avril 2011 tout bascule après la plainte de cinq filles qui l’accusent de viol.