Mobilisation pour libérer un Français condamné à 25 ans de prison au Burundi
Justice

@rib News, 10/08/2011 - Source AFP

Patrice Faye, en tenue verte de prisonnier, au palais de justice de BujumburaLes proches de Patrice Faye, un Français de 58 ans condamné au Burundi à 25 ans de prison pour viols après un procès bâclé et qui clame son innocence, s'inquiètent de la dégradation de sa santé et se mobilisent pour obtenir sa libération et un procès équitable en appel.

"On est très inquiets pour sa santé. Il perd complètement le moral et n'ose plus sortir de sa cellule car il a peur de se faire agresser", témoigne son fils Gaël, tout juste rentré de Bujumbura où il a pu rencontrer son père au parloir de la prison de Mpimba.

"C'est le seul Blanc dans une vieille bâtisse sans hygiène ni électricité, où les condamnés à de longues peines font la loi", explique-t-il. "Sa vue baisse tous les jours à cause de l'obscurité. Deux médecins ont demandé son transfert vers l'hôpital mais l'administration a refusé".

Très connu au Burundi où il s'est investi depuis plus de trente ans dans des activités humanitaires et culturelles, ce Français avait été arrêté le 5 avril après des accusations de viol de cinq jeunes filles fréquentant une école qu'il a créée en faveur de jeunes en difficultés après la guerre civile (1993-2002).

Le procès de Patrice Faye s'est déroulé à huis clos le 16 juin à Bujumbura "en cinq heures en kirundi (la langue du Burundi) qu'il ne comprend pas", dénonce sa soeur Mireille Faye-Mora.

Son avocate, Anne Monceu, parle "d'une parodie de justice". "Il n'y a pas eu d'instruction, il a été jeté en prison et condamné alors que le dossier est rempli d'incohérences", affirme-t-elle.

La principale accusatrice s'était ainsi rétractée par écrit avant même l'arrestation de Patrice Faye en expliquant avoir agi par vengeance alors que le Français l'avait exclue de l'établissement.

"Mais le juge n'en a pas tenu compte. Les filles ont aussi dit que M. Faye est circoncis, ce qui est faux. Le juge n'a pas voulu le vérifier", a-t-elle ajouté.

L'avocate accuse une fondation humanitaire allemande présente au Burundi d'avoir relayé la plainte de l'accusatrice principale, connue comme une "manipulatrice notoire", selon Me Monceu. "Cette fondation a envoyé une enquêtrice dans ces écoles qui a réuni les filles en leur disant qu'elles pourraient gagner de l'argent si elles portaient plainte", indique l'avocate.

M. Faye bénéficie d'un important comité de soutien au Burundi, où il est arrivé en 1978.

Amoureux de la nature, il s'est d'abord fait connaître comme le spécialiste des serpents et des crocodiles du pays puis a créé une association qui construit des écoles et des centres de santé en faveur des Batwas (pygmées burundais) et des populations défavorisées.

Il est également l'auteur de sketchs pour le théâtre et la télévision qui critiquent le pouvoir alors que le climat politique est très tendu au Burundi avec plusieurs arrestations d'avocats et de journalistes ces derniers mois.

L'avocate des parties civiles a elle-même été incarcérée en juillet pendant deux semaines "pour complicité d'espionnage" pour avoir facilité une interview de ces jeunes filles par des journalistes français. Le bâtonnier du Burundi a protesté et s'est retrouvé lui-même emprisonné...

"Mon père est pris en otage dans le climat politique", juge Gael Faye qui menace d'organiser des manifestations devant l'ambassade du Burundi à Paris.

Le ministère français des Affaires étrangères affirme suivre "avec la plus grande vigilance" l'évolution de la santé de M. Faye.

"Notre ambassadeur à Bujumbura est en dialogue constant avec les autorités burundaises", a indiqué lundi une porte-parole. Fin juillet, le ministère s'était déjà interrogé "sur les incohérences du dossier et les manquements graves de la procédure", et avait convoqué l'ambassadeur du Burundi en France.

La famille de Patrice Faye espère que les autorités françaises obtiendront une expulsion du pays avant même "un procès digne de ce nom" en appel, dont la date n'est pas encore fixée.