Afrique du Sud : la suprématie de l’ANC menacée par ses dissidents
Afrique

@rib News, 24/10/2008 – Source AFP

La dissidence du Congrès national africain (ANC) prend de l'ampleur avant les élections générales de l'an prochain en Afrique du Sud, menaçant d'entamer la domination du parti au pouvoir depuis la chute de l'apartheid en 1994.

La rébellion, qui couvait depuis des mois, s'est concrétisée après que la direction de l'ANC eut forcé le président Thabo Mbeki à démissionner à la fin septembre sur fond de luttes intestines.

Les dissidents, menés par l'ex-ministre de la Défense Mosiuoa Lekota, ont annoncé une convention nationale le 2 novembre pour poser les fondements d'un nouveau parti, qui devrait être lancé en décembre.

D'ici là, ils prévoient une série de rassemblements politiques, dont un grand meeting jeudi à Orange Farm, un bidonville au sud de Johannesburg.

Le chef de l'ANC, Jacob Zuma, a eu beau assuré en début d'année que le parti "resterait au pouvoir jusqu'au retour de Jésus Christ", il semble prendre au sérieux ce nouveau "défi politique".

L'ANC a ainsi suspendu les leaders de la rébellion et menacé leurs partisans de "sanctions disciplinaires". Cinq responsables du parti dans la ville du Cap ont aussi été suspendus après avoir organisé des meetings pour Mosiuoa Lekota, lors desquels des milliers de militants ont brûlé leur carte de l'ANC.

"Ils essaient d'étouffer aussi vite que possible ce type d'épisodes d'insurrection générale qui semblent se répandre. Pour moi, cela indique clairement qu'ils sont inquiets", a déclaré à l'AFP Dirk Kotze, de l'Université d'Afrique du Sud.

L'ANC n'est pas "inquiet mais terrifié", estime pour sa part l'éditorialiste du Times, Justice Malala. "Si Lekota peut attirer une foule de 2.000 militants, c'est que quelque chose est en train de se produire", écrivait-il récemment.

Les rivalités au sein de l'ANC, une coalition hétéroclite alliant communistes et libéraux, étaient apparues au grand jour en décembre, quand Jacob Zuma avait arraché la présidence du parti à Thabo Mbeki lors d'un congrès mouvementé à Polokwane (nord-est).

Les partisans des deux hommes sont ensuite restés à couteaux tirés pendant des mois, jusqu'à ce que le clan Zuma obtienne la tête de Thabo Mbeki, l'humiliant à quelques mois de la fin de son mandat.

Ces querelles ont porté atteinte à la réputation du plus vieux des mouvements de libération, le parti de Nelson Mandela. Même l'archêveque anglican Desmond Tutu, considéré comme la voix morale de l'Afrique du Sud, a exprimé sa déception et menacé de ne pas voter lors des prochaines élections.

"Depuis Polokwane et la démission de Mbeki, les responsables de l'ANC proches de Thabo Mbeki ont de plus en plus le sentiment d'avoir été maltraités", estime Dirk Kotze.

Ceux qui ont publiquement rejoints les rangs de la dissidence sont pour la plupart des alliés de l'ancien chef de l'Etat, comme M. Lekota ou l'ex-chef de la puissante confédération syndicale Cosatu, Willie Madisha.

Pour l'instant, ils ne sont pas très nombreux, mais comptent un poids-lourd: Mbhazima Shilowa, qui a démissionné du poste de chef du gouvernement de la riche province du Gauteng, où se trouve Johannesburg et Pretoria, dans la foulée de Thabo Mbeki. Deux membres du comité exécutif de l'ANC - les 80 membres les plus puissants du parti - les ont également rejoints.

Malgré ces ralliements, les analystes considèrent que le nouveau parti n'a aucune chance de battre l'ANC lors des élections du 2e trimestre 2009. Jacob Zuma jouit en effet d'une grande popularité auprès des millions de Sud-Africains qui vivent toujours dans la pauvreté.

Dans ce contexte, les dissidents espèrent recueillir 20% des suffrages, selon l'analyste politique indépendant Aubrey Matshiqi. "C'est un objectif énorme, dit-il. Mais s'ils y parviennent, cela changerait radicalement le paysage politique de l'Afrique du Sud."

NdlR : Pour rappel, c'est l'Afrique du Sud qui conduit la médiation régionale dans la processus de paix au Burundi.