Le régionalisme prend une ampleur inquiétante au Burundi
Opinion

@rib News, 18/08/2011

Le régionalisme : comment le Burundi pourra-t-il sortir de ce guêpier

Par Kabura Jean Nipomscène

Depuis l’année 1966, date où le capitaine Michel Micombero renversa le roi Ntare V, Ndizeye Charles, le régionalisme est devenu une méthode honteuse utilisée par les dirigeants du Burundi à court de programme politique, et ceci dans le but de diviser pour régner.

A l’Epoque des dictatures militaires, des purges dans l’armée ont été d’abord opérées contre la majorité hutue en général. La participation à ce corps était en général réservée aux tutsi de Bururi, au Sud du pays, et surtout ceux de la région naturelle de Bututsi.

Dans d’autres secteurs de la vie nationale, on parlait des gens de Jenda ou de Muramvya, par exemple dans la fonction publique, le secteur bancaire, les entreprises commerciales et industrielles, les écoles … et dans d’autres secteurs de la vie publique.

Aujourd’hui, à côté du clientélisme politique et du militantisme au sein du CNDD-FDD, on remarque aussi que le régionalisme est en train de prendre une ampleur inquiétante.

Une maladie qui n’a pas encore trouvé de remède

Comme nous l’avons dit, le régionalisme trouve sa racine dans les régimes militaires qui ont dirigé le Burundi depuis 1966.

Le président Melchior Ndadaye semblait avoir compris le problème, mais n’a pas eu le temps de s’en occuper, compte tenu du coup d’Etat militaire qui a mis fin brutalement à son pouvoir.

Les autres régimes qui se sont succédés ne se sont pas préoccupés de ce fléau, ils s’en sont plutôt servis pour se maintenir et satisfaire les leurs ; et la solution ne pouvait pas venir de Buyoya II qui était parmi les principaux artisans de ce fléau.

Ce dernier s’en est d’ailleurs servi, aidé par ses nouveaux alliés à savoir Jean Minani et Sylvestre Ntibantunganya, pour diviser le CNDD et sa branche armée, les FDD, à l’époque de la lutte armée.

Une fois le mouvement divisé en deux, le CNDD-FDD a eu comme dirigeants, Hussein Radjabu  et Pierre Nkurunziza.

Le rêve du « Grand Nord »

Arrivé au pouvoir grâce à l’Accord de paix, le président Domitien Ndayizeye rêva de créer le grand Nord. Dans son calcul, puisqu’il avait déjà contribué à amputer le CNDD et les FDD, il ne restait qu’à récupérer la partie militaire et en faire une force du FRODEBU. Alors qu’il refusait l’agrément et les sites de cantonnement du CNDD, il donnait les faveurs au CNDD-FDD, notamment en lui permettant de gonfler les chiffres et de recruter des combattants dans les écoles.

Quant au CNDD, sur les quatre sites il n’obtint que seulement le site de Buyengero. Par la suite, le CNDD-FDD s’est plutôt affirmé comme un parti politique, mais pas comme un parti satellite du FRODEBU.

La fin du rêve du Grand Nord

Aussitôt arrivé au pouvoir, le grand Nord n’a pas tardé à s’affaiblir.

Accusé par le CNDD-FDD et surtout par son président, Hussein Radjabu, de fomenter un putsch contre sa politique, l’ancien président Domitien Ndayizeye fut jeté en prison sans procès en 2006. La même année, Hussein Radjabu, accusé de complot contre l’Etat fut à son tour emprisonné par Nkurunziza. Après l’accord de paix avec le FNL, Agathon Rwasa aurait été, lui, invité à son tour à fusionner le FNL avec le CNDD-FDD, pour combattre ensemble le Sud et ces Tutsi qui ont dominé le pays pendant trois décennies. Celui-ci a refusé l’offre et a préféré de rester dans l’opposition.

Ngozi et Mwumba devenues Gbadolité ?

La politique de Nkurunziza et du CNDD-FDD a beaucoup de ressemblances avec celle de l’ancien Dictateur Joseph-Désiré Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Za Banga : Dilapidation au grand jour des biens de l’Etat, spoliation des terres de la population un peu partout dans le pays, corruption généralisée, construction des villas par les dignitaires du régime avec des biens mal acquis, absence de programme politique pour lutte contre la misère de la population et faire avancer le pays.

Au niveau du régionalisme, Nkurunziza tente de transformer son village natal en cité moderne sur le dos des Burundais, comme Mobutu l’avait fait à Gbadolité. Construction d’immeubles à niveau, d’un Stade pour divertissement personnel et de son équipe HALELUIA chez lui à Mwumba.

Des audiences même des grandes personnalités sont organisées souvent à Mwumba et à Ngozi, le Président laissant la Capitale Bujumbura à son exécutif, dont les membres sont plus préoccupés par leur enrichissement personnel que du bien des citoyens.

Des travaux dits communautaires ou plutôt personnels sont organisés plus au Nord dans sa région natale ou dans ses plantations ailleurs le pays. Bref personne ne sait quel est le montant global utilisé pour le développement de telle ou telle province, le président ne sachant pas distinguer ses biens propres et les biens de l’Etat.

Quant à l’attribution des postes ou de l’emploi, les ressortissants de plusieurs provinces sont marginalisés. Pour BURURI, on parle maintenant de RIRUBU (qui veut dire « pleure maintenant »). Certaines personnes tentent de changer leur lieu de naissance et disent être nées à Ngozi, et ceci pour essayer de trouver de l’emploi ou d’autres avantages.

La solution au régionalisme

Comme disait le président Obama, l’Afrique n’a pas besoin de grands hommes mais de grandes institutions. Pour lutter contre le régionalisme, il faudrait peut-être regrouper 3 ou 4 provinces en région et avoir au total quatre ou cinq régions. Ensuite organiser l’exécutif et le législatif régional. De cette façon il y aurait des élus du peuple qui pourraient défendre et même sonner l’alarme face à l’abus d’un président qui ne fait que copier ce qu’il a trouvé de mal ailleurs. Ainsi, on n’aurait plus besoin du Sénat le mieux payé du monde, tout simplement parce qu’il est payé sans autre travail qu’applaudir les maladresses du Président. C’est entre autres ce que le peuple attend des futurs négociateurs de paix.