NYANGOMA appelle ŕ combattre ouvertement le bradage des entreprises de l’Etat
Politique

@rib News, 27/10/2008

DECLARATION DU CNDD À PROPOS DE LA PRIVATISATION SAUVAGE DES ENTREPRISES PUBLIQUES

1. Face au bradage du domaine public et des entreprises de l’Etat par le régime en place, le CNDD porte à la connaissance de l’opinion nationale et internationale ce qui suit :

A.  Historique du mouvement de privatisation

2. Les principes de privatisation systématique ont pour origine ce qu'on appelle le consensus de Washington (CW), une doctrine soutenue par les institutions de Bretton Woods et imposée dans le monde entier. Le consensus de Washington repose sur les principes suivants :

a. Encourager la concurrence dans tous les domaines et à tous les niveaux: les individus, les entreprises, les régions et les pays doivent être mis en concurrence ;

b. Maintenir l'inflation à un bas niveau ;

c. Permettre aux flux de capitaux de franchir librement les frontières y compris les capitaux spéculatifs à court terme ;

d. Réduire les impôts sur les grandes sociétés ;

e. Ne pas éliminer les paradis fiscaux : les salariés, les consommateurs et les PME payent le plus d’impôts ;

f. Privatiser toute entreprise rentable et laisser le marché tout  réguler ;

g. Flexibiliser les marchés du travail et intensifier la concurrence entre travailleurs ;

h. Faire payer l'accès à divers services sociaux normalement gratuits comme les écoles et les hôpitaux.

3. La majorité des pays africains ont mis en application ces théories de la Banque Mondiale et du FMI, soit  aveuglement, soit sous la pression de ce qu'on a appelé les Politiques d'Ajustement Structurel : PAS. La PAS a jeté dans la rue des milliers de travailleurs, a engendre de fortes inégalités partout dans le monde,  accentuant la paupérisation des pays sous développés, africains notamment. Les pays africains n'ont pas connu de véritable développement, mais des croissances fictives fondées sur des économies arriérées de rente du pétrole ou des autres matières premières.

4. Aujourd'hui, la doctrine est contredite et remise en cause par des grands économistes américains comme Joseph Stigritz, prix Nobel de l'économie en 2004 et numéro 2 de la Banque Mondiale. Cet éminent économiste revient sur le rôle de l'Etat dans la régulation des marchés et montre que les pays qui s'en tirent bien économiquement sont ceux dont l'intervention de l'Etat reste prépondérante.

5. La crise financière qui secoue actuellement le monde est en train de lui donner raison. Les faits contredisent le Consensus de Washington quand beaucoup de nations du monde, pour sauver les banques en faillite commencent à les nationaliser ; quand l’Amérique doit mobiliser 700 milliards de dollars pour sauver les banques en déconfiture, et quand les pays industrialisés dont le Benelux, l’Allemagne, la France et la Grande Bretagne décident d’accorder des garanties bancaires aux épargnants  et de contrôler et sanctionner les responsables des manipulations et faillites financières. Les Etats sont contraints  de prendre des participations dans les grandes banques  afin de les contrôler.

B. Situation au Burundi

6. Inaugurée sous le gouvernement de l’UPRONA et de Pierre Buyoya, la privatisation a  repris et s’est accentuée de façon inquiétante sous le régime du CNDD-FDD.  Aujourd’hui les entreprises comme la Société Hôtelière et Touristique du Burundi(SHTB), l’ONATEL, la SOSUMO, l’OTB, la COGERCO, le COTEBU, la VERRUNDI, l’Hôtel Source du Nil, l’OCIBU etc .  sont concernées par la privatisation.

7. La privatisation des entreprises sensibles et stratégiques met en péril la souveraineté nationale, la sécurité et la garantie du service public dans des conditions équitables pour toutes les régions et les couches sociales, la sécurité de l’emploi et la valeur de ses conditions, le niveau raisonnable des coûts, la qualité des services etc. Et l’achat par une société étrangère de près de dix entreprises risque de remettre en cause la souveraineté du pays.

8. Les  clauses liant l’Etat burundais à cette entreprise sont sommaires, imprécises et exposent le Burundi à des déconvenues : Autant le Burundi se montre généreux et précis en exonérations et autres défiscalisations, autant les engagements de l’autre partie sont vagues, facultatifs sur la nature et les dimensions exactes des réalisations ; les délais d’exécution et de cessions des infrastructures qu’elle  va réaliser et exploiter avant de les rétrocéder au Burundi ; les coûts financiers ; les clauses environnementales etc.

9. En concédant ces exonérations, le gouvernement, quel que soit le niveau de responsabilité du fonctionnaire qui l’engage, empiète sur les prérogatives du parlement seul habilité à voter la loi des finances qui fixe l’assiette fiscale.

10. Le danger aujourd'hui est que la privatisation à outrance et dans l'opacité risque de livrer les entreprises publiques à des prédateurs, ceux-là mêmes qui sont responsables de leur faillite: ils vont les racheter  pour un franc symbolique avec l'argent qu'ils ont pillé dans les caisses de l’Etat.

11. Parmi les principales difficultés des entreprises en privatisation,  la responsabilité de l’Etat, débiteur irrégulier et de mauvaise foi, est engagée. En matière de privatisation des entreprises publiques, le CNDD considère que le problème est moins  l’implication de l’Etat dans les activités économiques par l’apport de capital que l’incapacité du gouvernement en place à  faire gérer rigoureusement les entreprises publiques ou paraétatiques.

C. Position du CNDD

12. Au regard de ce qui précède, le CNDD exige :

a. La suspension immédiate du processus de privatisation des entreprises où l’Etat détient des actions en attendant un consensus national suffisant sur la question ;

b. Le maintien obligatoire  dans le domaine public des entreprises de souveraineté qui garantissent la sécurité et la solidarité nationale des citoyens comme l’eau ; l’énergie ; la santé ; l’éducation, la formation et la recherche ; les banques et les assurances ; les ports et aéroports ; l’environnement et l’assainissement ; les transports publics, les télécommunications, la Justice, la sécurité, la poste etc.

c. La publication des bilans réels des entreprises où l’Etat détient des actions, notamment celles menacées par la privatisation ; et l’apurement total des dettes de l’Etat envers ces entreprises ;

d. La saisine de la commission des lois du parlement afin qu’elle fasse des recommandations sur :

-          La classification motivée des entreprises  privatisables et non privatisables,

-          Les modalités d’un débat pour un consensus national sur la privatisation,

-          Les conditions d’une privatisation transparente,

-          Le niveau requis d’investissement direct étranger,

-          L’étude des impacts de la privatisation,

-          La réforme du cadre juridique des privatisations,

-          La mise en place d’un système de suivi des performances des entreprises privatisées.

 e. La priorité aux nationaux et aux travailleurs dans l’achat des actions des entreprises  à privatiser

13. Le CNDD invite les forces vives de la nation: syndicats, les partis démocratiques et toute la société civile à se mobiliser et combattre ouvertement ce processus de privatisation sauvage des entreprises publiques.

Fait à Bujumbura, le  24 octobre 2008

Pour le CNDD

Hon. Léonard NYANGOMA

Président