Burundi : Répression tous azimuts
Analyses

@rib News, 28/08/2011 – Source La Libre Belgique

Marie-France CrosMarie-France Cros

Le pouvoir n’a rien trouvé d’autre pour répondre à une tension croissante.

Le Burundi reprend-il le chemin d’une guerre civile? C’est la question qui taraude de plus en plus de Burundais et d’observateurs au vu de la dégradation de la situation depuis les élections générales de 2010, contestées et boycottées par l’opposition.

La succession de heurts armés en province et jusqu’à Bujumbura fait craindre une nouvelle flambée de violence un an après le retour à la clandestinité de l’ex-guérilla hutue des Forces nationales de libération (FNL), qui fait partie de la dizaine de partis politiques d’opposition qui ont boycotté les scrutins de 2010 en accusant le pouvoir de "fraude".

Le gouvernement du président Pierre Nkurunziza (lui-même issu de la guérilla hutue CNDD-FDD, qui avait participé victorieusement aux élections générales de 2005, à l’issue de la guerre civile) se contente de qualifier les combattants FNL de "bandits", sans vouloir reconnaître de problème politique, bien que l’opposition ait refusé, fin juillet, de participer à une réunion organisée par le pouvoir. "Les conditions d’un véritable dialogue ne sont pas remplies", avait-elle alors fait savoir, notamment les "conditions" à créer pour permettre "le retour des leaders d’opposition en exil" depuis la répression qui a sanctionné son boycott des élections de 2010.

Les relations de Bujumbura avec l’étranger se sont aussi dégradées. L’ambassadeur de Belgique a, le 21 juillet, exigé des sanctions "urgentes" contre les responsables d’exécutions extrajudiciaires (une vingtaine recensées par l’Onu depuis juin 2010) et des grandes affaires de corruption qui gangrènent le régime Nkurunziza. Trois représentants de l’Onu au Burundi et l’ex-ambassadeur d’Allemagne ont été déclarés personae non gratae par Bujumbura, qui leur reproche à tous d’être "proches de l’opposition".

Le pouvoir s’est également mis à dos le monde des avocats, après plusieurs arrestations arbitraires, notamment celle du bâtonnier Isidore Rufyikiri en juillet, pour "outrage à magistrats": Me Rufyikiri avait déclaré que les tribunaux, au Burundi, étaient sous contrôle du pouvoir exécutif. La même conclusion avait pourtant été tirée, en juin dernier, par une étude de l’Observatoire de l’action gouvernementale, conduite par le professeur Michel Masabo, qui soulignait que le pouvoir des magistrats est limité par celui du chef de l’Etat, également président du Conseil supérieur de la magistrature, et leur carrière gérée de bout en bout par le ministre de la Justice.

Le bâtonnier avait tenu les propos incriminés lors d’une manifestation exigeant la libération d’une avocate. Celle-ci, Me Suzanne Bukuru, avait été accusée de "complicité d’espionnage" pour avoir facilité l’interview de ses clients par des journalistes français, clients qui étaient parties civiles dans un procès contre le Français Patrick Faye - chasseur de crocodiles et de serpents renommé, très apprécié au Burundi pour ses activités charitables - condamné pour "viols" en juillet à 25 ans de prison lors d’un procès bâclé et marqué par de graves manquements à la procédure.

Enfin, la presse fait également les frais de la vague de répression. Le Comité pour la protection des journalistes et Reporters sans frontières ont, chacun, dénoncé le harcèlement de journalistes - en particulier ceux de deux radios, Isanganiro et Radio Publique africaine - dénonçant des faits de corruption du régime et des assassinats extrajudiciaires.