Rose Ntwenga : Laver la mémoire de Zacharie Ntiryica injustement honni
Opinion

@rib News, 30/10/08

Rétablir la vérité des faits.

Transmission de mémoire au nom de Gilbert Ntiryica[1],

TEMOIGNAGE & CONTRIBUTION A LA COMMISSION VERITE 

Rose Ntwenga, le 29 octobre 2008

L’homme le plus influent du « club des Bâtisseurs[2] » s’appelait Zacharie Ntiryica. En 1960, c’est un des leaders du parti UPRONA aux côtés du prince Louis Rwagasore. En 1963, il sera un des ministres importants du premier gouvernement de Pierre Ngendandumwe.

Son fils Gilbert, de mon groupe d’âge, a disparu, hélas, très tôt. Les « gardiens de la mémoire » m’ont transmis quelques éléments de la vie de son père dans le souci impérieux de rétablir en son nom la vérité.

L’histoire de « la caisse de machettes » collée à son nom est un montage.

C’est une rumeur bien ficelée par les concepteurs du génocide de 1972 afin d’anéantir toute défense ou tout soutien légitime. Cette rumeur reste jusqu’aujourd’hui colportée par des écrits[3].

Adulte, je me suis retrouvée à la fois, l’une des dépositaires de la mémoire de Zacharie Ntiryica et à mon tour, poursuivie sans relâche par cette rumeur.

Etre du même groupe d’âge que Gilbert signifiait qu’en cas de malheur, nous devions être en mesure de raconter le travail et les décisions pris par nos parents respectifs. 

Personne ne réalise à quel point, nos parents Hutu ont été malmenés, pourchassés sans répit, jusqu’au bout de leur vie.

En dix ans, ils ont, individuellement et collectivement, connu, injustement à plusieurs reprises la prison. Ils ont été poussés à la ruine sociale et économique. Des dénigrements constants ont accompagné tous leurs faits et gestes. Chacune de leurs initiatives (de la simple organisation de la cellule familiale à un simple rassemblement de causerie sur la tradition ou d’autres échanges,…) a été l’objet d’une perturbation sur le moment aussi incompréhensible qu’acharnée.

Au moment du génocide de 1972, je connaissais à peine Gilbert.

Entre 1963 et 1974, nous nous sommes vus seulement à deux ou trois reprises en présence de nos parents respectifs et leurs amis.

18 juin 1963[4], OCAF au 135-136 quartier 5

Je me souviens :

Un jour à midi, quelques personnes étaient dans le séjour. Mon père nous avait dit de retarder le moment de passer à table. La silhouette haute de Zacharie Ntiryica avait fait son entrée théâtrale. D’un geste ample comme pour mimer la hauteur d’une mascotte à tenir dans le creux du bras, il avait dit :

- Vous voyez, ce que j’ai obtenu pour vous !

A peine assis, il s’était adressé à l’une des personnes présentes, probablement Nègre-Fûté.[5]

- Un comptoir, avait répondu la personne d’une voix timide.

Zacharie avait donné une mention Bien à la personne qui venait d’exposer son projet.

Il interrogeait chacun.

Le tour de mon père était arrivé : 

- Je fabriquerai des briques.

Zacharie l’avait coupé.

- Venansi, arrête de te salir les mains !

Mon père avait assuré que ses mains ne se saliraient pas :

- L’avenir de Bujumbura, c’est l’immobilier, avait-il dit.

La ville va se construire, avait-il poursuivi. Tout le monde aura besoin de briques.

Zacharie n’était pas très convaincu par l’idée d’une briqueterie, persuadé que lui et ses amis ne vivraient plus à Kamenge.

- Possible, avait dit mon père. C’est notre quartier. C’est de là que nous venons. C’est de là  que nous sommes devenus ce que nous sommes aujourd’hui.

Et Zacharie d’ajouter :

-  J’ai appris que vous[6] avez tenu à viabiliser le quartier de Kamenge.

Vous y avez porté l’éclairage.

Tous les adultes avaient parlé à Zacharie avec respect, admiration et légère crainte, soucieux de lui plaire.

Ils me faisaient penser un peu, à l’attitude que les écoliers prenaient en classe, à l’école Stella Matutina,  quand était attendue la visite de sœur Lutgardis, la directrice.

1963, quelques jours plus tard, au même endroit

Un autre midi, Zacharie était en même temps que nous dans le salon. Mon père était arrivé peu après.

- A mon tour, Zacharie, de te parler, avait dit mon père. Tu as beau être mon ministre, j’ai quelques observations à présenter.

Je te suis reconnaissant de m’avoir nommé directeur général, mais franchement, je n’accepte pas l’idée de te savoir ne pas être propriétaire de ton logement.

«  Venansi, je suis ministre. Je dirige !

J’ai des droits et d’autres choses (que l’enfant témoin ne comprenait pas).

Je fais partie de la classe dirigeante »

Mon père lui avait demandé ce qu’il ferait en cas de démission forcée de ses fonctions.

Zacharie était confiant.

En cas de changement, il serait nommé à un autre ministère.

- Tu es sûr ? Moi, j’estime que mon ministre, tout dirigeant qu’il est, doit être propriétaire de son logement.

Le ministre avait protesté.

- Zacharie, tu m’écoutes. Je t’ai acheté une maison à Kamenge. Je l’ai achetée à un congoman qui a décidé de rentrer dans son pays. Elle est en matériaux semi-durables. Elle est située à l’entrée du quartier, la statue de la Sainte Vierge, à côté.  Toi, qui adore prier.

Zacharie avait accepté les papiers et les clés, pas de mauvaise grâce, mais l’air dubitatif, de quelqu’un qui accepte un objet futile ou un gadget obsolète.

1964, Office des cités africaines (OCAF) au 135-136.[7]

Un autre jour au petit matin, le téléphone avait sonné[8].

Ensommeillée, j’avais compris que mon père avait été répondre.

J’avais été entièrement réveillée par Joséphine[9], qui rapidement levée, aussi, demandait à haute voix la provenance de l’appel. Mon père avait cité un nom, que je n’avais pas entendu. C’était une des connaissances ou des parentés de Joséphine. Elle était presque de mauvaise humeur.

«  Pourquoi cet appel si matinal ? Les enfants dorment encore. »

Mon père était tout agité.

La personne l’invitait à aller voir. Un fait inouï s’était produit. Contrariée de si bonne heure, Joséphine avait demandé d’attendre qu’il fasse vraiment jour. Mon père était déjà dans les suites à donner à l’appel. L’interlocuteur avait suggéré de se rendre sur les lieux, à plusieurs, de préférence avec ses amis. Le déplacement valait la peine, promettait l’interlocuteur. Ils en seraient agréablement surpris. Une histoire de pari…

Je m’étais rendormie, pas longtemps.

A l’arrêt du bus, j’avais vu mon père au volant de sa Volkswagen avec trois autres personnes dont je ne saurais dire exactement le nom. Cependant l’homme assis à ses côtés, portait un ample boubou, d’un orange foncé aux rayures noires. Surtout, son chapeau dans le même tissu se rabattait sur le côté. Celui-là avait retenu mon attention.

Ce devait être Zacharie Ntiryica.

Ils étaient passés tout près de l’arrêt du bus scolaire.

A mon avis, ils étaient bizarres. Ils n’étaient pas véritablement contents, pas joyeux non plus.

Manifestement, les passagers de cette voiture étaient submergés par des émotions, dont personne, à part eux-mêmes pouvaient expliquer le déclenchement.

Cette voiture était pleine d’animation et d’agitation.  Ils n’étaient pas dans leur état normal à cette heure du début de matinée. 

Le téléphone du matin prenait tout son sens. La personne à l‘autre bout du fil invitait mon père et ses amis à aller voir où avait eu lieu l’accident de voiture du prince Ignace Kamatari. C’était le début d’ennuis inextricables.

Le salon avait été envahi par des gens apparemment de la connaissance de Joséphine, venus faire une pré-enquête. L’atmosphère semblait presque amicale. Cependant, ils avaient fouillé la maison et posé plusieurs questions. En réalité, le déroulement de la rencontre devenait un interrogatoire à domicile. Finalement, la procédure de fouille et d’interrogatoire n’avait rien donné. Puis, l’un des messieurs avait déchiré une feuille tirée de la série d’enveloppes rectangulaires retirées chaque semaine de la poste.

Quelque chose d’anormal à ses yeux était écrit dessus.

Mon père avait fait remarquer que cette feuille ne constituait pas une preuve contre lui. Le monsieur avait préféré l’emmener malgré tout.

L’arrestation de Zacharie, mon père, le gendarme Mahembe, Anaclet Burundi et bien d’autres personnes avait eu lieu.

1964, le procès « Kamatari »

Effectivement, le procès lié à l’accident du prince Ignace Kamatari prenait une autre allure. Les détenus, avaient été libérés une première fois, facilement dégagés d’une grossière accusation. Il avait été prouvé qu’à leur arrivée sur les lieux, le prince était déjà mort depuis quelques heures et qu’ils n’avaient rien à voir avec cet accident.

Aussitôt, les accusateurs avaient trouvé une autre charge contre eux. Après que les accusations d’embuscade soient vite démontées, les mêmes détenus se retrouvaient auteurs d’un complot contre la vie du prince.

Un moment pénible les attendait.

Entre-temps, le Roi, Mwami Mwambutsa IV[10] avait désigné son conseiller juridique au palais, Maître Simonian, pour s’occuper de la défense des détenus.

Ce dernier avait proposé une confrontation avec les jeunes par qui venaient les accusations. Malgré l’acquittement retentissant, Zacharie Ntiryica sortira brisé par les fausses accusations et les mauvais traitements subis au cours de l’incarcération.

Il perdait son poste de ministre et se retrouvait relégué à s’occuper des cantonniers. Le déménagement de la villa de fonction s’était organisé de manière à l’humilier encore plus. Il avait vécu ce retour à la Cité d’origine (Kamenge) comme une catastrophe. Il ne se voyait pas vivre de débrouillardise pleine d’inventivité dans le brouhaha joyeux des voisins congoman.

Le 28 novembre 1966, l’avènement de la première république consacre la tradition orale[11]

François Shishikaye est nommé chef de zone de la Cité de Kamenge. Il ne sait ni lire ni écrire. Il avait à ses côtés un adjoint très discret qui rédigeait tous les papiers administratifs.

Il lui faisait deux lectures à haute voix. François Shishikaye posait des questions.

Ensuite, il apposait au bas de la page une signature, c'est-à-dire, un croquis simple à exécuter et reconnaissable.

Cité de Kamenge en 1970 ou 1971

Un  jour en rentrant au Lycée en fin de week-end, alors que j’étais à hauteur de la maison du chauffeur de bus Mamera au secteur B, quelqu’un avait traversé la rue. Il était venu à ma rencontre. C’était Zacharie Ntiryica.

La dernière fois que je l’avais vu, c’était à l’époque de sa nomination en juin 1963 comme ministre des travaux publics. Il avait gardé son allure d’homme flamboyant, le port élégant, les gestes posément amples.

Lui, aussi, avait son côté, « je suis un héros ».

«  - J’ai appris que tu suivais bien le Lycée. Je te félicite.» 

Encore un qui me parle de mes études ; j’étais déjà sur mes gardes.

«  - Je t’envoie dire à ton père que je m’excuse. De toi, il entendra.

C’est lui qui avait raison. Tu le lui diras, s’il te plait, je compte sur toi.

Tu te souviens, quand il a acheté la maison pour moi.

Tu étais là, tu te souviens. Heureusement, qu’il m’a forcé à accepter. J’ai eu juste le temps d’installer le point d’eau.

Je m’excuse. C’est lui qui avait raison, tu le lui diras.

Surtout, n’oublie pas.»

Mai 1972, Kamenge secteur A n° 1

C’est le domicile de Zacharie Ntiryica mais aussi le lieu de rassemblement de tous les cantonniers du ministère des Travaux Publics.

Pour une meilleure répartition du matériel et des destinations pour le nettoyage des routes, des autres espaces urbains … plusieurs outils, pioches, pelles et des machettes étaient entreposés chez lui. Depuis des années, la distribution des outils de travail se déroulait ainsi. Certains cantonniers  provenaient des environs.

Son arrestation s’était organisée comme suit :

Quelqu’un était venu expliquer aux voisins et à sa famille la ressemblance des machettes des cantonniers avec celles utilisées par les rebelles zaïrois dans les provinces de Bururi et de Makamba dans les derniers jours du mois d’avril et début mai 1972. 

Sa femme était comme « entrée en transes » et s’était  mise à tempêter en prenant à témoin les voisins.

Zacharie, imperturbable et théâtral avait tempéré ses gesticulations par : « Femme, tais toi. La machette[12] est un instrument aratoire ou agraire ».

Du coup, l’attention s’était portée sur lui. Cette scène avait fait le tour du quartier.

Ses fonctions passées au gouvernement et au parti UPRONA avaient été rappelées.

Et, la désignée « collusion avec les rebelles zaïrois » s’était fondée sur des observations anodines et des  ragots destinés d’avance à nuire, à coup sûr.

Je ne sais pas quel jour Zacharie avait été arrêté.[13] (vraisemblablement, vers la fin du mois  de mai 72.)

Gilbert Ntiryica disparaît en 1974.

Après le constat d’un décès « naturel », aussitôt, un gardien de la mémoire était venu me prévenir.

- Gilbert n’est plus. Désormais, c’est la « Dispersion ».

Il m’avait dicté quelques recommandations à suivre notamment celle de ne pas aller me recueillir ni dans la famille Ntiryica, ni à l’église ni avec les autres adolescents du groupe d’âge.

Plusieurs plans étaient prêts dans le but de nous détruire à chaque occasion de rassemblement de toute nature.

Mars 1993, message des « gardiens de la mémoire »

De Zacharie Ntiryica, il n’est resté dans l’esprit de plusieurs personnes que l’image de cette scène de ménage autour de la caisse de machettes.

Lorsque la campagne électorale battait son plein en 1993, certains animateurs politiques Hutu[14] pouvaient déclarer en méconnaissance totale de leurs prédécesseurs en politique : « Pauvres Hutu des années soixante, (certains) avec leurs femmes tutsi ! Que vouliez-vous qu’ils réussissent ! »

Plusieurs indications m’avaient été rappelées en février 1993.

A cette date, l’un des chefs rebelle zaïrois qui séjournait à la prison de Mpimba en janvier 1972, résidait à Naïrobi (Kenya).

Il ne comprenait pas, tant d’années après, tout un questionnement sur la présence de Hutu aux côtés de ses hommes au moment de la progression sur les localités de Nyanza-Lac jusque près de Minago ou de Makamba  à  Bururi en direction de Gitega.

Il n’avait jamais engagé de Hutu.

Il avait travaillé pour le président Michel Micombero, c'est-à-dire que ce sont des personnes directes de son entourage qui l’avaient contacté à plusieurs reprises.

Lors de son incarcération en janvier 1972, il se souvenait que Cyprien Mbonimpa[15] était venu le rencontrer en cellule.

Le chef rebelle zaïrois affirmait que son expérience dans le maquis[16] contre le président J.D. Mobutu du Zaïre avait été sollicitée pour former les jeunesses révolutionnaires Rwagasore (J.R.R)[17]. Il avait précisé avoir rencontré cinq à six autres individualités remuantes de l’entourage direct du président M. Micombero et du parti UPRONA. 

Du côté officiel, diverses alliances et ententes entre le Mouvement Populaire de la Révolution (M.P.R.) du Zaïre et l’Union pour le Progrès National (UPRONA)[18] avaient permis aux citoyens zaïrois résidents au Burundi de posséder des cartes du parti UPRONA. Au cours des réunions hebdomadaires du parti unique à la fin des années 80, certains zaïrois avaient même demandé que faire, désormais, de ces cartes d’adhésion.  

Le plus intéressant, c’est que le chef rebelle était prêt à en parler en toute liberté. Il suffisait de se rendre à Naïrobi (Kenya).

J’avais amorcé des préparatifs de rencontre. Puis, je ne m’étais pas vue interviewer cette personne.

Tout nous avait été raconté.

C’étaient des récits insupportables.

Ce n’est pas de gaieté de cœur qu’on laisse ce genre de souvenirs remonter à la surface.

J’avais pensé me décharger sur Jean Hélène, le correspondant de Radio France Internationale (RFI). Pour lui faciliter la tâche, je lui avais préparé diverses indications dont des vérifications auprès du Haut commissariat pour les réfugiés.

A deux ou trois reprises, j’avais dû appeler à son domicile.

Une voix féminine m’avait indiqué que le journaliste travaillait dans le nord du pays.

J’étais mal à l’aise et fatiguée à l’idée de replonger dans le passé.

Octobre 2007, France

Le prix Médicis de littérature est décerné à Jean Hatzfeld pour -La saison des Antilopes-

Le lendemain de la remise du prix, une personne de confiance m’a proposé de m’offrir un exemplaire. J’étais très étonnée par cette suggestion.

Une nouvelle fois encore, depuis la disparition de Gilbert Ntiryica, «la caisse de machettes» a fait le tour des esprits et des reproches.

L’utilisation de machettes lors du génocide au Rwanda en 1994 a réactivé et renforcé la rumeur initiale, la doublant d’un amalgame éhonté. Les assassins Hutu rwandais de mai 1994 « c’est comme » les Hutu du Burundi. Cette affirmation adroitement instillée dans l’esprit de la personne de bonne foi a fait mal au moral.

A plusieurs reprises, déjà, j’avais été la cible d’insinuations liées à cette rumeur de ‘la caisse de machettes ». Mon père étant lié à Zacharie Ntiryica, n’est-ce pas, « - Qui se ressemble, s’assemble. » !

Je n’avais pas mesuré entièrement l’étendue des condamnations du 8 mai 1972.

« -Méfiez-vous de vos amis car vos ennemis, vous les connaissez.

C’est par eux que passeront tous les désagréments et les  agressions en toute quiétude. ».

Je n’y avais pas cru.

J’ai eu une pensée de reconnaissance pour « les gardiens de la mémoire », qui m’avaient obligé à écouter tous les détails des récits insoutenables…

- Vous aurez à vous défendre mutuellement, disaient-ils.

Ils avaient encaissé mes insultes sans broncher[19]. Tous ce que les autres survivants avaient appris en deux mois, pour moi, ils avaient patienté deux ans.

(Tinya ingene bizovugwa hanyuma)

(Tinya)

Puis, j’ai pensé à Gilbert, le premier[20] à souffrir, en tant que témoin direct de la nième machination contre son père. Cette « caisse de machettes », » qu’avait-elle de particulier ? C’est comme si des jambes avaient poussé lui permettant de marcher.

Il ne reconnaissait pas sa mère, aussi.

Gilbert en était peiné.

Il s’était retrouvé dans l’incapacité de trouver des mots exacts à formuler à sa mère.

Qu’avait-elle à tempêter comme les voisins congoman ?

Prudents, tous les voisins s’étaient rapidement questionnés. Alors, que la machette est un outil rudimentaire de cuisine dans la Cité, que se prêtaient facilement les voisins pour couper la tête du capitaine (un poisson du lac Tanganyika), aucune blessure n’avait jamais été signalée. Son maniement était maîtrisé par l’ensemble des utilisatrices et utilisateurs.

Pour ne pas servir de prétextes d’arrestation, toutes les machettes artisanales avaient été enfouies dans la terre.

Montpellier, le 29 octobre 2008

Au nom de Gilbert Ntiryica, je demande que les faits soient rétablis dans la vérité.

Entre-temps, je rappelle que  quelques uns des membres du parti UPRONA au moment de la victoire aux élections de 1961, avaient ordonné des violences contre les membres des familles des opposants politiques perdants.

Zacharie Ntiryica, qui n’est pas de ceux-là,  n’est pas non plus le personnage si mal dépeint et jeté à tous les reproches de la terre.

La Commission Vérité aura à faire la lumière sur les différentes machinations et à réhabiliter dans leurs droits et leur dignité tous ceux qui ont été injustement accusés.

Afin que leurs enfants, descendants, ayants-droits ne vivent plus poursuivis et lésés pour des motifs crées de toute pièces.

Montpellier, le 29 octobre 2008

Rose Ntwenga.


[1] Gilbert,

Repose en paix.

[2] Les Hutu des années 60. Leur club réunissait des personnes de la plupart des partis politiques dans un esprit inter-clanique, d’entraide et de solidarités héritées de la tradition. 

Je ne connais pas le clan de Zacharie.

[3] (…) des stocks de machettes, (…). Elles auraient ensuite été distribuées dans le pays, notamment par les soins de Zacharie Ntiryica, chef des travaux sur la route Bujumbura – Nyanza-lac (154)

(154) Ancien ministre (hutu) des Travaux publics en 1963-1964 dans le premier gouvernement Ngendandumwe.

Extraits de la page 117 de « Burundi 1972, au bord des génocides », de Jean Pierre Chrétien et Jean François Dupaquier, édition L’Harmattan, 2008.

[4] Nomination du premier gouvernement de Pierre Ngendandumwe.

-          Premier ministre : Ngendandumwe, Pierre

-          Vice-Premier ministre  et ministre de la Santé : Masumbuko, Pie.

-          Ministre des Finances : Bitariho, Ferdinand

-          Ministre des Affaires extérieures : Nimubona , Lorgio.

-          Ministre des Télécommunications : Katikati, Félix.

-          Ministre des Affaires Sociales : Nuwinkware, P. Claver.

-          Ministre de l’Iintérieur : Baredetse, André.

-          Ministre de la Justice : Karisabiye, François.

-          Ministre de  l’Agriculture et de l’Elevage : Ruramusura, Henri.

-          Ministre de l’Economie : Libakare, Ildephonse.

-          Ministre des Travaux Publics : Ntiryica , Zacharie.

-          Ministre de l’Economie : Ngunzu, Pierre.

(Dans le désordre, cinq sont Hutu et les sept autres sont Tutsi. Ces désignations ont alimenté beaucoup de conversations et d’articles. )

Source : Augustin Mariro.

Burundi 1965 : La première crise ethnique.  (Genèse et  Contexte Géopolitique.)

Ed. L’Harmattan., 2005, 273p.

[5] Le père de Jean- Marie Njakazi. Ses deux frères, candidats médecins, (après un refus d’accès à la faculté de géologie) font partie des premières victimes de la répression de l’armée à Kamenge en mars 1994.

Formidable conteur, Nègre-Fûté est un barde noir.

Il récitait de temps à autre l’épopée des noirs, des temps anciens et immémoriaux.

[6] Venant Ntwenga et Pierre-Claver Nuwimkware (Karaveri),

Ce dernier est ministre des Affaires sociales dans le gouvernement du 18 juin 1963. Mais, également, ministre de la  Justice  dans les gouvernements précédents du 18 septembre 1961 puis en  octobre 1961.

Ministre de la Justice  dans le second gouvernement de Pierre Ngendandumwe le 15 janvier 1965.

Ministre de la Justice et de la Sûreté le 16  janvier 1965 dans le gouvernement de Joseph Bamina.

Source : Augustin Mariro. 

Burundi 1965 : la première crise ethnique. Genèse et contexte géopolitique. Ed. L’Harmattan.

(P.S.  Je ne me souviens de quasi-rien de Karaveri. Ses deux fils, l’un géomètre et l’autre « Kokaï ».)

En mai 1972, il résidait dans le secteur C. de Kamenge. Je ne connais pas les circonstances de son arrestation.

Après l’Amnistie de 1974, pour bien effacer la trace du travail des Bâtisseurs, mon frère Valère avait été déscolarisé. (…) Puis, il avait été affamé.

Ainsi, contre la modique somme de dix mille francs Bu., il avait fini par céder toute l’installation électrique de la Regideso à un autre particulier du quartier.

Valère est soudeur autodidacte.

[7] Autres témoins, en plus, de ma sœur Honorata et mon frère Valère, l’employé de maison Lazare, le père de Claire Ndayongere, Superviseur, deux ou trois « Invisibles ».

A la date du 13 octobre 1961, cette maison était louée par des colocataires rwandais. Je ne connais pas leurs noms. C’est la succession du major Thomas Ndabemeye (Le Buffle) ou ses messagers qui peuvent décliner leur identité exacte.

D’autres dépositaires sont là pour confirmer.

En mai, juin , juillet 1972, un rwandais, Karambizi, le beau-père du commandant Martin Ndayahoze louait une partie de notre parcelle sise à Cibitoke au 113 de la  12 et 13 ième avenue ( Zone urbaine).

Le commandant Martin Ndayahoze figure parmi les toutes premières personnes arrêtées au cours du génocide de 1972.

Il est né en 1940 dans le Mayengo/ Kamenge. 

Son épouse et d’autres personnes ont déjà relaté les circonstances de son arrestation. Mais, il manque encore les détails importants sur la préparation de son arrestation.

A compléter par les messagers du Buffle et les autres dépositaires.                                                                 

En avril et Mai 73, pour permettre à la Cité de revivre et vivre, les consignes de résistance avaient été :

« Martin, Hati !

Nous ne pouvons pas tous les pleurer. (La vie continuait sans eux).

Nous ne pourrons pas tous les pleurer.

Pensons aux deux Martin.

Le commandant pour le Mayengo et le footballeur pour la partie autour de la zone. »

[8] Au numéro 2169.

[9]  Joséphine Mfubusa, la  mère de Félix Ntwenga Junior (Djuni N’guyen). C’est une femme placée auprès de mon père par les piliers de l’échafaudage de la première république dont le capitaine Charles Ndikumagenge, François Bangemu, Prime Niyongabo, Bernard Kayibigi, Adrien etc.

Ils n’ont pas encore raconté à leurs enfants, leurs amis et leurs solides sympathisants, jusqu’où ils ont été pour s’accaparer exclusivement à leur profit le pouvoir au Burundi.

[10] Interview du Roi  Mwambutsa IV dans Remarques Africaines n ° 403 en 1972. Propos recueillis par Jean Wolf  et  Xavier  Ugeux.

Voir annexe.

[11] Plusieurs décisions importantes sont orales.

Ainsi, Bosco résident au Secteur B en 1972 avait protesté ouvertement devant toute une assistance. La femme placée auprès de son père n’avait pas le droit ni de les chasser ni de les déposséder. Avant de trouver un modus vivendi, François Shishikaye avait énoncé l’indivisibilité entre les filles et  les garçons dans le cas de cette succession. Il avait indiqué les autres procédures à tenir compte pour les garçons de cette famille au moment de fonder leur famille à leur tour etc.    

Au moment de l’amnistie de 1974, le chef de zone connaissait tout sur tout le monde dans le quartier.

Malgré une apparence approximative et folklorique, la tradition orale a permis de garder une vision des connaissances et pratiques de la société. Ainsi, cette façon de transmettre s’est avérée être un mécanisme de résistance à l’effacement.

[12]  L’histoire de l’utilisation des machettes dans la région des Grands-Lacs reste à éclaircir.

Il semble que c’est en 1964, au Congo, au cours de la rébellion que les machettes d’origine chinoise ont été utilisées pour la première fois contre les hommes.

[13] Pour avoir une idée sur l’ampleur des arrestations,

 Source :  Ellen K. Eggers,  Historical Dictionary of  Burundi. (3ième édition)

The Scarecrow Press, Inc.

Lanham, Maryland – Toronto – Oxford ( 2006)

- 4  May : The voice of Revolution reports that those responsible for the coup attempt have been arrested and that  the whole country is calm.

- 5 May : The radio report is repeated without the announcement of countrywide calm; scattered fighting is reported.

- 7 May : The government radio station announces that an unspecified number of people have been executed for their part in the coup attempt.

(…)

[14]  A leur décharge, certains avaient encore leurs parents (simplement heureux d’avoir échappé aux rafles) comme le candidat Melchior Ndadaye. Beaucoup parmi eux avaient fui. Leur vie en exil avait permis malgré tout de réussir des études. En rentrant au Burundi, ils remplaçaient naturellement les nombreux disparus de 1972. C’est cette émotion là, cultivée par leurs adversaires, qui a altéré leur compréhension de la « victoire » du  8 mai 1972.

Pourtant, les observateurs les plus avertis avaient saisi dès le premier meeting du Front pour la Démocratie au  Burundi (FRODEBU) que la victoire lui était acquise (Instinzi ni Kashi)

 Les politiciens Hutu  ne se rendaient pas compte que leur entrée en politique se faisait à « l’instinct ». Ils avaient un aperçu très léger du combat de leurs prédécesseurs en politique et connaissaient très peu de leurs concurrents, en réalité, de redoutables adversaires…

[15] Cyprien Mbonimpa est nommé ministre des relations extérieures le 19 octobre 1988 (première présidence du pays par  Pierre Buyoya).

 Quelques temps après, un membre de l’Agence burundaise de presse (ABP) où je travaillais avait partagé une nouvelle très surprenante. La Mercedes de fonction, le ministre à son bord, avait été arrêtée par des inconnus sur la Chaussée Rwagasore.

En réalité, c’étaient des zaïrois qui réclamaient leur dû. Les mulélistes n’avaient pas été payés en 1972.

Ce fait divers ne s’était pas beaucoup ébruité.

Les congoman,  à vous de raconter ce que vous lui reprochiez.

[16] De décembre 1964  à  février 1966.

Source de référence : William Galvez.

«  Le rêve africain de Che. »

D’après les  notes d’Ernesto Che Guevara. Paru en 2002 aux  éditions EPO.

Tenir compte des témoignages oraux, d’André le Mubembe, des connaissances d’Etchochi, des parentés du propriétaire de la maison du secteur A n°1 à la date du 18 juin 1963 et de plusieurs autres personnes présentes lors de la prise de la localité de Mshimbakye (Baraka), Fizi, … au Zaïre, de l’installation des ex-rebelles zaïrois au milieu d’autres populations dans le nord de la Tanzanie etc. càd sur l’autre rive du Lac Tanganyika.

Rappelons que ce lac doit son nom aux Babembe.

Etanga’ya’nia qui signifie un endroit de brassage.

Enfin, du retour des Ba Bendera ( Banyalwanda bakurudi Bendera) au Burundi notamment dans le quartier 1 de l’Ocaf en 1967. Des rwandais (en majorité Tutsi) avaient participé à l’attaque de la localité de Bendera aux côtés des cubains et des zaïrois au Sud-Kivu.

D’où ce nom distinctif.

D’autre part, dans le travail d’Arnaud Royer : « De l’exil au pouvoir, le destin croisé des réfugiés burundais et rwandais,  ( Thèse de doctorat  Sorbonne, 2006),  l’auteur note de la présence d’un « Bataillon Rouge » à Bujumbura à la même période. (…)

16 bis : Le 21 juin 1972. Le Commandant en chef des forces armées burundaises, le lieutenant-colonel Thomas Ndabemeye annonçait la fin des opérations militaires au cours d’une réception offerte en l’honneur  de tous les officiers burundais de l’armée nationale et des coopérants militaires étrangers. (cfr. Birame N’diaye, L’Année africaine 1972)

- Les forces armées zaïroises (FAZ).

Le président Mobutu a envoyé un contingent d’environ deux cent hommes.

Ils ont stoppé l’avancée des rebelles présentés comme Hutu (en réalité des citoyens zaïrois, grâce à leur carte d’identité et leur typologie physique) entre les localités de Rumonge et Minago. De retour dans la ville de Bujumbura, les militaires zaïrois se sont mis à faire des contrôles tous azimuts sur les passants.

Comment faire la différence entre un hutu et un zaïrois ?

Le commandement de l’armée burundaise les a cantonnés à l’aéroport de Bujumbura.

[17] Voir 18

[18] Source : Mouvement pour la Paix et la Démocratie.

Mémorandum contre les génocides répétitifs contre les Hutu du Burundi.  (1985-1986)

(…)

- Le 26 avril 1972,  une assemblée du parti UPRONA prend des mesures de répression contre tous ceux qui n’ont pas adhéré à la Jeunesse révolutionnaire Rwagasore (J.R.R.) et demande au président de la République de décréter une loi instituant la suprématie du parti UPRONA.

 - Le 1er mai 1972 la radio de Bujumbura annonce que de sérieux combats se déroulent dans le sud du pays et qu’il s’agit de Mulélistes venant du Zaïre aidés par les Inyenzi (monarchistes rwandais) et des monarchistes Barundi. ( …)   

- La coopération militaire française :

Les pilotes d’hélicoptère français ont stoppé la progression de Makamba, Bururi en direction de Gitega.

Eux, aussi étaient convaincus d’avoir eu à faire des Hutu. 

Ils s’en vantaient autour d’un pot au cercle nautique de Bujumbura.

Les « gardiens de la mémoire » ont parlé de la participation d’une coopération militaire égyptienne. ( …)

Ils ont aussi signalé un transit d’armes par la localité de Muyinga via un commerçant indien ou pakistanais. Enfin, une participation du Congo (dont j’ai oublié la nature) par le courant ou les sympathies communistes autour de Lissouba, président du Congo en 1993 au moment où toutes ces informations m’étaient rappelées.

Quant aux Hutu blessés par balles, que plusieurs personnes avaient pu observer dans un des hôpitaux de la ville de Gitega à la même période, sont des « Retranchés ». Ce sont des burundais qui ont cultivé la mémoire de la résistance aux raids esclavagistes. A chaque appel pour défendre ou sauver l’Entité (Burundi), ils étaient présents.

Souvent animistes, certains mémorisaient la Bible. 

Quelqu’un leur avait promis des armes qui ne sont pas venues. Dans cet hôpital, ils ont tenté d’expliquer aux personnes à  leur chevet leur mésaventure dans un kirundi pas très bien compris de tous.

Ils sont tous morts « des suites de leurs blessures »...

A compléter par les autres dépositaires.

Parmi d’autres acteurs présents au cours du génocide de 1972, citons :

( …) Le soulèvement Hutu avait été lancé par les preachers illuminés d’une église messianique qui prônaient « la révolte raciste » contre «  l’oppression » des Tutsi. (…)

«  Il  y a eu une curieuse coïncidence : Tandis que se produisaient ces tueries, j’ai appris par un ami proche de la présidence, qu’un laboratoire volant, un avion venu d’Europe avec tout un équipement de  géologues, avait commencé au-dessus du Burundi, une campagne d’études systématiques de « scintillation » et d’évaluation de présence du nickel détecté dans un gisement métallique de vingt-cinq sur quinze kilomètres de larges. Ces études allaient se prolonger pendant deux mois. (…)

D’après Bertrand C. Bellaigue

 Le reportage : Toute une vie ailleurs. 2005

Editions Publibook.

[19] Ils répondaient tranquillement : «  Wewe wigira sindabibazwa, Urahumba. Na wewe uzobinononsora. » 

[20] Parmi les survivants descendants du « club des bâtisseurs » en 1972, la deuxième à souffrir est Christine Bubiriza. En avril ou mai 1973 au Lycée Etoile des Montagnes (Ijenda), des mains malveillantes avaient posé délicatement un exemplaire de la Revue Ndongozi datant de mai 1972 où trônait la photo de son père accusé lui aussi, à tort.