Nyangoma appelle à lever les "obstacles actuels à des élections libres et impartiales" |
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@rib News, 01/11/2008 CONFERENCE DE PRESSE DU PARTI CNDD SUR LA QUESTION ELECTORALE : A LA RECHERCHE D’ASSISES ET DE GARANTIES Bujumbura le 29 octobre 2008 Par Léonard NYANGOMA Député et président du parti CNDD 1. A la lumière des irrégularités qui ont entaché les élections de 2005 au Burundi; le CNDD interpelle le gouvernement, la classe politique burundaise, le peuple burundais et la communauté internationale sur les obstacles actuels à la tenue d’élections libres, transparentes, justes et impartiales et enfin propose des mesures nécessaires pour l’organisation prochaine d’élections crédibles. I. Aperçu critique sur les élections de 2005 : Des élections ni libres ni honnêtes 2. Les élections communales de juin 2005 n’ont été ni libres ni honnêtes. Des élections libres sont caractérisées par l’absence de pression et d’intimidation. Elles sont marquées par l’entière liberté d’opinion, de réunion, d’expression et de manifestation. Le système judiciaire doit être neutre, indépendant, non corrompu et avoir la latitude décisionnelle et fonctionnelle en termes d’autonomie de moyens et d’action. Or les communales de juin 2005 ont été caractérisées par la terreur : elles se sont déroulées sur fond de guerre dans au moins deux provinces du pays. 3. Des élections honnêtes supposent le respect des dispositions légales, l’égalité des citoyens quant à la capacité d’élire et d’être élus. Cela suppose aussi la connaissance des règles de jeu par les électeurs. Malheureusement les élections de 2005 n’ont pas été honnêtes. Les irrégularités suivantes ont été constatées. L’article 5 de la constitution stipule que « tous les textes législatifs doivent avoir leur version originale en kirundi ». Or le code électoral était en français. L’impact de la non-publication du code électoral en kirundi est grand puisque la majorité des acteurs impliqués dans le déroulement des élections, notamment les mandataires politiques, ne connaissent que le kirundi. A ces manquements ajoutons : La corruption, l’achat et la vente des consciences ont été systématiques au cours de ces élections à travers tout le pays ; de nombreux cas de vote par fausse procuration ; l’absence des noms sur les listes de personnes en âge de voter qui s’étaient fait inscrire ; le vote des étrangers et surtout le financement massif par l’étranger de certains partis, en violation de la loi. 4.Les élections législatives de 2005 ont subi le contrecoup des irrégularités des communales. Dans son rapport de décembre 2005 [1], la CENI reconnaît implicitement dans son rapport sur le processus électoral au Burundi le caractère non honnête des législatives. La CENI a également invoqué à sa propre décharge « les insuffisances, les contradictions et les imprécisions de la loi ». II. Les principaux obstacles actuels à des élections libres et impartiales 1. L’absence de paix et de sécurité durables 5. Outre les imperfections des instruments légaux, il y a d’autres obstacles majeurs à la tenue d’élections crédibles. Parmi ceux-ci : le manque de paix et de sécurité. La paix est non seulement absence de guerre, cessation de la violence comme moyen de recherche des objectifs politiques, économiques et sociaux, mais c’est aussi la tranquillité des esprits et des cœurs, la confiance dans l’avenir, le sentiment stable et durable de sécurité. Or, la question des FNL-PALIPEHUTU n’a pas encore reçu une issue claire et définitive, ce qui entretient un climat d’incertitude, d’autant plus que beaucoup d’actes de banditisme et de violence sont attribués à tort ou à raison, à ce mouvement. 6. L’insécurité hante le quotidien des Burundais et connaît des pics alarmants. Vols à mains armées, crimes crapuleux, viols et embuscades mortelles sont monnaie courante et sont souvent imputés à des éléments incontrôlés et mal encadrés des forces de défense ou de sécurité. Trop d’armes légères circulent dans la population, et sèment la mort, aggravent les litiges familiaux et désolent les fêtes et cérémonies normalement consacrées à célébrer la vie et la convivialité. 7. Cet état de fait entraîne le découragement, annihile la foi dans les valeurs patriotiques, provoque les replis sectaires et sape les valeurs morales. Il crée le pessimisme et multiplie les actes de lâcheté et de désespoir. Dans ces conditions la tenue d’élections libres et honnêtes devient aléatoire. Cela d’autant plus que la mise de la magistrature sous la tutelle ombrageuse de l’exécutif rend incertain l’arbitrage d’une justice trop longtemps manipulée. 2. Une constitution inadaptée a. La neutralité et l’indépendance de la Commission Electorale Nationale Indépendante, la CENI en sigle sont introuvables 8. Le Titre IV de la loi fondamentale du Burundi est consacré aux élections et dispose notamment que : « Les élections sont libres, transparentes et régulières. Le code électoral en détermine les modalités pratiques. » La CENI est composée de 5 personnalités indépendantes nommées par décret après approbation par les ¾ des députés et des sénateurs votant séparément. 9. En réalité la Commission Electorale Nationale Indépendante prévue par la constitution du Burundi ne donne pas à l’opposition les garanties de neutralité, d’impartialité et d’équilibre. Le fait qu’elle soit approuvée par l’Assemblée nationale et le sénat n’est pas un gage d’équilibre et d’impartialité. Cette condition aboutit simplement à refléter la majorité du moment et tend à la favoriser électoralement. De plus le nombre de commissaires (ils ne sont que 5) est trop restreint pour des missions aussi capitales que complexes. 10. Par ailleurs le fait qu’elle ne soit pas permanente expose le pays à des improvisations, à des risques de ratés et de violences. Enfin l’article 91 de la constitution confie entre autres missions à la CENI d’ « Entendre les plaintes concernant le respect des règles électorales et y donner suite. Les décisions de la Commission sont sans appel » Ceci entre en compétition avec les attributions de la cour constitutionnelle en matière électorale. En effet, l’article 228 de cette même constitution stipule entre autres que la cour constitutionnelle est compétente pour «statuer sur la régularité des élections présidentielles et législatives et des référendums et en proclamer les résultats définitifs » Que se passerait-il si la Commission déclarait « sans appel » que les élections ont été régulières et que la Cour constitutionnelle disait le contraire ? Rappelons qu’aux termes de l’article 231 alinéa 2 de la constitution : « Les décisions de la Cour Constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours » 11. Tout cela plaide pour l’institution d’une commission paritaire majorité opposition ; pour l’élargissement de la commission jusqu’à au moins douze membres, et pour la nécessité d’une commission permanente chargée de toutes les questions électorales. La permanence n’est pas nominativement individuelle, chaque camp peut renouveler ses représentants au sein de la commission. Enfin il faudrait une redéfinition et une harmonisation légale de ses missions par rapports à celle de la cour constitutionnelle. b. Liberté électorale et secret du vote insuffisamment garantis 12. Le secret du vote est un impératif majeur : La Déclaration sur les critères pour des élections libres et régulières, stipule en son paragraphe 2 alinéa 7 « Le droit de voter dans le secret est absolu et ne peut en aucune façon être restreint. » L’article 99 de la constitution relatif au parrainage lors des élections présidentielles n’a donc pas sa place, car il viole le secret de vote . 3. Un code électoral incomplet et inadéquat a. De la Commission Electorale Nationale Indépendante ,la CENI. 13. Un seul article lui est consacré en l’occurrence l’article 3. Quand l’on sait le rôle primordial joué par cet organisme dans l’ensemble du processus électoral, l’on est surpris par l’espace qui lui est réservé. Les modalités de sa mise en place, sa composition, ses attributions, sa durée, les modalités de renouvellement de ses membres devraient figurer en première place de ce code électoral. Il en est du reste ainsi dans de nombreux pays africains tels que le Sénégal, le Togo, le Gabon, etc. De même que devraient être précisés la nature de rapports le liant avec le Ministère de l’Intérieur. Dans le Code électoral burundais, il est seulement précisé que : « Ses missions, sa composition, son organisation et son fonctionnement sont déterminés par des dispositions spécifiques. » 14. Il existe un grand risque qu’on fasse faire de tout à la CENI grâce à ces « dispositions spécifiques. » Comme le souligne le rapport de l’Union Européenne, ce flou juridique a parfois « étendu – de facto- le domaine d’intervention de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) à des décisions de nature politique, encourageant ainsi l’exercice de pressions à son égard.» Il va sans dire que ce sont les partis au pouvoir qui profitent de cette situation parce qu’ayant la latitude d’influencer les décisions de la CENI. 15. La dissolution de la CENI après les élections constitue un recul dans le processus de capitalisation d’expérience en matière des questions électorales : mémoire électorale, réflexion continue sur l’amélioration du processus électoral, remise à jour régulier du fichier électoral, etc. Si les burundais veulent une évolution continue vers un système démocratique, une CENI permanente paritaire majorité-opposition est une nécessité absolue. En effet, il vaut mieux un organe politiquement équilibré et non simplement présumé indépendant sans que cette indépendance soit attestée. Le code électoral précise bien d’ailleurs en son article que : « Un bureau électoral composé d’un président, de deux assesseurs et de deux suppléants est désigné pour chaque bureau de vote par la Commission Electorale provinciale Indépendante parmi les électeurs inscrits au rôle dudit bureau dans le respect des équilibres politiques, ethniques et du genre. » Ce souci d’équilibre devrait être observé au niveau de la commission nationale et de ses démembrements provinciaux et communaux. b. Du fichier électoral. 16. Le fichier électoral est fondamental : c’est lui qui transmet la souveraineté du peuple à ses représentants. « Il est l’agent d’exercice par excellence de la souveraineté nationale » (G. Burdeau). Le corps électoral est formé par l’ensemble des personnes qui bénéficient juridiquement du droit de voter.[2] 17. Le Code Electoral du Burundi définit la qualité de l’électeur, les modalités d’inscriptions sur les listes électorales et de recours. Des omissions, imprécisions et un transfert vague des responsabilités à la CENI sont à déplorer : Il n’est pas clairement dit qui entre la CENI et le Ministère de l’Intérieur doit gérer le fichier électoral. Le fait de débuter les inscriptions à 45 jours de la date du scrutin au plus tôt (35 jours au plus tard) ne permet guère d’établir un fichier électoral fiable. Quand l’on sait que la démocratie est une pratique très récente au Burundi, le taux d’analphabétisme important, un fichier d’état civil à ses balbutiements, il faudrait davantage de temps pour établir un fichier électoral crédible. 18. Il est temps d’établir un fichier électoral permanent qui serait remis à jour régulièrement. Dans ce sens la disposition de l’article 13 du code électoral stipulant que : « L’enrôlement se fait à chaque type de consultation populaire. Toutefois, le Ministre ayant l’Intérieur dans ses attributions peut décider que la tenue des rôles soit permanente et qu’elle fasse l’objet d’une révision périodique selon les modalités qu’il détermine » doit être revu. 19. L’article 16 stipule que «l’inscription au rôle électoral est attestée par la délivrance d’une carte d’électeur ». Pour un fichier crédible, la carte d’électeur ne devrait être délivrée qu’après vérifications des doublons, des omissions, des radiations, des inscriptions multiples, etc. De ce fait un certain délai s’écoulera avant que l’électeur ne soit en possession de la carte. En attendant un récépissé pourrait lui être délivré qu’il présentera pour le retrait de sa carte d’électeur. - Le délai entre la fin des inscriptions électorales et le scrutin n’est pas clairement défini. - L’article 20 stipule que « les rôles électoraux peuvent être consultés par toute personne intéressée ». Seules des personnes particulièrement averties de l’intérêt de figurer sur les listes électorales demanderont à les consulter. Et cela suppose une disponibilité sans faille de ceux qui sont chargés d’établir les listes électorales. 20. Il nous paraît plus simple d’afficher les listes électorales. Mais où et quand ? L’objectif d’afficher ces listes est essentiellement celui de permettre aux électeurs de s’assurer qu’il n’y a eu ni omissions, ni doublons, ni erreurs sur les identités ou autres irrégularités (inscriptions des personnes déjà décédées, des étrangers, des mineurs, …). Il faut de ce fait suffisamment de temps : un délai de soixante jours avant le scrutin nous paraît raisonnable pour d’abord relever les erreurs, puis faire le recours. c. De la campagne électorale. 21. Il s’agit d’une période capitale dans la conquête des suffrages. L’on note que le Code électoral est muet en ce qui concerne son financement. Ceci est pourtant prévu par la loi fondamentale et reste déterminant. Une discussion pourrait être menée quant au financement des partis par l’Etat. L’objectif étant d’éviter des financements obscurs qui peuvent être préjudiciables à la souveraineté nationale. 22. L’utilisation abusive et indue des moyens de l’Etat par le(s) parti(s) au pouvoir est de pratique presque banale. Il manque suffisamment de garde-fous dans ce code, contre ce détournement de l’argent du contribuable et qui de surcroît entraîne une rupture d’égalité entre les candidats. Une disposition réprimant cet abus devrait y être incluse. 23. De même, le recours à une rhétorique ethniste, régionaliste, xénophobe ou même basée sur la religion devrait être expressément interdit. Des sanctions et leurs modalités d’application devraient être clairement prévues par le code électoral. L’intimidation des électeurs par des menaces à peine déguisées, le chantage à l’emploi et par des actes de violences doivent être sanctionnées. 24. Dans les jours qui précèdent la campagne officielle, une propagande déguisée est souvent menée, surtout par le(s) parti(s) au pouvoir. Elle se manifeste par des déclarations publiques de soutien à un candidat ou à un parti politique (par des associations ou des personnalités influentes), des inaugurations, des poses des premières pierres, des dons, etc. Cette pré campagne devrait être interdite, au moins dans les six mois précédant la campagne officielle, à travers un article du code. Des moyens et modalités de recours pourraient être mieux définis et fixés. d. Des opérations de vote. 25. Le nombre de bureaux de vote et leurs sites devraient être publiés plusieurs semaines avant le début de la campagne électorale. L’article 37 précise à juste titre que « le bureau électoral doit s’assurer que le nombre des enveloppes est suffisant » avant le début du scrutin. Mais pour se prémunir contre les intimidations et autres achats de conscience, l’instauration d’un bulletin unique amènerait un peu plus de facilité et de crédibilité. L’électeur n’aurait plus qu’à cocher ou signer dans la case correspondant à son candidat ou sa liste préférée. 26. Par ailleurs il est évident que la présence dans les bureaux de vote des observateurs mandataires des candidats est une pièce maîtresse de la régularité du vote. Leur expulsion ou l’obstruction quelconque à leur présence active devrait être sanctionnée sévèrement par le code électoral. 27. L’article 54 du code qui dispose que : « Les agents de l’ordre ne peuvent être placés à l’intérieur ou aux abords immédiats du bureau de vote, sauf les cas de réquisition par le président du bureau électoral » mérite d’être plus précis : que veut dire aux abords immédiats ? Chacun peut l’interpréter à sa façon. Ne faudrait-il pas par exemple préciser que les forces d’ordre se tiennent à au moins cent mètres du bureau de vote ? e. Du dépouillement et transmission des procès verbaux 28. Les conditions d’acheminement des procès-verbaux des bureaux de vote à la Commission Electorale Communale Indépendante, puis la Commission Electorale Provinciale Indépendante, et à la Commission Electorale Nationale Indépendante sont imprécises. Il est souhaitable que les procès-verbaux soient mis sous plis scellés et ouverts (à l’arrivée) en présence des mandataires des partis. Et cela à toutes les étapes. 29. De même le scrutin gagnerait en transparence si à chaque séance de dépouillement les mandataires des partis avaient effectivement les copies des procès-verbaux. L’argument selon lequel le nombre élevé des candidatures et l’absence des moyens de reprographie ne doit pas constituer un obstacle : la remise d’une copie aux partis de la majorité, d’une autre à ceux de l’opposition et d’une troisième à la CENI serait déjà une bonne sauvegarde. Charge à chaque camp de s’organiser en conséquence. f. Des voies de recours et des sanctions. 30. Seules les modalités de recours contre l’inscription, l’omission sur les listes électorales ou la radiation sont claires. Tous les autres recours sont marqués par un flou juridique : à qui sont-ils adressés, dans quels délais y sera-t-il fait suite ? Si la constitution dispose que les décisions de la CENI sont sans appel (article 91), la loi électorale stipule en son article 83 que la Cour Constitutionnelle est compétente pour connaître des recours en matière des élections présidentielles, législatives et du référendum. Il y a, répétons-le, un problème de hiérarchie de compétence, voire une incompatibilité dans ces dispositions. De plus la loi n’est pas précise quant aux leviers juridictionnels et de police dont dispose cette commission et est muette sur les sanctions administratives applicables aux contrevenants. 31. En outre, il y a lieu de se poser des questions sur la nature des sanctions. Prenons l’exemple de l’article 219 : « sera puni de servitude pénale de six mois à cinq ans et d’une amende de 20.000 à 100.000 francs ou de l’une de ces peines seulement celui qui, par voies de fait, violences, etc. » Autant la servitude pénale est sévère, autant la sanction financière est très inconsistante. Et comme le fautif peut s’en sortir rien qu’avec la sanction pécuniaire, celle-ci risque d’être peu dissuasive. L’on note cette discordance entre la sanction de servitude et la sanction pécuniaire. 4. L’intolérance brutale du pouvoir en place 32. L’intolérance brutale du pouvoir en place se manifeste dans divers domaines de la vie nationale. Le refus de la contradiction et de la seule différence conduit à embastiller les journalistes, à radier illégalement des députés, à refuser de façon injustifiée l’existence légale à des partis, à monopoliser et à politiser l’administration publique, à évincer indûment des administrateurs communaux, à bafouer le droit des partis de se réunir, de manifester et de mener librement et pacifiquement leurs activités. Dès lors le défi est de chercher comment éviter que le pire ne devienne notre horizon permanent. 5. Aperçu des techniques de fraude couramment utilisées 33. Des élections ont été organisées un peu partout, mais l’on constate que malgré une impopularité notoire, de nombreux dirigeants ont pu garder les rênes du pouvoir après plusieurs scrutins. Il ne s’agit pas de la magie mais de véritables laboratoires de la fraude mis en place par les régimes chancelants. La tricherie se passe à toutes les étapes des élections. Mettre à nu les techniques de fraudes, c’est rappeler aux acteurs politiques la vigilance qui doit être la leur pour déjouer les ruses des ennemis de la démocratie. a. A la phase préélectorale. 34. C’est une période de pré-campagne ou campagne insidieuse, profitable pour les partis au pouvoir. Des tournées « républicaines » sont organisées par le chef d’Etat et des Ministres ; des inaugurations, des pauses des premières pierres pour édifier des bâtiments publics, des dons d’ambulances et de médicaments, des gratifications en argent et des promesses sont faits. b. Le fichier électoral 35. Il peut être l’objet de grandes tricheries depuis les inscriptions jusqu’au retrait des cartes d’électeur. 36. Dans des zones supposées proches de l’opposition, les personnes chargées des inscriptions sont fréquemment absentes, « manquent » du matériel pour travailler, n’ont pas encore reçu l’ordre de débuter les inscriptions, … des omissions sont massives, des radiations des militants nombreuses, l’on est très exigeant pour les qualités d’électeurs. Des troubles peuvent être fomentés pour empêcher les inscriptions etc. 37. Dans les zones proches du pouvoir, les inscriptions sont volontaristes, des mineurs et même des étrangers sont inscrits, les morts, les émigrés ne sont pas radiés, bref les inscriptions sont massives. 38. Le refus de l’octroi de la carte d’identité aux militants de l’opposition surtout aux jeunes ayant récemment atteint l’âge de la majorité est délibéré, ce qui les prive du droit à la carte d’électeur. 39. Le retrait des cartes d’électeurs sera un véritable casse-tête dans les zones soupçonnées de sympathie pour l’opposition et ce sera bien sûr l’inverse dans les bastions des partis au pouvoir. 40. Des lois peuvent être votées pour disqualifier certains adversaires comme en Zambie ou en Côte d’Ivoire. Des accusations et autres griefs peuvent être brandies, les médecins chargés d’établir les certificats médicaux des candidats peuvent être corrompus pour déclarer inéligible pour raison de santé tel ou tel candidat. c. Lors de la campagne électorale. 41. Les moyens de l’Etat sont bien sûr mis à la disposition des partisans du parti au pouvoir : médias, véhicules, salles de réunion, photocopieuses, papiers, et même les forces de l’ordre. Des « cadeaux » achetés par l’argent du contribuable sont distribués. 42. Toutes les raisons sont bonnes pour gêner leur campagne : des imprimeurs refusent de traiter leurs documents, les salles de réunions leurs sont fermées pour des motifs on ne peut plus fallacieux, des meetings interdits, sabotés ou dispersés par des nervis au service des partis au pouvoir, etc. Les cartes électorales sont achetées, de l’argent distribué, des menaces proférées. Des troubles peuvent surgir dans une région donnée pour empêcher les candidats de l’opposition d’y faire campagne. d. Lors des élections. 43. On peut souligner le début de vote très tardif dans les bastions de l’opposition, des troubles pour dissuader les électeurs de se rendre aux urnes, la présence des forces de l’ordre jusqu’à l’intérieur du bureau de vote au nom de la sécurité, l’insuffisances des bulletins des candidats de l’opposition, l’absence de poubelle pour jeter les bulletins non utilisés : ainsi le vote n’est plus secret ; la présence d’une personnalité influente dans le bureau pour orienter le vote, l’expulsion des représentants de l’opposition dans les bureaux de vote, le double vote ou le vote multiple puisque l’encre indélébile peut être effacée par ceux qui savent comment ; le bourrage des urnes etc. : voilà quelques uns des procédés de fraude électorale. 44. En l’absence des observateurs de l’opposition, les résultats sont simplement faussés au point d’atteindre des scores dépassant le nombre d’électeurs inscrits ; on vote pour les gens à qui on dit à leur arrivée qu’ils ont déjà voté. 45. Le transport des urnes peut offrir une occasion d’échanger les véritables urnes par d’autres bien bourrées : les bulletins en provenance des zones favorables à l’opposition n’arriveront pas au centre de dépouillement « faute de carburant » ou ces urnes seront purement et simplement remplacées et « égarées . Le dépouillement peut ne jamais exister, et la proclamation des résultats officiels se fera sur base de chiffres concoctés d’avance dans des laboratoires de tripatouillage de la présidence ou du ministère de l’intérieur. Il s’agit simplement d’un holdup électoral. 46. Les élections et le dépouillement peuvent se dérouler normalement et révéler le favori des urnes quand soudain les tendances sont brutalement modifiées par la proclamation d’un vainqueur inattendu. 47. En amont de tous ces manipulations se trouve souvent une série de dispositions constitutionnelles facilitant la fraude pour le camp présidentiel : une constitution qui donne au chef de l’Etat les prérogatives de nomination des membres de la CENI à sa seule discrétion : non seulement il nomme des gens membres ou sympathisants de son parti, mais en plus les recours auprès de la cour constitutionnelle ne peuvent aboutir à cause de sa dépendance à l’égard de l’exécutif. Si dans un match le capitaine d’une équipe nomme tous les arbitres et les choisit dans son camp, peut-on raisonnablement s’attendre à un arbitrage neutre et impartial ? Peut-être chez un peuple d’anges ! 48. En tout cas ces élections bâclées sont généralement applaudies par certains observateurs internationaux (en réalité des faux témoins sur frais du contribuable du pays hôte) qui trouveront que « le scrutin est globalement libre et transparent, et que les insuffisances et autres incidents ne sont pas de caractère à influer sur les résultats du scrutin » Dès la proclamation des résultats c’est un concert de félicitations (intéressées) qui fusent de partout, et des « professeurs » de droit international expliqueront le pourquoi de cette « victoire ». 49. Qu’ils soient adressés à la commission électorale ou à la cour constitutionnelle, les recours de l’opposition ont peu de chance d’aboutir parce qu’aucun de ces organes n’est indépendant. Au Burundi, la Cour constitutionnelle a rendu un arrêt disant tout bonnement à un parti qui contestait les résultats électoraux de 2005 qu’il n’avait pas d’intérêt à agir. Les irrégularités qui ne lèsent pas la majorité au pouvoir sont minimisées, ignorées et déclarées « pas de nature à influencer les résultats » 50. Bref, la fraude peut se faire à tous les stades du processus électoral. C’est pour cette raison que les observateurs désireux de remplir convenablement leur mission devraient être préalablement bien formés et informés, et présents depuis la confection des listes électorales jusqu’à la proclamation des résultats. III. Les mesures majeures nécessaires pour garantir des élections libres et impartiales 51. Pour sortir de l’enlisement dans lequel le pouvoir actuel plonge sans cesse le pays, pour anticiper et éviter que les futures échéances électorales ne se déroulent dans un chaos indescriptible, profitable à ceux qui l’auront voulu et provoqué, la classe politique burundaise a intérêt à se mobiliser, dès maintenant, pour convenir ensemble, des mesures nécessaires pour garantir des élections libres, transparentes et justes. Ces mesures salutaires, présumons que le pouvoir actuel n’en veut pas, parce qu’il est minoritaire dans les faits et compte provoquer le désordre, user de violence et d’intimidation et faire main basse sur la volonté du peuple. S’il estime que ceci est une contre-vérité, qu’il nous démontre le contraire. En attendant, et nous risquons d’attendre vraiment longtemps, mon parti, le CNDD, propose les démarches et mesures suivantes : 1. Démarche organisationnelle 52. Le CNDD appelle de ses vœux la mise en place d’une Initiative de l’opposition démocratique (IOD) ou d’un Forum Démocratique (FODE) appelé IKIBIRI en Kirundi. Ce KIBIRI constituerait un corps de garde des forces démocratiques burundaises, destiné à débattre et à prendre ensemble des mesures salutaires pour l’avenir de la démocratie dans notre pays. 53. Si chaque parti d’opposition nourrit des ambitions légitimes pour conquérir et gérer les pays selon son projet de société et son programme politique, il ne me semble pas réaliste de penser qu’en agissant en ordre dispersé, nous réussirons à créer les conditions préalables à cette noble ambition. Le CNDD est convaincu que nous pouvons en tant qu’opposition, agir ensemble sans perdre chacun son identité ou son idéal. Il s’agit avant tout de voir notre intérêt commun, nos valeurs communes, nos menaces communes, nos dangers communs, nos faiblesses communes et se convaincre que l’union fait la force. L’idéal serait peut-être même de lutter ensemble, vaincre ensemble, gérer ensemble comme alliés, chacun dans la juste mesure du suffrage populaire. Entre le tout ou rien, il y a de la place pour le réalisme du progrès graduel et des victoires partagées. 2. Mesures capitales à prendre : 54. De tout ce qui précède, je tire logiquement la conclusion qu’il est nécessaire et urgent de : a. Instaurer un climat stable de paix et de sécurité. Régler définitivement la question des FNL-PALIPEHUTU, désarmer les civils et les démobilisés par un programme concerté et efficient, caserner et discipliner tous les corps armés. b. Initier une révision de la constitution pour combler les lacunes observées ci-dessus ; c. Revoir le code électoral pour l’harmoniser avec la constitution et l’adapter aux exigences d’une élection impartiale ; rédiger le code électoral en langue nationale le Kirundi . d. Le toilettage de ces deux textes fondamentaux doit aboutir au recadrage de la composition, des prérogatives et des moyens de la Commission Electorale nationale. Celle-ci devrait notamment être paritaire majorité-opposition, permanente et numériquement élargie. e. Ce toilettage doit aussi instaurer le bulletin unique ; clarifier et renforcer les dispositions sanctionnant les délits électoraux ; formaliser l’équité dans le financement des élections, l’équilibre dans la composition des bureaux de vote, la répartition des procès-verbaux de vote et l’arbitrage des litiges électoraux. f. Les divers travers comme le vote multiple, les fausses procurations, l’omission délibérée des noms sur la liste électorale, le vol de voix, les fausses identifications, le vote des étrangers et des mineurs, les lacunes dans la formation des agents électoraux, la précipitation et la tension du calendrier électoral, l’abus des biens et finances publics par le parti au pouvoir devraient être rectifiés. g. Ce climat de paix nécessite aussi la tolérance politique, le respect des droits et libertés des partis et leaders politiques, des parlementaires, l’impartialité de l’administration publique. h. Je dois le répéter, la radiation illégale des 22 députés, l’emprisonnement de certains d’entre eux, l’exil d’autres pour raison de sécurité, tout cela est extrêmement dommageable au droit et à l’institution parlementaire. Dès maintenant un dialogue s’impose, avec les bons offices de l’Union Interparlementaire afin de régler ce problème douloureux. La réhabilitation de ces parlementaires sera le signe qu’enfin nous prenons la bonne direction. i. Pour réussir tous ces paris, le Burundi a besoin de l’appui de la communauté internationale, que je remercie vivement pour les efforts inlassables pour nous aider à sortir des ornières de la guerre et du sous-développement. Le Burundi a besoin d’observateurs internationaux avertis et objectifs, d’un concours financier et technique, des conseils et de l’expérience réussie des autres. Il doit avoir la modestie de les solliciter à temps. j. Enfin, comme le dit l’adage, rien ne sert de courir, il faut partir à point. Si nous voulons éviter le stress de la précipitation, du manque de temps et de moyens, nous devons anticiper les événements, concevoir un calendrier réaliste et bien mesuré tenant compte de nos lenteurs, du degré de formation et d’information de nos populations, ainsi que de la modestie de nos moyens.
Conclusion. 55. Par cette conférence de presse, le CNDD a voulu prendre ses responsabilités face aux incertitudes des prochaines échéances électorales. Il a voulu tendre la main à tous les partis soucieux de démocratie et ouverts à la création d’un cadre de concertation et de défense des intérêts communs. Il a voulu alerter la communauté internationale sur les dangers qui nous guettent et le soutien dont nous aurons besoin. Mais ici comme en toute chose, le CNDD préconise que nous comptions d’abord sur nos propres forces. Je vous remercie [1].Rapport sur le processus électoral du Burundi, 2004-2005, présenté par la CENI - Bujumbura, décembre 2005[2] La conception du fichier électoral, enjeu pour l’organisation des élections libres et transparentes. Assemblée Parlementaire de la Francophonie, 29ème session, Niamey 2003. |