Burundi : un remaniement ministériel somme toute décevant !
Politique

@rib News, 08/11/2011

La nouvelle est tombée hier dans l'après-midi du 7 novembre 2011. Le président NKURUNZIZA du Burundi a remanié son gouvernement. En même temps, il s'est débarrassé de la tête de son cabinet civil. L'effervescence en quête de nouvelles du palais continuait encore ce matin et les commentaires pleuvaient dru. Et le président s'était éloigné de la ville pour peaufiner quelque stratégie dans sa commune natale.

Si l'opinion internationale se félicite du départ du ministre Augustin Nsanze de la tête de la diplomatie burundaise, elle est loin d'être contente du maintien du ministre de l'Intérieur. D'aucuns y verront le refus catégorique d'un dialogue avec l'ADC-Ikibiri.

Les enjeux sont à trouver ailleurs, surtout que le président de la république compte renforcer sa mainmise sur le parti avant de s'attaquer aux attaques de plus en plus acerbes du président de l'UPRONA ! Une chose est certaine : le remaniement vient faire oublier, le temps nécessaire pour organiser un congrès capital pour le parti présidentiel, les luttes intestines et surtout le murmure de ceux qui réclament la réhabilitation d’Hussein Radjabu et du député Manassé Nzobonimpa. Le véritable remaniement ministériel est donc à venir !

En effet, la suite des événements après le décret de remaniement prouve déjà que les ministres limogés ne sont pas pour autant sanctionnés, à l'exception peut-être des ministres de la justice et du plan! Pour le ministre du plan, il aurait payé de sa maladresse de s'être prévalu de la nationalité française lors de son passage devant l'officier de l'état civil burundais afin de convoler en justes noces ! Mais alors, est-ce suffisant pour juger du bilan d'un ministre ?

Quant à la ministre de la justice, elle paierait pour son entêtement à ignorer les critiques du syndicat des magistrats et surtout la fronde des avocats depuis l'incarcération de l'avocat François Nyamoya. Elle aurait, par folie de grandeurs, piétiné le principe de la séparation des pouvoirs, autrement dit, elle est tombée dans son propre piège!

A Bujumbura, les rumeurs qui circulaient encore ce matin tablaient sur un prochain départ en retraite anticipée du ministre Bunyoni. Or, un décret présidentiel vient de placer l'ancien ministre de la Sécurité à la tête du Cabinet civil du président de la République. Il a pour adjoint l'ancien ministre de la Justice, Jean Bosco Nduwimana. Et s'il ne s'agissait là que d'une autre diversion ? Le congrès du parti présidentiel lèvera les doutes.

Accusé de bourdes diplomatiques à répétition, le professeur Augustin Nsanze se voit proposer le poste juteux de Conseiller principal chargé des questions diplomatiques à la présidence de la République. L'ancien ministre Saidi Kibeya hérite quant à lui du poste de Conseiller principal chargé du bureau d'études stratégiques à la présidence de la République. Entre temps, Gabriel Mpozagara est écarté ! Pour de bon ou vers la commission vérité et réconciliation ?

Mais il faut dire que ce mouvement de chaises musicales au gouvernement n'est qu'une autre comédie de plus du président NKURUNZIZA ! Bien que son porte-parole ait affirmé que le président voulait appliquer la rigueur du principe de la redevabilité, il est permis de demander si c'est de cette façon qu'on punit les fainéants au Burundi ? Aucune traversée du désert comme celle généralement infligée à bien d'anciens dignitaires du parti, en disgrâce !

Il est par ailleurs permis de se poser les questions sur ce genre de remaniements qui ne concernent que les ministres du parti au pouvoir.

Est-ce à dire que c'est uniquement dans cette catégorie que se trouvent les incompétents ou les mauvais élèves ? Pourquoi le maintien du ministre de l'Intérieur ? Que se cache derrière la longévité du ministre de la Jeunesse et des Sports ? Pourquoi la ministre des Télécommunications qui vient récemment d'être éclaboussée par la signature d'un contrat maffieux sur le réseau de fibre optique reste en place ? Qui va mettre un terme à l'autoritarisme du Maire de la ville de Bujumbura et de ses conflits ouverts avec le ministre de l'Urbanisme ? Cette application de la redevabilité laisse à désirer. Et le remaniement permet au président Nkurunziza de décevoir. Il chérit trop les sentiers battus !

Sous un autre angle, il faudrait faire remarquer que ce remaniement tombe mal. Les ministres étaient toujours occupés à finaliser le budget de l'exercice 2012. Beaucoup de partenaires sont pris au dépourvu et regrettent ce gaspillage de temps. Le budget pourrait être bâclé. Toujours du côté des bailleurs de fonds, ils ne comprennent pas pourquoi le président morcelle sans cesse les ministères. Le pays peut-il demeurer ainsi en éternel rodage ? [MG]