Le livre "Noires fureurs, blancs menteurs" de Pierre Péan n’a rien de raciste
Droits de l'Homme

Marianne | 9 Novembre 2011

Rwanda : SOS débouté pour la 3è fois contre Péan

La Cour de cassation vient de confirmer la victoire de Pierre Péan dans l’affaire qui l’a opposé à SOS Racisme depuis 5 ans. Cinq ans pour confirmer que son livre n’a rien de raciste.

Cette fois, c’est définitif. La Cour de cassation vient de confirmer la victoire de Pierre Péan dans son procès intenté par SOS Racisme pour diffamation raciale et provocation à la haine raciale. Péan avait déjà gagné ses procès en première instance et en appel. La plus haute juridiction française vient donc clore une affaire qui dure depuis 5 ans. 

Tout est parti du livre de Péan Noires fureurs, blancs menteurs, publié en novembre 2005 (Mille et une nuits), qui accuse Paul Kagame, actuel président rwandais, d’être impliqué dans l’attentat qui tua notamment l’ex-président Habiyarimana le 6 avril 1994, point de départ du génocide. Mais ce n’est pas cette thèse sur le commanditaire de l'attentat, mais un autre passage qui a déclenché la plainte de SOS Racisme : Péan y évoquait la « culture du mensonge et de la dissimulation » chez les Tutsis. 

En novembre 2008, en première instance, les juges ont relaxé Péan estimant que cette formule « aussi brutale qu’elle puisse paraître, spécialement pour les victimes du génocide », ne vise pas à « jeter le discrédit sur l’ensemble des Tutsis ». Un an plus tard, ce jugement a été confirmé en appel. Et cette fois, c'est la Cour de cassation qui confirme que Péan n'a rien à se reprocher. Pour Me Florence Bourg, avocate de Péan, il s’agit là d’un « arrêt très important pour la liberté d’expression ».

« Il y a un militantisme assez clair de SOS Racisme sur le Rwanda »

Mais cette affaire dépasse le seul cadre de la liberté des journalistes. En prenant position ainsi sur le génocide rwandais, SOS Racisme a mis le doigt dans un engrenage que l'association ne maîtrise visiblement pas. « Il y a un militantisme assez clair de SOS Racisme sur le Rwanda », souligne d’ailleurs Me Florence Bourg. « Pierre Péan a une thèse qui n’est pas celle de SOS Racisme, cela n’aurait pas dû finir dans une arène judiciaire, mais par un débat public », regrette-t-elle.

Car le débat sur le Rwanda dépasse largement le cadre de l’antiracisme franco-français. En s’impliquant dans cette vive polémique, SOS Racisme a dû composer avec les tourments de la géopolitique africaine. En septembre dernier, une manifestation de Congolais avait tenté de faire irruption dans les locaux de l’association. Ils accusaient SOS Racisme de mettre injustement en cause des ressortissants de la République démocratique du Congo (RDC) dans des violences qui s'étaient produites en marge de la visite officielle de Paul Kagame en France. Depuis 2010, dans un rapport de l'ONU, Kagame est lui-même accusé d'être impliqué dans des massacres en RDC.

Et, en France, c'est le plus souvent dans les tribunaux que l'on débat de la question rwandaise. En juin dernier, Agathe Habyiarimana, veuve de l’ex-président rwandais et accusée d'être impliquée dans le génocide, n’avait pas réussi à visionner avant diffusion un documentaire de France2 la concernant. Selon elle, le film remettait en cause sa présomption d’innocence. Sa demande a été rejetée par le juge des référés.

Qui sert les intérêts de Kagamé ?

Cependant deux autres décisions de justice ont changé quelque peu que la teneur des débats sur le Rwanda. En septembre dernier, la Cour d’appel de Paris a rejeté  la demande d’extradition de la veuve Habyiarimana faite par Kigali qui l’accuse d’avoir été une des meneuses du génocide. Et en octobre dernier, le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du préfet de l’Essonne refusant une carte de séjour à Agathe Habyiarimana. Pour le tribunal, le motif de « menace pour l’ordre public » invoqué par le préfet n’était pas justifié. Pour autant, la veuve Habyiarimanana qui réside depuis 10 ans en France est toujours sous le coup d’une plainte pour « complicité de génocide » du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (en fait, l'association de deux personnes, Dafroza et Alain Gauthier).

Bref, avec l’affaire Péan puis Habyiarimana, la justice française a mis plusieurs fois à mal la vision unilatérale du génocide rwandais. Une vision unilatérale qui, en tout cas, a bien servi les intérêts de Paul Kagame, et accessoirement ceux de l’Elysée qui a souhaité de toute force se rabibocher avec Kigali. Voilà de quoi faire réfléchir les dirigeants de SOS Racisme sur le bien-fondé de leur cause.

Tefy Andriamanana