Rwanda : Paris rappelle son ambassadeur après un affront de Kigali
Afrique

@rib News, 20/02/2012 – Source AFP

 La France a décidé de rappeler pour consultations son ambassadeur à Kigali après le refus des autorités rwandaises d'agréer son successeur, témoignant de relations très loin d'être apaisées après une réconciliation pourtant scellée début 2010.

« Les autorités rwandaises ont refusé de donner cet agrément" et "nous avons rappelé notre ambassadeur (Laurent Contini) pour consultations afin d'étudier la situation », a annoncé lundi lors d'un point-presse un porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Vincent Floréani.

L'hebdomadaire Jeune Afrique avait révélé un peu plus tôt le refus à la mi-février par Kigali de la nomination d'Hélène Le Gal, actuellement consul de France au Québec.

Selon Jeune Afrique, le refus rwandais est motivé par le fait qu'Hélène Le Gal « serait trop proche du ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, considéré depuis toujours comme hostile au pouvoir en place à Kigali ».

Proche de l'ex-chef de la diplomatie française Bernard Kouchner, Laurent Contini est tombé fin 2011 en disgrâce auprès du ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, après des déclarations jugées trop favorables au Rwanda dans la vieille querelle des responsabilités du génocide de 1994.

Sans procéder à son remplacement immédiat à l'époque, le ministre français avait obtenu de la présidence française une nouvelle nomination en la personne d'Hélène Le Gal.

Ce choix n'avait pas été rendu public car il est d'usage en diplomatie d'attendre que le pays d'accueil agrée le nouvel ambassadeur avant de l'officialiser.

Vincent Floréani n'a ni confirmé ni infirmé cet élément dans sa réponse.

« Les relations entre la France et le Rwanda n’ont cessé de se renforcer depuis la visite du chef de l’Etat (Nicolas Sarkozy) à Kigali en février 2010, qui a scellé au plus haut niveau la relance politique et économique entre nos deux pays », a-t-il souligné.

« La bonne qualité de nos relations bilatérales est illustrée par les visites récentes en France de Mme Louise Mushikiwabo, ministre des Affaires étrangères, en juillet 2011, et du président Paul Kagamé en septembre », a-t-il ajouté.

Lors de ces deux visites, Alain Juppé n'avait, pour la première, pas reçu son homologue, le ministre à la Coopération Henri de Raincourt s'en était chargé et pour la deuxième, il était absent de France avec un long voyage opportunément organisé à l'autre bout du monde (Nouvelle-Zélande, Chine...).

Après sa prise de fonctions en mars 2011 au Quai d'Orsay, Alain Juppé avait dit n'avoir aucune intention ni de serrer la main de Paul Kagame ni de se rendre au Rwanda, tant qu'y circulerait un rapport accusant la France de complicité avec les génocidaires, rapport que le ministre avait qualifié de « tissu de mensonges et d'inventions ».

En septembre, le ministre avait souligné qu'il avait ses convictions à propos du passé et qu'il « n'en changerait pas ».

Le document controversé de 2008, réalisé par une commission d'enquête rwandaise, accuse la France d'avoir « participé » au génocide sous couvert de l'opération militaro-humanitaire Turquoise, menée en juin 1994. Le rapport vise nommément Alain Juppé qui était alors ministre des Affaires étrangères sous le gouvernement d'Edouard Balladur, ainsi que plusieurs personnalités françaises, de droite comme de gauche et des responsables militaires.

Après une rupture des relations diplomatiques entre 2006 et 2009, liée à une enquête judiciaire en France sur les événements qui ont marqué le début du génocide, Paris et Kigali avaient scellé leur réconciliation avec une visite début 2010 au Rwanda de Nicolas Sarkozy.

Le gouvernement rwandais a toutefois assuré lundi que ses relations avec la France étaient « au-dessus des questions de personnes », minimisant la portée d'un différend sur le choix de l'ambassadeur français à Kigali.

« Il ne doit y avoir aucun doute quant à l'engagement permanent à bâtir des liens diplomatiques, économiques et culturels forts entre les gouvernements et les peuples du Rwanda et de la France », a réagi la ministre rwandaise des affaires étrangères, Louise Mushikiwabo.