Burundi : Entretien de Colette Braeckman avec le président Nkurunziza
Politique

@rib News, 01/03/2012 - Source Le Soir

La venue d’Albert II est espérée à Bujumbura

Le Soir, Mardi 28 février 2012 - Page 11

Bujumbura - de notre envoyée spéciale

Chaque semaine, le chef de l’Etat burundais Pierre Nkurunziza délaisse la capitale et parcourt les campagnes. Cet ancien professeur d’éducation physique dort dans les paroisses, écoute les doléances des paysans et, surtout, il paie de sa personne : chaque samedi matin, il participe à des travaux communautaires.

A quelques mois du cinquantième anniversaire de l’indépendance du protectorat belge, nous avons ainsi retrouvé le président à Gihanga, dans la province du Bujumbura rural. Dans ce nouveau village, Pierre Nkurunziza clouait des tôles, portait des briques, plantait des arbres.

Résultat de son engagement : entre 2007 et 2011, 2.500 écoles neuves ont été construites ! Populisme ? Volonté de reconstruire un pays où la guerre civile a fait plus de 300.000 morts ? Le Burundi, en tout cas, a choisi d’avancer…

A quelques mois du 50e anniversaire de l’indépendance du Burundi, allez-vous inviter le roi Albert II ?

Depuis très longtemps, la Belgique a soutenu le Burundi et nos deux pays entretiennent des liens traditionnels et de coopération. C’est pour cela que nous avons donc aussi invité le roi Albert II. Nous tenons beaucoup à ce que la Belgique soit présente au moment de cet anniversaire, aux côtés des Burundais.

Quant au sens que nous donnons à cette commémoration, il s’agit notamment de promouvoir l’unité nationale. Elle est la base de tout. Notre pays a connu en 50 ans beaucoup de divisions ethniques, régionales, religieuses. Mais aujourd’hui, nous nous félicitons de voir la réconciliation devenir une réalité. Nous voulons bâtir notre pays en nous basant sur la devise que nous a léguée notre héros national, le prince Rwagasore : le travail, l’unité, le progrès.

L’unité vient en premier lieu. C’est pourquoi nous sommes ici tous ensemble, à construire des écoles, des centres de santé, des villages entiers. Qu’il s’agisse du président de la République, des parlementaires, des responsables administratifs : nous participons tous ensemble au développement de notre pays. Tel est le sens que nous voulons donner à cet anniversaire de notre indépendance : progresser en nous basant sur les chantiers qui nous ont été légués par le héros national. Cette commémoration sera aussi une occasion de rassembler tous les amis et pays frères.

Cette année, vous allez aussi organiser une « Commission Vérité et Réconciliation ». S’agira-t-il uniquement d’une affaire entre Burundais ou songez-vous à inviter des experts étrangers ?

Le principe de cette Commission découle des négociations de paix qui se sont déroulées à Arusha, où des consultations ont eu lieu entre les Burundais, la société civile mais aussi des représentants des Nations unies. Si nous avons besoin d’experts étrangers, nous leur demandons de venir appuyer les travaux.

Les travaux de la Commission pourront-ils déboucher sur des poursuites judiciaires ?

Tout dépendra des résultats. Il faut commencer par rétablir la vérité sur ce que nous avons vécu. Sur base de ce travail, nous verrons s’il est possible ou non d’aller devant les tribunaux…

Tous les crimes et les crimes de tous seront-ils donc examinés, sans exclusive ?

L’essentiel, c’est d’abord d’établir la vérité. Il y a beaucoup de pans de notre histoire que nous ne connaissons pas, par exemple ce qui s’est passé dans les premiers temps de la République. Moi-même, je suis né en 1965 et je ne sais pas ce qui s’est passé en 1960. Je le répète : on a d’abord besoin de connaître la vérité.

Lors des élections de 2010, une partie de l’opposition a quitté le processus électoral. Un dialogue est-il envisageable avec ceux qui se sont retirés ?

Le dialogue est permanent depuis la mise en application des accords de cessez-le-feu. Cette base de dialogue avait d’ailleurs été établie par le médiateur des Nations unies. Un dialogue inclusif avait été prévu dans le cadre du Forum des partis politiques mais il devait aussi s’engager avec toutes les couches de la population burundaise. Par rapport aux élections, ce qui est très important, c’est de continuer la course. En 2015, il y aura d’autres élections.

Précisément : songez-vous à être à nouveau candidat, pour un troisième mandat ?

Tout dépendra de l’analyse de la situation, il faudra voir avec la Cour constitutionnelle si c’est possible (NDLR : la Constitution n’autorise que deux mandats consécutifs). On peut certainement être populaire, mais ce qui importe surtout, c’est la constitutionnalité de tout ce que l’on fait…

Contexte

Un président proche du peuple et qui paie de sa personne

Le Burundi, qui avait, comme le Rwanda, été placé sous la tutelle de la Belgique jusqu’à son indépendance en 1962, veut célébrer dans la paix son 50ème anniversaire. Un seul des anciens mouvements de la guérilla hutue, le FNL (Front national de libération), a repris les armes et il fait face à une répression sans pitié, passant par des exécutions extrajudiciaires. Mais de plus en plus nombreux sont les combattants qui choisissent d’être démobilisés. Dans les faits, le parti au pouvoir – le CNDD-FDD (Forces de défense de la démocratie), un ancien mouvement armé reconduit lors des élections de 2010 boycottées par une large partie de l’opposition – exerce un contrôle quasi total sur le pays. Son succès repose aussi sur la personnalité et l’engagement sur le terrain du chef de l’Etat, Pierre Nkurunziza.


La dépouille du dernier roi

Le Soir, Mercredi 22 février 2012

Soucieux de rendre hommage à la monarchie, symbole de l’unité nationale, le pouvoir burundais entend enterrer dignement le dernier roi du Burundi, Ntare V, au cours d’une cérémonie qui aura lieu le 29 avril à Gitega.

Intronisé le 1er septembre 1966, le règne de Ntare V avait été interrompu en 1966 par le putsch du colonel Micombero qui avait mis fin à la monarchie. Six ans plus tard, trahi par l’Ougandais Idi Amin Dada alors qu’il voulait regagner son pays, le dernier roi du Burundi avait été exécuté, et son corps jeté dans une fosse commune. Ce crime avait coïncidé avec le massacre de centaines de milliers de personnes, Hutus principalement.

Le Burundi a demandé l’aide d’experts belges pour exhumer et identifier la dépouille du roi Ntare V. Une équipe dirigée par le professeur Cassiman de la KUL devrait pouvoir procéder à des tests ADN.