Burundi : Vers une Commission électorale à la solde de Nkurunziza
Politique

@rib News, 08/12/2008

Selon de sources biens informées proches du parti au pouvoir CNDD-FDD, le président burundais, Pierre Nkurunziza, vient de proposer au Sénat, pour approbation, la liste des membres du directoire de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), qui va superviser les prochaines échéances électorales de 2010.

Clotilde NiragiraA y regarder de plus près, cette Commission est tout sauf indépendante car sa composition est taillée sur mesure pour le président-candidat à sa propre succession en 2010. De qui s'agit-il ?

1. Mme Clotilde Niragira : pressentie comme la future présidente de la CENI, l’actuel ministre de la Fonction publique et du Travail est un membre influent du parti CNDD-FDD et fidèle parmi les fidèles lieutenants du président Nkurunziza.

On rappelle que Mme Clotilde Niragira fut aussi membre influent de la précédente CENI qui a piloté les dernières élections de 2005. Après les élections Nkurunziza va la nommer à la tête du ministère de la Justice, où elle va s’atteler à la mise sous tutelle de la magistrature et au montage des affaires politico-judiciaires qui ont défrayé la chronique.

Elle est en effet connue pour avoir été l'un des personnages centraux dans le montage juridique des faux complots de putsch à l'origine de l'arrestation en 2006 de l’ancien président de la République Domitien Ndayizeye et de l’ancien vice-président Alphonse Kadege.

A la tête du ministère de Justice, elle saura aussi diligenter le ministère public pour obtenir illégalement la levée de l'immunité et la radiation de plusieurs députés dont Mathias Basabose et Léonard Nyangoma.

Pour la mettre à l’abri, après l’éclatement de tous ces scandales politico-judiciaires, le président Nkurunziza va la placer à la tête de la Fonction publique et du Travail. Mais les incessants mouvements sociaux et grèves à répétition dans la Fonction publique, montrent que Mme Clotilde Niragira est loin de maîtriser son ministère.

2. Mgr. Antoine Pierre Madaraga : Vicaire général de Ngozi, il est natif de la même commune que le président Pierre Nkurunziza. Selon certaines sources, il serait en réalité un conseiller « clandestin » de Nkurunziza et ne jurerait que par lui.

3. Mgr Elie Buconyori : Evêque de l'Eglise Méthodiste libre et fondateur de l'Université Espoir, il est membre du Conseil national des églises du Burundi (CNEB).

Très proche du président Nkurunziza, il passe pour être son conseiller principal, selon plusieurs sources. Son indépendance par rapport au CNDD-FDD n’est donc pas assurée.

4. Mme Sylvie Kinigi : Ancienne Premier ministre de feu Président Ndadaye et membre du parti UPRONA, elle est considérée comme étant « sans poigne » et donc plus « malléable ».

Sa présence dans la Commission serait en réalité un gage pour obtenir les voix de l'UPRONA pour l'approbation de la CENI par le Sénat, lors de la séance programmée probablement pour ce mardi 9 décembre 2008.

5. M. Didace Birabisha : Chef de cabinet au Ministère des Travaux Publics, il est membre d'une des églises dites « du réveil », véritables sectes religieuses, quotidiennement fréquentées par le président Nkurunziza. Sa nomination à la CENI n'est pas due au hasard et se passe de tout commentaire.

Si cette équipe devrait être entérinée par les deux chambres du Parlement burundais, ce qui n'est point à douter vu que ces dernières sont devenues des caisses d'enregistrement du pouvoir CNDD-FDD, les élections de 2010 sont compromises quant à leur transparence, selon plusieurs observateurs.

La majorité des acteurs politiques et de la société civile appelle le président Nkurunziza à procéder à la consultation des partenaires politiques au lieu de se contenter des confessions religieuses avant de nommer cette commission d'une importance capitale dans la vie de la nation burundaise.

Selon les experts, pour remplir les critères d'indépendance et de neutralité la CENI doit être paritaire (majorité-opposition) ou à défaut inclusive (avec des représentants du pouvoir, de l'opposition et de la société civile).

Le leader de l’opposition, le député Léonard Nyangoma, a appelé samedi à une CENI paritaire majorité-opposition élargie à au moins 12 commissaires mais aussi permanente. Pour lui, la nomination de cette CENI dont les tâches sont très complexes devra être précédée par une révision de la Constitution et du Code électoral.

Reste à espérer que les partis politiques d'opposition ainsi que la société civile vont se réveiller pour barrer la route à ce diktat d'un autre âge afin d’éviter au Burundi des élections à la Kenyane ou à la Mugabe.

(TF & MM)