Museveni et Nkurunziza ont couru le premier "marathon de la paix" à Bujumbura
Sports

Sur les rives du lac Tanganyika, les présidents burundais et ougandais ont couru pour la paix

LE MONDE | 08.12.08 |

BUJUMBURA (Burundi) ENVOYÉ SPÉCIAL

Marathon de la paix - Bujumbura 04122008C'était un jour de fête, comme le Burundi en a probablement peu vécu. Samedi 6 décembre, dans les rues vallonnées de Bujumbura, la capitale, s'est couru le premier "marathon de la paix". Dans ce pays de 8 millions d'habitants, ravagé par une guerre civile qui a fait près de 300 000 morts jusqu'en 2006, l'épreuve sportive a pris une dimension historique. D'abord parce qu'aucun événement de cette ampleur n'avait été organisé dans cette ancienne colonie belge de la région des Grands Lacs. Mais surtout parce que le départ de la course a été donné deux jours après un accord de cessez-le-feu avec les Forces nationales de libération (FLN), le dernier groupe rebelle en activité.

Sous très haute sécurité s'était tenu, jeudi 4 décembre, à Bujumbura, le sommet interrégional pour le processus de paix au Burundi. Il a réuni les chefs d'Etat ou les représentants de tous les pays limitrophes, mais aussi de l'Ethiopie et de l'Afrique du Sud. L'enjeu de ce "sommet de la dernière chance" était la signature du FNL à l'accord général de paix, conclu en 2006 avec les autres mouvements, pour mettre un terme à quinze ans de violences. Le sommet s'est achevé par une poignée de main. En échange, notamment, de 33 postes au sein du gouvernement et de l'intégration de ses combattants dans l'armée, le parti du FNL n'aura pas de connotation hutue. "Cet accord de réconciliation est historique, s'est félicité Yoweri Museveni, le président ougandais, à l'initiative du sommet. Il va permettre d'asseoir la paix et la sécurité au Burundi."

La date du marathon, fixée deux jours plus tard, était-elle un hasard du calendrier? "Il faut y voir la volonté de Dieu et on ne peut que s'en féliciter", a assuré Pierre Nkurunziza, le président burundais sur la ligne de départ de l'épreuve. "L'idée d'organiser un marathon est venue en février dernier parce que nous savions que la course serait un symbole de paix, de réconciliation et d'unité, a déclaré Jean-Jacques Nyenimigabo, ministre des sports et à l'origine du projet. Un ultimatum avait été fixé au FNL fin décembre, mais on ignorait qu'un sommet aurait lieu à ce moment-là. Son issue était d'ailleurs très incertaine..."

PROJETS HUMANITAIRES

Vers 9 h 30, le président burundais, accompagné de celui de l'Ouganda et d'autres représentants des pays voisins, s'est élancé pour un parcours d'environ un kilomètre à travers Bujumbura. Cette "marche vers la paix" était suivie par un millier de jeunes, originaires de toutes les régions. "Parce qu'elle représente l'avenir, il fallait évidemment associer la jeunesse à cet événement", explique Philippe Mas, le président de l'association Uncle, coorganisatrice du marathon. Plusieurs projets humanitaires ont accompagné l'épreuve. Une Ecole de l'espoir, en partenariat avec l'Unesco, devrait bientôt ouvrir ses portes. Au Burundi, l'espérance de vie est de 43 ans, et un enfant sur cinq n'atteint pas l'âge de cinq ans. Après la signature de l'accord, le désarmement de la population se présente comme le grand défi qui attend maintenant le gouvernement.

D'ici là, sur les rives du lac Tanganyika, près de 4 000 coureurs se sont réunis dans l'effort pour participer aux différentes épreuves. "Je suis convaincu que cette jeunesse, qui a couru en haillons et sous un soleil de plomb, a pris conscience de la valeur symbolique de cette course, a confié l'ancien basketteur Richard Dacoury, venu avec cinq autres athlètes français participer à l'événement. Elle a aussi compris qu'une page de l'histoire dramatique du pays était en train de se tourner, et qu'une autre était maintenant à écrire." L'histoire des jours de paix, au Burundi.

Pierre Lepidi