Point de vue sur la rencontre à Bruxelles entre l'Ombudsman et la diaspora
Opinion

@rib News, 30/04/2012

Le Médiateur de la République du Burundi va à la rencontre des Burundais de la Diaspora et les rassure.

Par Innocent Bano

Mohamed RukaraCe samedi 28 avril 2012 à Bruxelles, les Burundais de la Diaspora vivant dans le Benelux et aux environs ont eu l’occasion de rencontrer l’Ombudsman de la République du Burundi Honorable Mohamed Rukara, venu leur transmettre ses propres salutations, leur présenter la raison d’être et les réalisations de l’institution de l’Ombudsman depuis sa mise en place, et enfin les  écouter. Une rencontre inédite au vu du nombre de Burundais venus l’écouter et de l’ambiance qui y régnait. Les enceintes de l’Ambassade du Burundi à Bruxelles étaient pleines à craquer et les applaudissements incessants.

Sans pour autant minimiser les autres séquences de cet événement, la session de questions-réponses ouvertes entre l’assemblée et l’Ombudsman fut particulièrement remarquable. Parmi ces questions, l’on retiendra surtout celles relatives à la problématique ethnique à travers la diabolisation d’autrui, aux dirigeants de l’opposition en exil après les élections de 2010 et à un éventuel dialogue avec eux, aux propos du Président de la Commission Nationale Terres et Biens (CNTB) Mgr Sérapion Bambonanire, à l’acquisition et au prix du passeport, à l’Office Burundais des Recettes (OBR), et enfin à l’intervention de l’Ombudsman face aux Burundais qui sont expulsés des territoires européens.

« Les Burundais doivent changer de mentalité en faisant la relecture de leur propre histoire » a souligné l’Honorable Rukara avec un esprit ouvert, en indiquant que l’injustice sociale a été à la base de toutes les dérives. L’Ombudsman a invité les Burundais de la diaspora à ne pas se laisser embourber dans la logique ethnique, car l’évolution politique actuelle a démontré que les préoccupations des Burundais étaient autres. Prenant en exemple son propre parcours, il a démontré que le problème ne fut jamais ethnique, mais qu’il relevait d’une violence structurelle, et que sa mission l’appelle à relever ce défi en toute indépendance. La diabolisation par la généralisation ethnique et politique n’est plus d’actualité au Burundi. Le crime est individuel, et la sanction doit aussi l’être. Ainsi la politisation des crimes est inacceptable si l’on veut la réconciliation des Burundais. Ceux qui prendraient ce prétexte pour prêcher encore la guerre au Burundi joueraient perdants. La paix retrouvée est un bien précieux que tout Burundais doit préserver soigneusement. « Nous avons tous payé. Il n’y a pas une personne, pas une famille au Burundi qui n’a pas perdu un proche pendant la guerre. Qui chercherait donc à replonger dans la guerre ? », a-t-il martelé. En s’érigeant contre toute parole qui viserait à diviser, l’Ombudsman en a profité pour inviter les Burundais de la diaspora à appuyer les efforts de paix et à renforcer l’unité où qu’ils se trouvent.

Au sujet des dirigeants de l’opposition burundaise en exil, l’Ombudsman s’est dit étonné de voir que ces partenaires politiques de longue date et amis ne l’ont jamais officiellement contacté en tant qu’institution pour lui transmettre leurs doléances. Pour lui, ces dirigeants sont avant tout des citoyens burundais et la solution à leurs revendications ne peut être que burundaise. Il a affirmé qu’il reste toujours à leur disposition s’ils ont la volonté de s’adresser à lui. L’institution de l’Ombudsman est là pour promouvoir un dialogue apaisé, et considère que ces dirigeants sont des citoyens burundais avant de devenir des politiciens ou des opposants. A défaut de cette démarche, l’Honorable Rukara les a invités à se tourner vers le Forum Permanent du Dialogue des Partis Politiques qu’ils ont eux-mêmes institués. Il s’est dit profondément préoccupé de voir ces dirigeants avoir choisi le chemin de l’exil alors que parmi eux, il y en a qui avaient reçu un mandat clair de leur électorat en 2010. « En démocratie il n’y a pas de politique de la chaise vide. Nous avons besoin d’une opposition forte » a-t-il conclu.  Par ailleurs, ayant lui-même connu l’exil, ceci est en effet la dernière des choses à souhaiter à autrui. Il les a invités avec toutes les assurances à rentrer au bercail pour organiser démocratiquement leurs troupes et se préparer aux élections de 2015.

Vue de l'assembléeQuant aux inquiétudes  suscitées par les propos du Président de la Commission Nationale Terres et Autres Biens, Mgr Sérapion, l’Ombudsman a d’abord interpelé celles ou ceux-là qui voudraient leur donner un caractère ethnique en leur signifiant le respect qu’il a envers ce membre du clergé. Il a dit que lui-même ne saurait faire un tel jugement de valeur eu égard au travail louable de cette commission, car la mission qui lui a été confiée est très délicate au vu du contexte socio-politique du Burundi. C’est une question qui touche les droits des Burundais, que ce soient ceux qui se sont vus dépossédés, comme ceux qui ont acquis ces terres. Ce travail soulève des vérités souvent paradoxales. La problématique des terres  nécessite donc une approche particulièrement prudente et mesurée ; bref une sagesse et une grande patience. Sur un ton détendu, il a rappelé que « Même Dieu, alors qu’il est Dieu, a eu besoin de six jours pour créer l’homme et la terre. ». Par ailleurs, il a rassuré l’assemblée en l’informant que son institution travaille et continuera à collaborer étroitement avec la CNTB, dans l’intérêt  supérieur de la nation burundaise et ce dans une grande sagesse que reflète la composition et la diversité de ces deux institutions.  

Concernant le passeport et son prix jugé élevé, il a reconnu que l’obtention du passeport était un droit inaliénable de tout Burundais. Les Burundais de la diaspora n’ont pas été oubliés et les autorités recherchent une solution de leur faciliter l’obtention du passeport depuis leur pays de résidence. L´ambassade en collaboration avec les autorités compétentes tiendra les résidents du Benelux informés de l´évolution et de l´issue de cette affaire. Quant à son coût, certaines dimensions peuvent l’altérer telles que la nature du document (passeport biométrique) et la main d’œuvre y relative. Par ailleurs, le gouvernement a mis sur pieds des moyens alternatifs pour permettre aux Burundais de maigre revenu de pouvoir voyager. Ainsi des laissez-passer ont été mis à leur disposition. La révision à la baisse du coût du passeport dépendra de l’évolution de la conjoncture économique et des efforts de tout un chacun. L’institution de l’Ombudsman suit de près ce dossier car la protection des Droits des citoyens demeure le pilier de son existence, a rassuré l’Honorable Rukara.

 A la question de savoir si l’OBR n’est pas venu créer des problèmes plutôt que d’en résoudre, l’Ombudsman a  informé l’audience que l’Etat burundais, à travers l’OBR, a pu récupérer plus de 500 milliards FBU au bénéfice du trésor public. Il a souligné que cet office a aussi permis de lutter contre le virus de la corruption qui faisait loi au Burundi. Il a reconnu que le chemin est encore long mais que la mission qu’il s’est assignée se profile de plus en plus. Parmi ses prérogatives, l’institution de l’Ombudsman suit avec attention le travail de l’OBR pour éviter toute dérive qui viendrait punir le citoyen burundais. Pour ce qui est des critiques néfastes vis-à-vis de l’OBR, il a invité les gens à faire la lecture de l’histoire et à discerner qui sont ceux qui se plaignent et cherchent à déplacer la réalité. Il a entre-autre évoqué le cas des individus à revenus élevés qui auparavant ne payaient pas d’impôt sur ces revenus, et qui se voient aujourd’hui soumis à ce devoir citoyen. Pour montrer que personne ne doit être exempt de cette obligation, il a précisé que même son institution, et lui-même en particulier, devront s’y soumettre dès que le projet de loi en cours sera adopté.

Avant de clôturer et d’inviter les Burundais de la diaspora à s’investir dans les préparatifs et la célébration du cinquantenaire de l’indépendance, l’Ombudsman a recueilli les doléances au sujet des conditions d’expulsion des compatriotes par les États européens. Exprimant sa sympathie envers ces Burundais, il s’est engagé à prendre contact avec ses partenaires européens pour aborder cette question sous un angle de respect des droits humains qui s’appliquent aussi aux Burundais. Du côté des membres de la diaspora présents, un climat de satisfaction et de gratitude a été vivement ressenti. Ils ont chaleureusement remercié l’Ombudsman et son équipe pour cette rencontre et la franchise de leurs propos, qui les ont réconfortés. Ils ont invité l’Honorable Rukara à multiplier de tels contacts afin de renforcer le lien entre la diaspora et la patrie, et ont encouragé les autres personnalités et autorités burundaises à emboiter son pas.