Rendez-vous manqué le 29 avril 2012 à Bujumbura
Opinion

@rib News, 04/05/2012

Même sans cérémonies, ni messe, le 29 avril n’a pas été un non évènement au Burundi.

Par Salvator SUNZU, journaliste

L’annonce avait pourtant été faite. Rendez-vous avait été pris. La diaspora burundaise, "en concertation avec d’autres compatriotes résidant dans le monde entier" invitait les Burundais à une cérémonie de "dépôt de gerbes de fleurs sur les Mausolées des Héros de l’Indépendance et de la Démocratie  et se clôtureront par une messe de requiem à la Cathédrale Regina Mundi à 17H00".

Masi rien ne se passa. Personne ne fût présent. C’est vrai que dès le départ, l’invitation avait un rien d’embarrassant pour les Burundais intra muraux. C’était presque une apostrophe, une remarque et donc une accusation d’immobilisme de la part des compatriotes de l’intérieur du pays. Que nos compatriotes de l’extérieur envoient la balle à plus de 10.000 km pour marquer le but sur le terroir à nous tous, cela avait quelque chose de paradoxal.

La situation normale aurait été que, de l’intérieur, les Burundais conçoivent, organisent ces cérémonies et invitent tous leurs compatriotes à ce rendez-vous qui a mis tant de temps à se concrétiser. Donc un rien de malaise face à une fête-messe qui finalement n’a pas eu lieu. Un ratage déconcertant donc. Rien ne filtra par la suite sur les circonstances ayant conduit à ce triste échec, un échec qu’il faudra éviter dans l’avenir.

Le 29 n’est pas pour autant passé inaperçu malgré tout. Mais pas de la manière dont on s’y attendait. Plusieurs acteurs se sont activés pour en faire un non évènement. Y compris ceux de la société civile, ceux qui se reconnaissent dans le FORSC pour ne pas les citer. Le président du Forum, de même qu’un homme d’Eglise de Bururi ont rivalisé d’ardeur pour prendre les devants de la scène. Il était question d’empêcher les véritables  acteurs d’occuper la scène.

C’est ainsi que l’on a plus parlé des séminaristes du Buta lâchement tués en 1977 dans un contexte de guerre civile que des victimes de la tragédie de 1972. Ces jeunes gens, qui ont été un exemple de courage par la solidarité dont ils ont fait montre devraient nous inspirer tous. Ils ne devraient pas être l’objet de calcul et spéculation politicienne. Ceux qui s’en sont servis pour ces objectifs ont manqué du respect aux jeunes martyrs et trahis leur idéal.

L’on a assisté à plusieurs massacres dans ce paysMais on aurait beau chercher qu’on ne trouverait pas de lien direct  entre le génocide de 1972 et le massacres de ces jeunes séminaristes, sauf que les deux sont le résultat d’une haine et d’une brutalité inouïe. Ces jeunes gens n’ont pas été tués un 29 avril. Et alors pourquoi les évoquer ce même jour ? L’on s’attendait à ce que la société civile se joigne aux orphelins et veufs de 1972 pour commémorer ce triste évènement. Mais au lieu de cela, les jeunes séminaristes de Buta ! C’est comme si à l’enterrement de x, on prononçait l’oraison funèbre d’y. Objectif : éviter que l’on parle de l’horreur. Du génocide, le 1er du continent africain.

Ces gens là qui n’ont pas voulu que l’on parle de véritables victimes de 1972, qui se sentent gênés par l’évocation de cette tragédie ne sont rien d’autres que des négationnistes qui cherchent à nier l’évidence d’un génocide conçu, planifié par l’Etat burundais et exécuté par lui-même en se servant des Tutsis, ethnie traditionnellement opposées à celle des Hutus que le pouvoir cherchait à rayer de l’histoire. Ils voudraient et s’emploient  à ce que le silence continue à entourer le génocide de 1972.

La lutte pour le contrôle du pouvoir ne devait pas se jouer sur le terrain du génocide. Il devait rester civil et civilisé. Mais le problème est que même la très civile société burundaise, ou une partie d’elle, est tombée dans le panneau. Volontairement ou inconsciemment ? La question reste posée. Une bonne note de consolation tout de même : les négationnistes ont négativement remplacé ceux qui ont boudé une fête à laquelle eux-mêmes invitaient les Burundais. Ils ont occupé un terrain vide. Et c’est de bonne guerre.

Mais ceux qui font comme si rien ne s’était passé ce 29 avril 1972, ceux qui, le pouvoir compris, ne sentent pas la nécessité d’exercer et cultiver le devoir de mémoire, se trompent énormément car ils ratent fatalement un des grands rendez-vous de l’histoire. Le rendez-vous de la vérité et pour la vérité pour que le "plus jamais ça" sonne vrai et pour une réelle réconciliation à laquelle tous les Burundais normaux aspirent légitimement.