Appel à une commission sur la question du rapatriement de Mwambutsa IV
Opinion

@rib News, 03/06/2012

Mwambutsa Bangiricenge, père de la  réconciliation nationale.

Par Latif RUKARA

Le collectif « Réconcilions-nous avec notre Mwami Mwambutsa IV » a été lancé sur facebook en juin 2009, suite l’article publié par  M. Kaburahe. Le collectif souhaitait porter à la  connaissance du plus grand nombre l’existence d’un problème qui allait survenir en 2017. Pendant plus d’un an et demi, près de deux cents personnes (Burundais et des amis du Burundi) ont posté leurs commentaires ou ont partagé leur point de vue sur la question de la dépouille royale. Nos échanges avaient mis en évidence la nécessité  d’entretenir notre identité nationale. De même, nous avions relevé une crainte d’enfreindre la dernière volonté de Mwambutsa. Malgré cela, il apparaissait une volonté manifeste de remplir un devoir envers les vivants, un devoir de mémoire.

Récemment, nous avons lu que la princesse Esther, (fille du défunt Muganwa Kamatari) a saisi la justice suisse et le transfert de la dépouille du Mwami Mwambutsa est momentanément suspendu. A fortiori,  elle évoque le testament de feu son oncle. Il est inutile de disserter sur le bien fondé de cette action car nous avons là un sujet qui soulève des questions d’ordre familial, philosophique, juridique…et politique. Effectivement, notre Mwami dont les deux fils ont été assassinés avait demandé à être enterré en Suisse. Et, respecter les dernières volontés d’un père, d’un oncle,  d’un grand-père, d’un ami est légitime. Néanmoins, Umwami  n’est pas une Personne Physique mais une Personne Morale. En outre, ne faisons pas fi évènements tragiques qui entourent la fin de son règne.

Pour rappel, le carré qu’occupait notre illustre mwami au cimetière de Meyrin est pris en charge jusqu’en 2017.  C’est un bail de vingt ans renouvelable. Dès lors, que faire avant la date butoir de 2017? Qui a pris en charge ce carré et qui entretient ce carré ? Qui s’engage à renouveler ce bail pour les 20 prochaines années ? Autrement, cette place au cimetière sera cédée à quelqu’un d’autre. Il était avant tout essentiel que notre héritage culturel ne soit pas incinéré en 2017.

Début mai 2012, nous avons été informés du projet en cours ; nous trouvions l’intention de rapatrier la dépouille louable mais précipitée. Avec un peu d’avance et un peu trop de bonnes volontés, Bangiricenge a été déterré ; « la farce est jouée ». Dès lors, que pouvons-nous faire ? C’est une question de dignité humaine et de dignité nationale. Éthiquement, il est important de respecter la volonté des morts.  Mais nous avons, également,  un devoir envers les vivants, à savoir les enfants d’aujourd’hui et demain. N’est-ce pas notre Bangiricenge qui a dit que : « les souffrances et les deuils que nous endurons ensemble scellent à jamais l'indéfectible lien qui m'unit aux Barundi. » [1]

Au Ministre de la Culture et de la Jeunesse, nous proposons de mettre en place une commission de concertation (composée de la famille élargie, des Banyamabanga, des Bashingatahe, de spécialistes de culture Burundaise, des associations culturelles, la société civile et des représentants des différents ministères et des Institutions de la République) afin de mettre en place un plan d’actions pour préparer ce rapatriement. 

Par ailleurs, les moyens de sensibilisation et d’actions doivent être orientés spécifiquement vers les jeunes. Les thèmes et sous thèmes ainsi dégagés s’inscriraient dans une programmation qui viserait :

- à entretenir notre identité : notre mwami serait enterré selon  les rites de ses aïeuls,

- à dégager qualitativement les différentes dimensions de l’approche socioculturelle et historique développée à l’occasion d’un tel évènement

- à capitaliser au maximum cet évènement majeur afin d’entamer un cheminement vers la réconciliation et la réécriture de l’histoire de notre patrie

- explorer les moyens d’impulser la cohésion sociale et la réconciliation nationale ; à la veille de la création de ladite commission.

Enfin, des activités transversales doivent être organisées, au préalable ; la population doit  être informée et mobilisée. Il est temps que notre mwami repose en paix.

Tugire Amahoro.

Latif RUKARA


[1] Extrait d'une interview exclusive de Mwambutsa IV, Remarques Africaines N° 403 ,10 Juillet 1972 Propos recueillis par Jean WOLF et E.-X. Xavier UGEUX.