Missiles au Rwanda : la révélation de Libération est un "pétard mouillé"
Afrique

@rib News, 04/06/2012 – Source Belga

La « révélation » par le journal français Libération de la présence de missiles antiaériens Mistral dans l'arsenal de l'armée rwandaise à la veille du génocide de 1994 a été contestée par d'anciens Casques bleus belges présents au Rwanda à cette époque.

« Ce prétendu scoop n'est en réalité qu'un pétard mouillé et rien de plus », a affirmé dimanche le colonel à la retraite Luc Marchal, qui commandait à l'époque le secteur Kigali de la Mission des Nations unies pour l'Assistance au Rwanda (MINUAR).

Selon Libération, une liste révélant la présence de ces missiles sol-air de fabrication française - découverte par une journaliste britannique, Linda Melvern, dans les archives de l'ONU - a été remise jeudi aux juges Marc Trévidic et Nathalie Poux par les avocats des personnalités rwandaises mises en examen (inculpées) dans cette affaire en France pour leur implication présumée dans l'attentat contre l'avion du président rwandais Juvénal Habyarimana, piloté par un équipage français.

« Ce fameux document soi-disant découvert "par hasard" par Linda Melvern est connu depuis longtemps. Il a été discuté au Tribunal (pénal international sur le Rwanda, TPIR) d'Arusha (Tanzanie) il y a déjà pas mal d'années et classé comme non pertinent », a souligné le colonel Marchal.

L'ancien « numéro deux » de la force onusienne au Rwanda - tout comme un autre ex-Casque bleu belge souhaitant rester anonyme - émet de sérieux doutes sur la possession de tels missiles par les Forces armées rwandaises (FAR) en 1994.

« Il est évident que si les FAR disposaient de SAM type Mistral, je n'aurais pas pu ne pas le savoir », a assuré l'ex-officier.

Deux missiles antiaériens ont servi à commettre l'attentat du 6 avril 1994 contre le Falcon 50 du président Habyarimana, considéré comme le déclencheur du génocide rwandais, qui en cent jours a coûté la vie à 800.000 personnes selon l'ONU. Il a aussi indirectement causé la mort de dix Casques bleus belges, assassinés le lendemain à Kigali.

Selon le colonel Marchal, « posséder simplement des missiles sol-air est une ineptie car cela implique toute une chaîne logistique et une infrastructure d'entraînement adaptées, ce qui n'était pas le cas ». « L'aptitude au tir exige un entraînement très, très régulier sur simulateur à défaut de pouvoir procéder à des tirs réels, or ce genre d'infrastructure n'existait pas », a-t-il ajouté.

Un point de vue partagé par un autre ex-Casque bleu de la MINUAR qui l'a confié samedi soir sous le couvert de l'anonymat. « A ma connaissance, ce genre d'équipements n'était pas entreposé dans les dépôts de munitions » des FAR, a-t-il dit.

Le colonel Marchal rejette aussi l'argument selon lequel les missiles auraient été cachés en dehors de la zone de consignation des armes établie par l'ONU autour Kigali (KWSA).

« Pareil argument ne tient pas la route étant donné que tous les organes de décision se trouvaient à Kigali (tout comme le bataillon de la rébellion du Front patriotique rwandais, le FPR désormais au pouvoir) et donc que si la présence de missiles sol-air se justifiait quelque part c'était bien dans la capitale et non ailleurs ».

Le colonel Marchal a encore expliqué que le document cité par Libération « a été établi par le capitaine Sean Moorhouse, qui faisait partie de la MINUAR 2 - mise sur pied le 8 juin 1994, deux mois après le début du génocide ». « Il a été rédigé après le génocide sur base d'informations "non vérifiées" provenant de Human Rights Watch et qui se sont révélées non fondées », a ajouté l'ex-officier belge.

Selon lui, le capitaine Moorhouse a lui-même « confirmé que son document était basé sur des rumeurs qui circulaient à Kigali à l'époque et qu'il considérait ces rumeurs comme fantaisistes ».